Chapitre 12

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La fin du trajet jusqu’au campement fut plus apaisée, elles se regardèrent mutuellement pour s’assurer que rien ne laissait présumer les larmes coulées et Océane promit de faire abstraction de ce qu’elles avaient entendu ; elle voulait rester sur son souhait en arrivant : pas de drama. Et puis, elle ne tenait pas à ce que cette conversation soit tenue avec les adultes, encore moins avec le père de son amie, il ne faisait aucun doute qu’il partagerait l’avis de son fils. Elle ne voulait pas voir le dégoût ou le malaise dans leur regard. Enfin, elle aimait beaucoup Sofines et les tantes de Sonia, elle avait peur de découvrir qu’elles aussi la considéraient comme un parasite indigne de la famille Jorique, car même si elle le garda pour elle, c’était à présent ainsi qu’elle se sentait : non pas une intruse, mais bien un parasite indigne de la noble famille Jorique. Elle aimait profondément son amie, mais elle avait hâte de rentrer chez elle.

Alors qu’elle préparait les épices et les légumes avec Laurence, tandis que Sonia préparait les braises, les hommes arrivèrent tous en même temps, chacun arborant un visage radieux et une peau un peu plus tannée par le soleil. Les épouses avaient abandonné de les convaincre de mettre de la crème solaire. « Il y a tout de même deux médecins parmi vous, vous devriez le savoir que ce n’est pas bon le soleil sans protection !! » avait vociféré Marie-Louise, en vain.

Lorsqu’Alexandre se rapprocha d’Océane en lui demandant ce qu’elles avaient fait de la journée, Sonia eut un regard teinté d’inquiétude. D’abord hésitante, elle se rappela sa promesse à elle-même. Pas de drama. Pas de drama. Je n’ai rien entendu. Elle adressa finalement un sourire innocent à son interlocuteur.

— On est allée sur les hauteurs, c’était magnifique !

— Ah oui ? De quel côté ? demanda-t-il, vraisemblablement intéressé.

— Celui qui domine le lac ! répondit Sonia. Vous étiez toooooout petit vue d’en haut !

— Ça doit vous changer, de voir les choses d’en haut ! taquina Adrian, le frère cadet d’Alexandre.

Sonia lui mit un coup de coude dans côtes, tous ses cousins et oncles les dépassaient d’au moins une tête, voire deux.

Alexandre reporta son attention sur Océane.

— Et du coup, tu as fait des dessins ?

Malgré tous ses efforts, la conversation revenait dans sa tête, notamment la partie où elle n’était qu’un amusement. Elle s’efforça à sourire et s’apprêtait à répondre, quand Maxime la coupa.

— Arrête ton charme Alex et aide-moi à vider les truites !

L’intéressé soupira et fit un clin d’œil à Océane avant de se tourner vers son cousin.

Les préparatifs se firent dans la bonne humeur. Laurence râla, déjà lasse de manger encore du poisson, ce à quoi son mari lui rappela comment elle avait pleuré l’année précédente quand il avait tué un lapin qu’il avait attrapé.

— Au moins tu ne pleures pas pour le poisson ! conclut-il doucement, le ton légèrement moqueur.

Son épouse fit la moue, ne trouvant rien à répondre.

— Vous n’êtes pas obligé d’amener les proies vivantes ici… commenta Sofines en déposant les poissons sur les braises.

Rafael se rapprocha d’elle avec d’autres brochettes de truites, il embrassa doucement son front.

— Message reçu mesdames, nous irons placer des collets demain matin et on ramènera les proies tuées et prédépecées.

Le repas prêt, tout le monde commença à s’installer autour de la table. Sonia avait pris l’habitude de se mettre à droite de son amie et Alexandre s’avança pour prendre une fois de plus la place à sa gauche. Ce fut sans compter sur Maxime qui lui passa devant et s’installa à sa place. Pendant un instant fugace, les deux jeunes hommes échangèrent un regard sombre avant de retrouver un visage familier, mais cela n’échappa pas aux deux amies qui firent mine de rien. Sonia ne parvint néanmoins pas à conserver son prétendu étonnement.

— Depuis quand tu t’assois à côté de nous ?

Océane lui lança une œillade appuyée pour lui faire comprendre de laisser tomber, elle s’attendait à une réponse gênante, mais Maxime avait préparé sa parade.

— Vous ne finissez jamais vos assiettes et c’est toujours Alex qui a la primeur. Ce soir j’ai la dalle, c’est moi qui aurais vos brochettes. Si vous ne bavez pas trop dessus cela s’entend !

La réplique fit rire les autres convives, le regard de son cousin trahissait néanmoins son agacement, celui-ci n’en avait cure des brochettes.

— Pff.. Gros nase… grommela sa sœur.

Le repas se déroula sans accroc, mais Océane ne put se détendre et l’appétit la fuyait. Contraint par son discours, Maxime du finir ses brochettes, lui intimant de finir au moins ses légumes. Elle serra les dents, luttant contre l’envie de l’insulter, avant de s’efforcer à finir les quelques morceaux de pommes de terre dans son assiette.

La nuit s’annonçant particulièrement fraîche, les garçons préparèrent un feu pour se tenir chaud. C’est le moment que choisit Marie-Louise pour exhiber la contrebande qu’elle avait réussi à ramener dans le dos de son mari : des biscuits au chocolat et des chamallows. Les hommes râlèrent et pestèrent face à cette infraction au CCJ – Océane avait lâché l’acronyme durant le repas pour détendre l’atmosphère et cela avait été adopté à l’unanimité – mais pas un ne résista pour autant à l’envie de les passer au-dessus des flammes avant de les manger. Diverses conversations s’entremêlèrent comme elles ont le don de le faire en bonne compagnie ; Maxime ne trouva pas de bonne raison de s’installer aux côtés d’Océane, son cousin en profita pour se rapprocher de la jolie blonde et discuter avec elle de sa passion étrange pour les oiseaux.

La nuit tomba, emportant avec elle un par un les différents convives, ne laissant plus que les deux jeunes filles, Alexandre et Maxime assis par terre autour du feu. Il ne faisait aucun doute qu’Alexandre espérait avoir un moment seul à seul avec l’objet de ses convoitises, mais ni Sonia, ni Maxime ne laisserait cela arriver, certes pas pour les mêmes raisons, mais ils luttaient chacun contre le sommeil, s’envoyant des regards assassins. Océane quant à elle, avait juste envie de voir tout le monde se coucher et rester seule près du feu, elle avait si froid ce soir…

Quand un frisson la trahit, Alexandre sursauta.

— Mince, tu as si froid ? Viens, rapproche-toi du foyer, je vais rajouter un peu de bois.

La jeune fille obtempéra et se rapprocha des flammes, tandis que son prétendant s’emparait d’une bûchette. Il se rapprocha du feu, mais au dernier moment, le morceau de bois lui échappa des mains, faisant voler un nuage de braises, mais emportant également dans sa chute, une longue branche enflammée qui se retourna et atterri directement sur le tibia et le mollet d’Océane.

Un peu assoupie, Océane ne réagit pas tout de suite, la douleur ne tarda cependant pas à la saisir. Elle recula rapidement tout en agitant sa jambe pour faire tomber la tige enflammée, en vain. La branche semblait coller à sa peau. Sans réfléchir, Alexandre se jeta sur elle et arracha la branche à main nue pour la rejeter dans le foyer.

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