Chapitre 4

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La table était mise dans le petit salon et un couvert l’attendait face à son amie. À côté de Maxime.

En arrivant avec un large plat entre les mains, la maîtresse de maison adressa un large sourire à son invitée en la voyant entrer.

— Installe-toi, Océane. Je suis contente que tu puisses rester manger ce soir.

Sonia adressa un large sourire vainqueur à son amie. Quant à Maxime et leur père, ils ignorèrent leur invitée, chacun profondément concentré sur son téléphone portable.

— Merci de votre invitation, Sofines.

— Messieurs, téléphones !

Maxime rangea aussitôt le sien, quant à son père, il adressa un sourire à son épouse tout en terminant de composer ce qui devait être un message ou un mail.

— Chéri…

— Oui, c’est bon ! minauda-t-il en rangeant son téléphone à son tour.

Elle n’en montra rien, mais Océane était toujours amusée de voir ce fier pater familias obéir si docilement à son épouse, il n’y a d’ailleurs qu’envers celle-ci qu’elle l’avait vu sourire avec douceur et sincérité. Du haut de son mètre quatre-vingt-quinze, sa carrure épaisse et son visage carré, M. Jorique était impressionnant.

Le repas se déroula calmement, Océane faisant son possible pour être le plus discrète possible.

Alors que Sofines découpait la mchawcha et que Sonia l’aidait en servant le thé, la conversation s’orienta vers les vacances d’été. Comme chaque année, la famille Jorique partait camper pendant une semaine et des cousins, oncles et tantes venaient se joindre à eux.

— Et bien sûr, tu te joins à nous cette année ! proclama Sonia à l’intention de son amie.

Océane manqua de s’étouffer avec son thé. Elle y était allée une ou deux fois et avait passé de merveilleux moments avec sa meilleure amie, mais elle s’était sentie de trop dans le regard de son père. Elle ne manqua pas d’ailleurs le léger froncement de sourcils de son père, pas plus que la moue de Maxime. Son amie était-elle aveugle à ce point ou ignorait-elle sciemment ?

— Non, malheureusement je ne pourrais pas me joindre à vous, je vais travailler dès cet été, j…

— Non, j’en ai parlé à Oma ! la coupa Sonia. Elle m’a dit que c’était arrangé !

Océane resta bouche bée, tandis que son amie affichait un sourire vainqueur. Maxime eut une petite exclamation hautaine.

— Fais pas cette tête, lui dit-il avec condescendance. Ce n’est pas comme si une semaine de salaire en caissière allait faire la différence !

Océane se contenta de répondre avec un petit rire forcé. Qu’est-ce que tu sais du salaire d’une caissière sur une semaine ? Qu’est-ce que tu sais de la nécessité d’apporter un salaire à ton foyer ? Gros nase… S’il lui arrivait encore de se pâmer face à Maxime, ce genre de réflexion lui faisait l’effet d’une douche froide et calmait ses ardeurs.

— Tu as décidé de ce que tu veux faire l’an prochain comme étude ? demanda doucement Sofines.

— Je… Je pense que je vais directement me mettre au travail.

Un silence gênant tomba, même Sonia n’osa pas répliquer, d’autant qu’elles avaient déjà eu cette conversation. Malgré ses excellentes notes, Océane ne pouvait pas envisager l’université : pas les moyens ni le temps. Anika n’allait pas en rajeunissant et Diane n’avait que cinq ans, elle savait pertinemment quel avenir l’attendait.

— Les aides pour enfants orphelins vont jusqu’à vingt et un ans, Océane. Certes, cela ne te permet pas de viser une formation universitaire, mais tu pourrais faire une formation de type BTS ou une alternance.

C’était bien la première fois que le père de Sonia avait un propos aussi amical à son attention, cela la laissa un instant sans voix.

— Je vais y réfléchir, conclut la jeune fille.

La réflexion était néanmoins toute faite ; ses sœurs ne le savaient pas, mais leur grand-mère avait commencé à montrer des signes de parkinson et les médecins la suivaient depuis l’hiver précédent. En tant qu’aînée, c’était à elle de prendre la relève et de prendre soin de sa famille.

La tension retomba et la conversation se diversifia, puis Océane donna un coup de main à Sonia et à la mère de celle-ci pour débarrasser la table, puis remplir le lave-vaisselle.

— Merci, Océane.

La jeune fille sourit poliment et jeta un regard à son téléphone.

— Il se fait tard, je vais rentrer chez moi. Merci pour le repas !

— Avec plaisir, ma belle !

La mère de famille se tourna vers le salon où son mari et son fils discutaient.

— Maxime ! Sois gentil et ramène Océane chez elle !

Les yeux d’Océane s’écarquillèrent.

— C’est gentil, mais ça ira ! Je n’habite pas si loin, je serai chez moi en une demi-heure !

— Je sais, précisément : tu ne vas pas rentrer à pied à cette heure !

Le ton ferme qu’employa la mère de son amie était sans appel, Maxime eut la même impression ; il lâcha un long soupir résigné en se levant du canapé.

— Allez, viens le boudin, je te ramène chez toi… grommela-t-il en passant à son côté, récoltant une tape à l’arrière du crâne de la part de sa mère.

— Surveille ton langage, jeune homme !

Océane étouffa un rire et suivit son conducteur tout en saluant son amie et ses parents.

Ils prirent la voiture de Maxime, un cadeau de son père pour son entrée en école de prépa. Tout en bouclant sa ceinture, Océane tenta d’engager la conversation, même si elle connaissait d’avance la réaction de son interlocuteur.

— Tu comptes poursuivre la prépa l’année prochaine ? demanda-t-elle doucement.

Il lui décocha un bref regard tout en terminant sa marche arrière pour quitter le garage. On ne change pas une équipe qui gagne, songea-t-elle résignée. Elle soupira.

— Je sais qu’on n’est pas ami, mais je n’ai jamais compris pourquoi tu étais si froid vis-à-vis de moi… murmura-t-elle blasée, le regard perdu sur la route.

— On n’a rien en commun. Y a rien à ajouter. Estime-toi heureuse que je te ramène vraiment jusque chez toi et que je te dépose pas à mi-chemin.

Il profita d’un feu rouge pour allumer la radio et n’adressa pas le moindre regard à sa passagère, affichant une mine austère.

Tu parles d’une explication… pensa amèrement la jeune fille. Cela ne t’a pas empêché de sortir avec Inès ni Sandrine ! Elle n’en avait rien montré à l’époque, mais elle avait été envieuse et un peu (beaucoup) jalouse de ses camarades. Inès avait d’ailleurs été insupportable à se vanter de la douceur de ses lèvres et de ses talents pour embrasser. Elle lui jeta un vague regard comme pour faire un deuil définitif de ses sentiments, puis se concentra sur son téléphone le reste du trajet. Arrivée à destination, Océane le remercia et eut tout juste le temps de fermer la portière derrière elle avant que Maxime ne parte en trombe.

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