Chapitre 5

5 minutes de lecture

Bien que les résultats soient disponibles en ligne, Océane retrouva Sonia et ses camarades de classe devant le panneau d’affichage du lycée ; l’excitation était palpable.

— Fais pas genre t’es stressée, Cécé ! Si toi tu ne l’as pas, personne ne l’a ! taquina Samira.

L’intéressée eut un sourire gêné et resta silencieuse ; elle était dans les premiers de la classe, il y avait effectivement peu de chance qu’elle soit au rattrapage. Non, ce n’était pas cela qui faisait battre son cœur à l’attente des résultats. Cet examen était le dernier qu’elle aurait l’occasion de passer, il était sa dernière occasion de briller par ses capacités avant de sombrer dans la monotonie du quotidien d’une smicarde. Elle avait tout donné pendant ces épreuves : elle espérait avoir excellé.

Enfin, deux pions vinrent munis de plusieurs feuilles. Après avoir bataillé pour atteindre les panneaux et accrocher les documents, ils durent presque jouer des coudes pour quitter la masse de lycéens agglutinés autour d’eux. Des cris de joies, de soulagement, des mines choquées, déçues, des larmes de joies ou de tristesse… Toutes ces émotions couraient sur la peau d’Océane tel de l’électricité, alimentant sa propre excitation. Arrivée enfin face aux fameuses listes, elle fut déçue de découvrir qu’ils étaient listés par ordre alphabétique, mais sa joie remontra le bout de son nez : les mentions apparaissaient pour les admis. Elle trouva finalement son nom.

DALANOUÉ, Océane _ Admis(e) _ mention très bien

Elle s’attendait à une véritable euphorie, mais elle se sentit seulement soulagée avec une espèce d’amertume, un goût de fin. Rapidement, elle sentit les larmes monter, des larmes de tristesse ; ni sa mère ni son père pour la féliciter et aucun avenir glorieux ou même prometteur ne lui tendait les bras. Juste le loisir de dire qu’elle avait obtenu son BAC avec mention. Elle cligna rapidement des paupières et s’éloigna des tableaux pour retrouver sa grand-mère et ses sœurs.

— Alors, alors ? demanda son aïeule, les yeux pétillants.

Océane prit une grande inspiration pour effacer sa tristesse et priant pour que ses yeux luisants de larmes passent pour de l’excitation.

— Je suis admise !

— Avec mention ! s’empressa de rajouter son amie Cathy tout en se plaçant à sa gauche, une main autour de sa taille.

— Je dirais même : mention très bien, madame ! rajouta Sonia à sa droite, avant de placer un bisou sonore sur sa joue. Bravo ma poulette !

Les yeux de sa grand-mère brillaient de joie, un large sourire illuminait son visage.

— Herzlichen Glückwunsch Schatz ! finit par murmurer la vieille femme, émue.

— Merci, Oma !

Océane se dégagea de l’emprise de ses amies et embrassa sa grand-mère. Elle se tourna finalement vers ses camarades.

— Bon ! Et vous alors ?

— Admise, pas de mention, mais ça reste un miracle, surtout avec le sujet de math qu’ils nous ont collé cette année ! s’esclaffa Cathy. Et toi, Sonia ?

L’intéressée fit la moue en relevant mollement les épaules.

— On en reparle l’année prochaine ?

La mâchoire d’Océane céda de stupeur. Son amie n’était pas aussi brillante qu’elle, mais elle n’avait aucun doute sur ses capacités et jusque-là sur son obtention du bac ! Elle dévisagea son amie et eu du mal à la cerner pour la première fois de sa vie : son expression ne trahissait aucune émotion ni joie, ni tristesse, ni déception, rien. Il va falloir que je creuse le sujet… songea-t-elle perplexe. Le malaise provoqué par l’annonce se dissipa néanmoins bien vite.

— Ne t’inquiète pas Sonia, il y a le rattrapage encore, Océane va t’aider. Et quand bien même, une année est vite passée, si ce n’est pas cette année, ce sera l’année prochaine.

Le ton bienveillant de la grand-mère ne laissait aucune place à l’amertume.

Appelée par son petit-ami, Catherine s’excusa et quitta le petit groupe.

— Bien ! Et si on allait manger ? proposa la vieille femme. Je vous invite pour fêter ton bac Océane et pour t’encourager Sonia.

— Oh, tu sais Oma, je n’ai pas très faim… Et j…

Commença Sonia, mais elle fut vite interrompue par la vieille femme.

— Ttt ttt ! Allez, on y va ! dit-elle en tournant le dos, tenant ses petites-filles par la main.

Les deux amies échangèrent un regard contrit, quand Anika avait décidé de quelque chose, nul ne pouvait lui faire changer d’avis. Elles lui emboîtèrent finalement le pas.

Tandis qu’elles suivaient sa grand-mère, Océane s’efforça de garder un peu de distance. Elle se colla à son amie et lui posa discrètement la question qui la taraudait.

— Rassure-moi, tu n’as pas fait exprès ?

— Exprès quoi ? répondit candidement la brune.

Océane lui adressa un regard appuyé, la chose étant évidente. L’intéressée baissa les yeux, elle semblait en plein dilemme.

— Tu peux tout me dire, non ?

Sonia lui jeta un regard teinté d’inquiétude.

— Tu répètes pas, hein ?

— À qui veux-tu que je raconte quoi que ce soit ?

Son amie désigna la grand-mère d’un léger coup de tête. La jeune femme s’étonna de cette inquiétude, elle s’attendait plutôt à ce qu’elle évoque sa famille.

— T’as plus peur d’Oma que de ton père ?

Ce à quoi son amie hocha vivement la tête, les yeux légèrement exorbités. Océane contint son rire et s’efforça de cacher son sourire. Anika n’avait élevé la voix qu’une fois sur Sonia, celle-ci jouait dans la cuisine en courant après Diane et dans son agitation, elle avait failli se renverser une casserole d’eau bouillante sur elle et la tête de la petite, la grand-mère les avait brusquement attirées vers elle tout en rattrapant de justesse la queue de la casserole, n’en renversant qu’un peu de son contenu par terre. Anika se fâchait rarement, mais ses colères étaient terrifiantes. Cela avait visiblement marqué la jeune femme.

— Promis, je ne dirais rien à personne, pas même Oma.

— Si… chuchota la brune.

— Si quoi ?

— La réponse à ta question, banane ! Si, je l’ai fait exprès.

Que répondre à cela ? Océane était encore plus perplexe qu’avant de poser sa question.

—…Quoi ?! Pourquoi ?

Les épaules de la jeune femme s’affaissèrent, une moue de dépit s’empara de ses traits.

— Mon père veut absolument que j’intègre une fac ou une prépa… son regard croisa celui de son amie, désespérée. Moi, ce n’est pas mon truc les études ! Je veux juste un petit boulot peinard : fleuriste ou coiffeuse ! Mais il ne veut rien entendre…Comme si c’était dégradant pour lui d’avoir une fille coiffeuse…

Océane n’avait aucun mal à imaginer la scène ni le mépris de M. Jorique en tenant de tel propos. Les mots lui manquaient pour réconforter son amie, aussi elle se contenta d’accrocher son bras au sien et de poser doucement sa tête sur son épaule. Le geste sembla apaiser son amie qui se détendit quelque peu.

— Du coup, j’ai décidé de jouer contre lui. Je vais tout foirer jusqu’à ce qui me laisse tranquille et faire ce que je veux de ma vie.

La stratégie était bancale et lui portait préjudice, mais Océane n’avait pas mieux à lui proposer. Elles restèrent silencieuses jusqu’à l’entrée du restaurant.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Pattelisse ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0