Chapitre 24
La chaleur reflétée par le bitume la surpris dès qu’elle sortit, mais elle s’en accommoda rapidement et se dirigea vers l’espace service d’où émergea son amie avec un large sourire de contentement.
— Retour au monde civilisé ! Ça fait un bien fou !
Océane lui rendit son sourire.
— Je m’en vais de ce pas redécouvrir ce luxe !
Sonia s'esclaffa avant de lui tendre un paquet de mouchoirs et d’ajouter :
— Oui, mais ne t’enflamme pas non plus, hein ! Elles sont sales et il n’y a plus de papier !
— Ah… Ok, merci !
— Par contre, il y a du réseau ! Si tu veux consulter tes messages, c’est enfin possible !
Océane remercia son amie pour l’information et se dirigea vers les cabines des femmes.
Une fois soulagée, elle s’observa dans le miroir, elle hésita à enlever ses lunettes, après tout il n’y avait personne autour d’elle et elle était censée être « unique ». Pourtant, elle s’abstint. Elle se mordit aussitôt la joue, bien consciente de l’influence des Jorique sur elle. Elle secoua légèrement la tête et se pencha pour se laver les mains ; choquée par la couleur de l’eau qui s’écoulait, elle en profita même pour laver ses avant-bras. Une douche en rentrant ne sera vraiment pas de trop ! pensa-t-elle. Elle se tourna vers le distributeur de papier et en prit la dernière feuille qu’elle utilisa pour sécher ses mains, elle quitta les toilettes et déambula dans l’espace boutique, le téléphone en main.
Des appels manqués de Daphné, Cathy et de deux numéros inconnus, jusque-là rien d’inquiétant. En revanche, elle se mit à paniquer en voyant quarante-six messages non-lus ! Elle se mit aussitôt à les consulter et fut vite rassurée : sa grand-mère lui avait envoyé plein de photos d’elle et de ses sœurs en son absences. Elle souleva légèrement ses lunettes pour mieux apprécier le défilé de souvenirs sur son cellulaire : sorties au parc, au zoo, atelier pâtisserie à la maison, etc. Elle s’empara d’une barre de chocolat au caramel et d’une canette de soda, puis s’avança vers la caisse tout en regardant les photos, si bien qu’elle heurta de plein fouet une autre personne, faisant tomber ses lunettes. Par réflexe, elle releva les yeux pour s’excuser.
— Oh pardon ! Je ne regardais pas !
L’homme la dévisagea vaguement avec mécontentement avant de la contourner.
Par chance, ses yeux à lui étaient normaux, Océane s’empressa néanmoins de remettre ses lunettes, réalisant sombrement qu’elle ne voulait ni contrarier Rafael ni prendre un risque inutile. Elle régla rapidement ses achats et reprit le chemin vers la voiture.
Voyant de loin que tout le monde n’était pas encore revenu, elle décida de profiter encore un peu de l’été. Elle ouvrit sa canette avant de s’appuyer contre une barrière et ferma les yeux, prêtant l’oreille à quelques cigales égarées qui chantaient au loin, perdues dans le bruit de la circulation, savourant la caresse brûlante du soleil sur sa peau. Elle se sentait si bien, qu’elle commença presque à s’assoupir.
— On ne va pas tarder à repartir, tu viens ?
Océane se ressaisit et suivit son amie qui fit les gros yeux en frôlant ses bras.
—Whoa ! Mais combien de temps tu es restée au soleil ? Tu es brûlante !
L’intéressée se frictionna vaguement les bras et fut forcée d’admettre que son amie avait raison, pourtant elle n’avait eu l’impression d’avoir si chaud. Elle souleva légèrement ses lunettes et fut soulagée de constater qu’elle n’était pas rouge, du moins pas encore.
— Je me suis un peu assoupie je crois…
— J’espère que tu n’auras pas de brûlure, tu veux mettre de la crème au cas où ?
Océane considéra la question, mais finit par refuser, elle n’avait pas envie d’être toute collante dans la voiture et de risquer de gêner son voisin de droite.
— Comme tu veux, je t’aurais prévenue ! répondit Sonia. Tu as eu le temps de regarder tous tes messages ?
— Non, pas encore, je finirais dans la voiture.
Elle appuya son propos en lui montrant quelques unes des photos reçues, ce qui fit sourire son amie. Elles finirent rapidement leur boisson et remontèrent à bord du véhicule où la température était déjà remontée.
Le trajet reprit son cours et avec lui, les réflexions d’Océane. Se retrouver dans la station essence entourée de gens normaux et consulter son téléphone l’avaient presque faite douter de toutes ces histoires de dragons, mais le regard serpentin de Rafael dans le rétroviseur la ramena à sa venimeuse réalité.
Sonia reprit son petit somme sur son épaule, tandis que Maxime était tourné vers le paysage. Bien vite, Océane remarqua qu’il échangeait de nombreux messages, il avait l’air contrarié. Pour autant, elle n’osa pas être plus indiscrète, redoutant une réplique acerbe dont il avait le secret. Elle se pencha sur son propre téléphone, découvrant ses derniers messages : des invitations à des sorties qu’elle déclina à contrecœurs, d’autres photos de ses sœurs, quelques spams et des messages sur son répondeur venant de numéros inconnus. Ne voulant pas déranger le sommeil de Sonia qui ronflait doucement sur son épaule, elle rangea son cellulaire, non sans avoir au préalable pris un selfie peu flatteur de son amie.
— Il faudra me l’envoyer celle-ci !
Océane sursauta presque à la requête de Sofines, elle lui adressa finalement un sourire complice.
— Avec plaisir !
La mère de son amie lui adressa un clin d’œil avant de se retourner face à la route. La laissant à nouveau seule avec ses inquiétudes.
Elle avait hâte de rentrer chez elle, mais elle redoutait les examens à passer avant cela. Son esprit n’ayant rien d’autre pour se distraire, elle se mit à réfléchir aux tests qu’ils allaient lui faire passer, n’ayant pas de grandes connaissances en médecine, ses pensées tournèrent vite en rond. Il y aurait certainement des prises de sang, mais quoi d’autre ? Autrefois sa mère était friande de séries télévisées médicales ; Urgences, Grey’s Anatomy, sans oublier son préféré : le cinglant Dr House. Mais tout cela commençait à dater et Océane ne se souvenait pas des examens qui étaient réalisés. A défaut de lui donner des indices, ses souvenirs la plongèrent dans une nostalgie aussi douce que douloureuse.
Le trajet fut ponctué par une autre pose ; cette fois, Océane resta à bord du véhicule, elle n’avait pas envie de risquer de croiser qui que ce soit. Elle voulu écouter ses messages vocaux, mais le réseau capricieux l’en empêcha, elle se contenta de regarder une nouvelle fois les photos de sa famille. Maxime fut le premier à revenir dans le véhicule.
— Tu n’es pas sortie prendre l’air ? s’enquit-il.
Elle nia d’un petit mouvement de la tête, évitant soigneusement de le regarder dans les yeux.
— T’es contrariée ?
Elle nia à nouveau, même si un sentiment d’agacement commencer à poindre le bout de son nez. Depuis quand s’intéresse-t-il autant à moi ? songea-t-elle avant que la réponse ne la frappe de toute son évidence.
— Préoccupée ?
Cette fois, elle craqua.
— A ton avis, Maxime ? Je me retrouve du jour au lendemain avec des écailles et d’immondes yeux de serpent ! Cet après-midi, je vais passer je ne sais quels examens avec ton père et ton oncle, qui sont par ailleurs, les rois de la rétention d’informations ! Je n’ai aucune idée de ce qui va changer dans ma vie, mais je sens que ça va être déplaisant ! Et toi ! Toi qui m’as toujours détesté et montré que du dédain, tu deviens tout mielleux et soucieux de moi ! Alors ! à ton humble avis : suis-je préoccupée ?
La tirade laissa le jeune homme sans voix, déconcerté par la détresse perceptible derrière le ton défensif avec lequel Océane lui avait répondu. Elle le fixait avec intensité, les larmes prêtes à couler, le mettant au défi de lui répondre.
De longues secondes s’écoulèrent avant qu’il ne baisse les yeux. Océane expira lentement, une partie d’elle regrettait déjà de lui avoir parlé ainsi, l’autre se sentait soulagée d’avoir pu exprimer à voix haute toutes ses inquiétudes.
Il releva finalement son regard, elle fut surprise d’y voir tant de lassitude, cela ne lui ressemblait pas.
— Donnes-moi ton téléphone, demanda-t-il doucement.
Interloquée par cette requête, elle lui tendit son bien et le vit saisir son numéro avant de s’octroyer le droit de s’envoyer un message pour lui aussi avoir son contact. Elle s’apprêtait à lui faire une remarque cinglante sur cette liberté qu’il prenait sans son accord, quand il reprit la parole.
— Ma sœur et mes parents ne vont pas tarder de revenir, je n’ai pas le temps de te dire tout ce que je voudrais, mais sache que je ne t’ai jamais détestée.
Il appuya son propos en la regardant droit dans les yeux.
« Ne fais confiance à personne. Encore moins à mes cousins. » Les mots résonnaient dans son esprit et pourtant, la sincérité dans son regard la troublait.
— Pour le reste, j’essaierai de te répondre si je connais les réponses. N’hésite pas à me demander quoi que ce soit.
A son tour, elle resta coite face à son interlocuteur tandis qu’il lui rendait son bien. Sonia et ses parents ne tardèrent pas à revenir et ils reprirent la route.
Alors que le paysage défilait sous ses yeux, devenant de plus en plus urbain, Océane ne parvenait pas à décider si ce dernier échange l’avait rassurée ou pas sur ce qui l’attendait.
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