Chapitre 33

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Alors qu’elle profitait d’une grasse matinée, Océane fut réveillée par un appel d’une agence intérim : il avait besoin d’une personne pour faire la plonge midi et soir sur le week-end dans un restaurant du centre-ville. Elle déclina, leur expliquant qu’elle travaillait déjà le soir même, on lui proposa alors de ne faire que le service du midi. Peser le pour et le contre fut rapide, elle accepta. Un regard à son réveil l’informa qu’elle avait un peu moins de deux heures pour se préparer et se rendre sur place, elle serra les dents.

Les paroles de Sonia lui revinrent en mémoire : « Et tu te reposes quand ? Tu vis quand ? ».

Elle fit la moue, songeant qu’elle n’avait pas le choix et que de toute façon, si la relation avec sa famille restait ainsi, son temps libre risquait d’être plus une souffrance que du temps de repos.

Le samedi et le dimanche furent éprouvants, quand elle rentra chez elle le lundi vers six heures, Océane était exténuée. Le rythme de travail la nuit était quasiment aussi soutenu que le jour en raison de l’effectif réduit, elle n’avait dormi que quatre heures le dimanche et une durée similaire l’attendait avant de rejoindre l’hôpital pour son second temps partiel. Elle prit une douche rapide et s’effondra dans son lit.

Ce travail s’avéra légèrement plus compliqué que ce qu’elle présageait. Loin d’être anodin, le ménage devait être fait avec minutie après chaque patient pour éviter les propagations de germes et autres virus. Tout devait être tracé, paraphé, sans oublier que chaque tache avait un temps dédié afin que tout soit réalisé sur des plages horaires déterminées. Par chance, la collègue qui la forma expliquait bien chaque procédure et chaque produit, laissant même le temps à Océane de prendre quelques notes dans un carnet.

À la fin de son service, Océane rentra épuisée. Sans même prendre le temps de saluer sa famille qui se trouvait dans le salon, elle prit la direction de la salle de bain, puis alla directement dans sa chambre.

Une fois étendue dans son lit, elle consulta son téléphone. Elle avait vu des notifications de messages, mais n’avait pas pris le temps de les lire.

Le premier venait de Sonia, cette dernière s’étonnait de ne pas avoir de nouvelles et demandait quand elles pourraient se voir et passer un peu de temps ensemble, elle lui rappelait également de ne pas oublier la fête d’anniversaire des jumelles. Océane sourit face à la candeur de son amie, mais trop fatiguée pour rédiger une réponse qui ménagerait sa déception, elle reporta cette tache au lendemain.

Le second message, en revanche, retint toute son attention, la sortant même de sa torpeur. Il provenait de Maxime. Mais qu’est-ce qu’il me veut encore celui-là ? s’inquiéta-t-elle. Elle se décida à le lire.

« Je reste dispo si tu veux en parler. »

Deux pièces jointes suivaient. Elle ouvrit la première et, surprise, découvrit les résultats de sa prise de sang, celle-ci faisait une dizaine de pages. Elle la parcourut rapidement, mais la fatigue lui faisait mélanger les lignes ; elle abandonna, reléguant aussi cela au lendemain. Ayant une idée de ce que serait la seconde pièce, elle la consulta brièvement ; il s’agissait des résultats de sa ponction lombaire.

Revenant au message, elle le relut plusieurs fois. Comment et quoi répondre ? Elle lui était reconnaissante de son initiative, surtout si on prenait en compte la façon dont elle lui avait parlé et les propos qu’elle lui avait tenus. Pour autant, elle n’arrivait pas à faire l’impasse sur tant d’années de condescendance et de mépris, sans oublier les choses horribles qu’il avait dites sur son père, là encore sa voix avait été si méprisante en parlant de lui… Cependant, elle ne pouvait pas ne pas lui répondre, si ?

C’est à ce moment-là que résonnèrent des coups à la porte.

— Oui ?

Anika entra, elle semblait préoccupée.

— Tu ne manges pas ce soir ?

— Non, je suis fatiguée…

— On ne t’as pas beaucoup vu ces derniers jours… releva la vieille femme.

En d’autres circonstances, Océane aurait sauté sur l’occasion. Mais la souffrance de l’isolement subie depuis son retour, cumulée à la fatigue physique et émotionnelle eurent raison de ce qui pouvait rester de sa patience et de sa retenue.

— En même temps, ce n’est pas comme si vous aviez envie de passer du temps avec moi, je me trompe ? demanda-t-elle avec froideur en se redressant dans son lit. Depuis que je suis revenue, vous m’évitez toutes les trois. Vous ne me parlez plus, vous ne vous intéressez plus à moi ou ce que je fais ! Pas une fois vous ne m’avez demandé comment s’étaient passées mes journées de travail !

Le regard d’Anika se décomposa, culpabilisait-elle ? Océane n’en avait cure, les vannes étaient ouvertes.

— Ta façon même de me parler et de me regarder a changé, ajouta-t-elle d’une voix tremblante. Pourtant, je n’ai rien fait de mal, si ?

Elle dévisagea sa grand-mère, des larmes silencieuses de rancœur et de douleurs sillonnant ses joues.

— Oh, Schatzi…

Les lèvres pincées, elle se rapprocha, s’assit sur le lit et prit les mains de sa petite-fille.

— Qu’est-ce qui te fait dire que l’on se désintéresse de toi ?

Océane lui rappela leurs attitudes et comportements depuis qu’elle était revenue. Après l’avoir patiemment écouté, Anika reprit doucement la parole.

— Bien, en ce qui concerne jeudi, j’étais vraiment fatiguée. Les températures de ses derniers jours n’aident pas vraiment. Pour tes sœurs, ma foi… Vous avez toutes les trois un caractère bien trempé… Oui oui, même toi ! affirma-t-elle en voyant les yeux d’Océane s’écarquiller. Alors forcément, il y a des hauts et des bas… Pour ce qui est de ce week-end… Tu t’es isolée toute seule : entre ton rythme de travail et ton isolement dans ta chambre, il était délicat d’échanger avec toi ! Et tes sœurs comme moi-même ne voulions pas t’embêter si avais besoin de repos…

La jeune femme dévisagea sa grand-mère, cherchant désespérément la vérité dans ses prunelles. Ai-je réellement imaginé tout ça ? Trop de choses avaient changé au cours de la dernière semaine et elle était beaucoup trop fatiguée pour faire le tri entre la réalité et ce qui avait été le fruit de son imagination.

Voyant combien sa petite-fille était troublée, Anika la prit délicatement dans ses bras tout en caressant ses cheveux.

— Je pense que t’es laissée te surmener… Dors, on reparlera de tout ça demain si tu ne travailles pas, d’accord ?

L’étreinte de sa grand-mère eut raison d’elle. Ses épaules se détendirent enfin, et dans un souffle, elle relâcha la douleur qui lui avait enserré la poitrine depuis son retour.

Même si le doute persista une fois seule, elle se sentit plus légère lorsqu’elle se rallongea.

Alors qu’elle rallumait son téléphone pour programmer son réveil, le message de Maxime se représenta à elle, ce qui ne manqua pas de la faire soupirer. Oh et puis zut à la fin ! ragea-t-elle intérieurement avant de taper un simple « merci » et d’envoyer sa réponse. Satisfaite, elle se laissa sombrer dans les bras de Morphée.

Onze heures de sommeil ne furent pas de trop pour se remettre de cette violente entrée dans la vie active et remettre un peu d’ordre dans ses pensées. À peine réveillée, Océane se remémora l’échange avec sa grand-mère. Avait-elle réellement imaginé leur éloignement ? Sa nouvelle nature l’avait-elle rendue paranoïaque au point d’altérer son jugement sur sa propre famille ? C’est pas impossible… conclut-elle, maudissant la brûlure à sa jambe. Cette dernière était quasiment guérie, laissant derrière elle une large cicatrice rosée qui blanchirait sûrement avec le temps.

Ne pouvant malheureusement pas revenir dans le passé, elle se redressa dans son lit et jeta un œil aux documents que Maxime lui avait envoyés la veille, songeant que s’il y avait des anomalies importantes, Rafael aurait certainement essayé de la contacter… non ?

Commençant avec les analyses de sang, elle étudia les différentes lignes, cherchant en parallèle à quoi correspondaient les termes. Au final, à part quelques éléments légèrement en dehors de la norme, elle était vraisemblablement en bonne santé. Elle fut bien plus intéressée par les résultats des dernières pages listant les intolérances alimentaires. En tête de liste de ses nouvelles interdictions : l’estragon et le jasmin, mais également le chèvrefeuille. La bonne nouvelle : elle n’était pas devenue allergique au thé. La mauvaise : elle ne pourrait plus boire son préféré.

La lecture des résultats de la ponction lombaire la mit davantage en difficulté, même si elle paraissait être dans la norme, elle n’était pas sûre de ce qu’elle était censée lire ou interpréter. En y réfléchissant un peu plus, elle réalisa qu’il en était de même pour les prises de sang ; elle était dans la norme pour une humaine, mais cela était-il la norme pour une draque ?

Ne pouvant se résoudre à demander de l’aide à Maxime, elle préféra reporter ces inquiétudes à plus tard. L’urgence était ailleurs : son estomac criait famine.

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