Chapitre 14
Après ce qui sembla durer une éternité, Alexandre et Maxime étaient de retour, complètement essoufflés. Océane, bien qu’affaiblit avait repris ses esprits et s’était redressée sur la table. La sensation de brûlure s’était grandement atténuée dans son corps, mais la sensation restait vivace sur son mollet. Océane était perplexe en regardant sa jambe sanguinolente ; certes c’était moche, mais elle avait eu si mal et perdu connaissance juste pour ça ? Ce n’était pas possible ! Elle avait toujours été une dure à cuire ! L’expression la fit rire lorsqu’elle frappa son esprit, après tout, sa jambe était cuite à point !
Outre l’état de sa jambe, c’était le regard des hommes qui la perturba. Son amie, sa mère et ses tantes la regardaient avec sollicitude et bienveillance, mais les hommes de la famille Jorique… c’était tout autre. Un mélange étrange d’inquiétude et de méfiance. Lorsque Maxime s’approcha d’elle avec la trousse de soins, il commença à lui demander comment elle allait, mais s’interrompit en voyant ses yeux. Il fronça les sourcils et se tourna aussitôt vers son père, qui lui fit signe de le rejoindre un peu à l’écart. Alexandre qui le suivait de près avec la valise verte d’urgence le regarda avec curiosité avant de s’approcher d’elle.
— Je suis rassuré de te voir éveil…
Il s’interrompit également en croisant son regard. C’en était trop. Fatiguée, endolorie, Océane perdit patience et s’énerva.
— Bordel ! Vous allez me dire ce qui ne va pas avec mes yeux ?
Sonia et les autres femmes furent déconcertées par cet excès. Les hommes, eux, semblaient mal à l’aise.
— Euh… Ils sont bien tes yeux… Juste un peu rouge… minauda Sonia.
— Et c’est pour ça que vous me regardez bizarrement ?
La question n’était pas pour son amie, mais bien pour son père et les autres vers qui elle se tournait. Finalement, ce fut Joaquin qui prit la parole une fois de plus, tandis qu’il fouillait dans sa valise.
— Tu as plusieurs vaisseaux qui ont éclaté dans les yeux, c’est un peu impressionnant quand on ne s’y attend pas. Surtout avec tes iris bleus, ça fait un contraste assez saisissant.
— C’est pour ça que je vois flou ? hasarda la jeune fille qui commençait à se rassurer.
La question parue surprendre l’urgentiste qui se figea un instant.
— Tu vois flou ? Rafael, aide-moi et prends ses constantes.
Le père de Sonia se rapprocha à nouveau d’elle et lui mit un appareil sur l’index et lui passa un brassard pour prendre sa tension.
— C’est quoi ce truc ? demanda-t-elle en relevant son index.
— Ne bouge pas, intima doucement Rafael. C’est un oxymètre, il mesure la saturation en oxygène dans le sang et le pouls. Tension : 9-6, c’est un peu faible, mais pas inquiétant.
Océane n’avait jamais eu affaire aux deux frères sous leur profil de médecin, bien sûr elle les avait déjà vus gérer la bobologie lors des précédents campings, mais c’était un autre niveau là.
— L’oxygène, ça donne quoi ? demanda Joaquin.
— A peine au-dessus de 95, à surveiller.
L’urgentiste acquiesça tandis qu’il se badigeonnait les mains et avant-bras de solution hydroalcoolique. Cette vision commença à inquiéter la jeune fille, elle surmontait tout juste sa douleur, elle ne se sentait pas prête pour être manipulée.
— Hum… on est obligé de tripoter ma plaie, je commence tout juste à me sentir mieux, gémit Océane.
— Je suis désolé, mais oui. Il ne faudrait pas que la plaie s’infecte. Je vais la nettoyer et voir si des points de suture sont nécessaires, d’accord ?
Océane eu tout juste le courage d’acquiescer.
— Allez, fais pas ta chochotte, c’est juste une petite blessure ! ricana Anthony, Adrian sourit à la boutade.
Maxime qui était resté silencieux derrière son père répondit avant quiconque, la voix enrouée de colère.
— Et toi ? C’est quand la dernière fois que tu t’es brûlé au deuxième degré et qu’on t’a arraché un morceau de chair ? Tu t’en souviens ?
Océane le dévisagea, interloquée. Depuis quand était-il si protecteur envers elle ?
— Pff… hypocrite ! cracha Alexandre.
Il n’en fallut pas plus pour que Maxime fasse le tour de la table et commence à fermer le poing en se jetant sur son cousin, Laurence et Marie-Louise s’interposèrent juste à temps. Rafael, Joaquin et Paulo échangèrent un regard sombre, mais ce n’était rien face aux regards assassins qui s’échangeait entre Maxime et ses cousins. Océane se sentait terriblement mal d’être au centre de telles agitations, elle culpabilisait : si elle n’était pas venue, rien de tout ça ne serait arrivé et les Jorique passeraient d’excellentes vacances en famille.
À la surprise générale, ce fut Sonia qui sortit de son mutisme et congédia tout le monde.
— Y en a marre ! Mon amie est blessée, elle n’a pas besoin de vos guéguerres de mâles prépubères ! Merci d’être allé chercher la trousse de secours, mais maintenant que tous ceux qui ne servent à rien retournent se coucher !
Océane perçu un léger rictus sur le visage de Rafael. Il se ressaisit aussitôt et poursuivit les propos de sa fille.
— Sonia n’a pas tort. Vous êtes tous sur les nerfs et cela n’apporte rien de bon, allez vous coucher. On s’occupe d’Océane avec Joe.
Les garçons obtempérèrent, non sans échanger des œillades assassines. Ils furent suivis de Laurence, Marie-Louise et Paulo.
— Je reste avec vous, affirma Maxime.
Son visage était tendu, les yeux fixés sur la jambe d’Océane.
— Non, tu vas te coucher toi aussi, ordonna son père.
La sécheresse du ton ne souffrait aucune réplique, pourtant…
— Je reste.
Les deux hommes se fusillaient du regard, la mâchoire serrée. Océane se sentit obligée d’intervenir pour calmer le jeu ; qu’il se mette ses cousins à dos, c’était une chose – qu’elle ne comprenait toujours pas d’ailleurs – mais qu’il se dispute avec son père, c’en était une autre.
— Maxime…
L’intéressé sursauta légèrement, comme s’il avait oublié sa présence !
— Merci de ton aide, mais ça va aller. Désolée de vous causer autant de soucis, j’aurais dû faire plus attention…
— Ce n’est pas ta faute, la coupa-t-il.
Le regard qu’il posa sur elle la troubla. Il était rare qu’il lui accorde son attention, mais à cet instant son regard était inquiet et… doux ?
— Toi, veille sur elle ! finit-il par dire à sa sœur avant de prendre la direction de sa tente.
Sa cadette lui tira la langue.
— Je t’ai pas attendu pour ça, tête de nœud ! maugréa-t-elle.
— Sonia, ça suffit.
Le ton sec de son père la calma aussitôt.
— Tu veux que je reste ma belle ? demanda doucement Sofines qui était restée discrète jusque là.
Océane se rappela l’avoir appelé « maman » et se sentit gênée. Elle avait envie d’être forte et de lui dire « non », mais une partie d’elle avait grandement besoin d’une maman, même de substitution, à cet instant. Voyant l’indécision dans son regard, Sofines s’assit derrière elle en lui souriant.
— Je vais rester si ça ne te dérange pas, d’accord ? Ça me rassurera !
Personne n’était dupe, encore moins Océane qui sentit sa gorge se serrer.
— Merci… !
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