Chapitre 13
Océane hurla de douleur. Sa peau semblait s’être arrachée avec la branche et elle se vidait de son sang. Ahuri et dépassé par la situation, Alexandre la regardait impuissant. Sonia se précipita vers la tente de ses parents d’où émergeait déjà son père, tandis que Maxime bouscula son cousin pour se pencher sur Océane. Sans réfléchir, il la prit dans ses bras et la porta sur la table, son père arriva aussitôt à son côté, muni de la lampe LED d’urgence.
— Bon sang, qu’est-ce que vous avez foutu ?
— C’est ce gros nase qui n’est pas fichu d’alimenter le feu sans faire de connerie ! s’emporta Maxime.
À moitié consciente tant la brûlure la consumait, Océane releva néanmoins la colère démesurée dans la voix du jeune homme, elle ne l’avait jamais connu dans cet état. Et lui qui portait tant de respect à sa famille, elle était choquée de l’entendre parler si mal de son cousin.
— Une branche enflammée lui est tombée sur la jambe… gémit Sonia qui s’était placée de l’autre côté de son amie, saisissant sa main.
Rafael examinait la plaie à la lumière de la lampe, il était particulièrement énervé.
— Vous vous foutez moi ? Si c’était le cas, elle aurait juste une brûlure ! Elle a un bout de chair en moins là !
Océane entendait de loin ce qui se passait, elle avait vaguement conscience de l’attroupement autour d’elle. Le feu la consumait, c’était tout ce qu’elle savait. Elle le sentait remonter le long de sa cuisse, avant de venir brûler ses entrailles. Dans un ultime effort, elle se redressa et poussa les personnes se trouvant là pour vomir. Loin de la soulager, la douleur en elle s’intensifia, lui volant le reste de force qu’elle avait, elle manqua de tomber de la table. Océane sentit qu’on la rattrapait et la replaçait sur la table. Ça criait, ça jurait autour d’elle. Elle discerna la voix de Sonia, celle-ci semblait très inquiète. Son intérêt pour ce qui se passait autour d’elle disparut quand elle sentit le feu continuer sa progression. Le corps de la jeune fille fut alors saisi de violents tremblements. Allait-elle mourir ? C’était absurde ! C’était juste une brûlure ! Le feu dévora lentement sa cage thoracique, rendant la respiration difficile, puis il finit sa course dans son cœur. Ce fut à cet instant qu’Océane abandonna et s’évanouit.
Elle reprit vaguement connaissance. Elle n’avait aucune idée du temps qui s’était écoulé, mais les disputes allaient bon train, le sujet bien sûr, c’était elle et ce qu’il fallait faire d’elle. L’esprit engourdi par la douleur, Océane eut un doute sur le fait qu’elle soit encore en vie. Ils ne vont quand même pas m’enterrer dans les bois ? Elle tenta d’ouvrir les yeux.
— Papa ! Elle est réveillée ! sanglota Sonia à sa droite.
Bon, je suis peut-être encore en vie finalement, songea la jeune fille.
Le père de son amie vint aussitôt au-dessus d’elle avec sa lampe. Il lui attrapa la main gauche avec vigueur.
— Océane ? Tu m’entends ? Si tu es consciente, serre ma main !
Dans un effort qui lui parut démentiel, elle serra la main de Rafael.
— C’est bien Océane, c’est bien…
Il tapota doucement sa tête, elle s’étonna de son geste. Il semblait inquiet, même si sa voix se voulait rassurante.
— Je vais regarder tes pupilles Océane, tu vas être éblouie, la prévint-il.
Elle sentit qu’on soulevait délicatement sa paupière. La lumière l’aveugla, mais elle se retint de gémir, attendant le verdict. Ce dernier ne vint pas, au lieu de cela, elle sentit qu’on soulevait l’autre paupière de façon plus nerveuse et un peu plus brusque.
— Joaquin ! Viens voir !
Quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? Océane paniquait, elle n’était pas aveugle, mais qu’est-ce qui pouvait arriver à ses yeux pour que le père de Sonia semble si troublé ?
De nouveau, on ouvrit ses paupières, l’aveuglant une fois de plus. Cette fois, elle gémit, elle avait mal dans tout le corps, sa jambe lui semblait incandescente et elle était épuisée ; elle voulait juste reperdre connaissance et s’oublier dans le vide.
— Ce… ce n’est juste pas possible…
Le murmure était léger, mais il fut audible pour Océane et Rafael. Ce dernier répondit à même hauteur.
— Je sais, je sais… Mais peut-on prendre le risque de l’exposer ?
— Non ! Il faut rappeler ton fils !
Proprement agacée d’être tenue dans l’ignorance et lasse d’être aveuglée un œil après l’autre, Océane trouva la force de lever la main pour chasser celles qui l’éblouissait. Le geste l’épuisa et la fit gémir de douleur.
— Alex ! Rattrape ton cousin, ramenez un cellulaire et la trousse de secours qui est dans ma voiture ! Tiens, mes clefs !
Joaquin semblait inquiet aussi, nota Océane avant de se laisser glisser dans un sommeil salvateur.
— Non, non, non ! Reste avec nous mistinguette ! brusqua l’oncle de Sonia.
Mistinguette ? Elle aurait ri à ce vieux surnom si elle n’était pas si mal !
—Est-ce que tu arrives à parler ?
Elle essaya, rien ne vint.
— Bon, c’est pas grave, ne t’inquiète pas. Tu es encore en état de choc. Je veux que tu restes concentrée sur ma voix, d'accord ?
Il lui prit la main.
— Je vais te parler et tu vas serrer ma main par intermittence, d’accord ?
Elle n’avait pas envie, la brûlure la faisait souffrir, le sommeil l’appelait… Mais elle savait au fond d’elle qu’il fallait l’écouter ; Joaquin travaillait à l’hôpital ou en clinique, un truc dans le genre, elle n’était plus très sûre de rien… Elle l’écouta donc parler, mobilisant toute l’énergie qu’il lui restait pour serrer sa main.
Il la rassura autant qu’il pouvait, lui rappelant qu’il était chirurgien urgentiste – Ah oui, c’est ça ! – qu’il avait l’habitude de s’occuper des blessures, il lui expliqua que sa blessure n’était pas très belle, mais que ce n’était pas grand-chose et qu’il avait de quoi s’en occuper. Elle sentit soudain une main qui caressait son front et ses cheveux avec douceur, est-ce la sienne ? Celle de Sonia ? De Sofines ? Aucune idée, mais elle était douce et fraîche, c’était agréable. Cela lui rappela sa mère, elle faisait la même chose pour l’aider à s’endormir ou quand elle était malade. Des larmes lui échappèrent.
— Maman… parvint-elle vaguement à murmurer sans s’en rendre compte.
La main sur son front s’arrêta un instant avant de reprendre ses caresses apaisantes.
— Ça va aller ma belle, ça va aller. On est là.
Un baiser se posa sur son front. Ce n’était pas sa mère, mais celle de Sonia. Sa mère n’était plus là depuis longtemps. Même si c’était un fait dont elle avait conscience depuis plusieurs années, cela lui fit terriblement mal à cet instant. Entourée de toute la famille Jorique, Océane se sentit seule.
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