Chapitre 15

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Les soins prodigués par Joaquin ne furent pas une partie de plaisir, mais Océane parvint à rester calme et mis à part quelques gémissements, elle résista à la douleur. Les dégâts étaient moins graves que ce qu’ils pensaient. Trop faible pour marcher, ce fut Rafael qui la porta jusqu’à sa tente sous le regard moqueur de sa meilleure amie. À peine allongée, Morphée s’empara d’elle.

Lorsqu’Océane se réveilla, l’agitation était déjà bien présente dans le campement. Elle entendait les garçons se disputer, ils avaient sûrement repris là où ils s’étaient arrêtés la veille. Elle se décida à ouvrir les yeux, pour les refermer aussitôt : la lumière tamisée de sa tente l’éblouissait. Elle dut s’y reprendre à plusieurs fois avant de pouvoir les garder ouverts. Soulagée d’y parvenir et de ne plus voir flou, elle se retourna pour voir si Sonia était toujours là. Elle la découvrit assise sur son propre lit, en train de feuilleter son carnet à dessin, elle avait l’air particulièrement lasse.

— Ils sont si mauvais que ça ? demanda la dessinatrice dans un chuchotement.

Son amie releva les yeux et lui adressa un franc sourire.

— Bien sûr que non, bêta ! répondit-elle à voix basse également. C’est eux qui m’agacent. Je suis même étonnée que cela ne t’ait pas réveillé plus tôt… Je n’ose pas sortir et affronter leur mauvaise humeur à tous.

Océane se mordit la lèvre inférieure. Elle se redressa dans sa couche pour faire face à son amie, se faisant, une douleur vive dans son mollet droit se réveilla elle aussi, elle grimaça.

— Je suis tellement désolée Sonia… C’est de ma faute tout ça… j’aurais jamais dû venir ! Vous auriez passé de bien meilleures vacances sans moi !

Le regard de son interlocutrice s’assombrit, lui rappelant terriblement celui de son père. Pas de doute, elle est bien sa fille ! songea brièvement Océane.

— C’est la dernière fois que je t’autorise à dire pareille connerie ! Mes vacances auraient été bien tristes et monotones sans toi ! Et ce qui s’est passé hier soir n’est certainement pas ta faute, c’est celle de ces abrutis de mâles prépubères !

Portée par son énervement, elle avait élevé la voix et les conversations extérieures se turent un instant. Des pas se rapprochèrent, avant de s’arrêter devant la tente.

— Vous êtes réveillées, les filles ? demanda doucement Joaquin.

Sonia soupira.

— Oui ! On sort dans deux minutes !

Elles partagèrent un regard résigné avant de se lever et de se préparer. Changer de vêtement sans toucher son mollet fut un vrai challenge pour Océane, cela lui rappela les défis aux fêtes foraines où il fallait faire passer un anneau à travers tout un circuit entremêlé. Elle perdait tout le temps à ce jeu-là, autant dire qu’elle ne parvint pas non plus avec son mollet.

Sonia sortit en première, son amie la suivit quelques minutes plus tard et fut à nouveau éblouie par la luminosité. Était-ce lié aux vaisseaux qui avaient éclaté dans ses yeux ? Si oui, il fallait vite que cela passe !

La main en biais devant ses yeux pour se cacher du soleil, les yeux baissés, elle avança en boitant vers le campement. Un silence plus que gênant l’accueillit, elle résista néanmoins à l’envie de retourner dans sa tente. Sofines fut la première à aller à sa rencontre.

— Bonjour, ma belle, comment te sens-tu ? Tu as pu te reposer cette nuit ?

— Ça va, Sofines, merci ! Je me sens un peu faible, mais rien qu’une truite froide ou deux ne puisse arranger !

La boutade fit sourire la mère de son amie qui l’accompagna jusqu’à la grande table.

— Qu’est-ce que tu as à tes yeux ? Pourquoi les caches-tu ? Tu as mal ? s’inquiéta Laurence déjà assise avec un thé froid. Chéri, tu peux regarder ?

— Non, ça va, ne vous inquiétez pas ! J’ai juste un peu de mal à m’habituer à la luminosité aujourd’hui.

Elle n’avait pas fini sa phrase que l’oncle de son amie s’était déjà rapproché, il s’accroupit face à elle et posa une main bienveillante par-dessus la sienne.

— Laisse-moi voir, tu veux ? demanda-t-il doucement.

Elle acquiesça à contrecœur. Elle avait hâte de plus être le centre de l’attention.

Joaquin releva lentement sa main, elle s’efforça de lever les yeux, mais lorsque son regard croisa celui de l’urgentiste, son cœur fit un bond. Océane se figea, une goutte de sueur froide glissa le long de sa colonne vertébrale. Son interlocuteur perçut son trouble et semblait la jauger.

— Est-ce que ça va Océane ?

Sa voix était douce… mais son regard avait quelque chose de froid et méfiant. Quant à ses yeux… il la terrifiait. Ses pupilles n’étaient pas humaines : l’iris était scindé en deux par une pupille fine, reptilienne, entouré d’un fin halo rouge orangé.

C’est quoi ce délire ?

Elle se tourna vers Laurence à sa droite, ses yeux étaient normaux, idem pour Sofines derrière Joaquin. Cette dernière semblait soucieuse. Son cœur battait plus vite, elle s’aventura à croiser de nouveau le regard de l’être qui lui faisait face ; les mêmes horribles pupilles. C’est alors que Rafael s’approcha à son tour à sa gauche, muni d’une assiette avec des légumes et un peu de riz, il la déposa devant elle.

— Mange un peu, on vérifiera tes constantes après et on refera tes pansements, lui dit-il d’une voix qui se voulait réconfortante.

— Merci, Rafael, murmura-t-elle les yeux rivés dans ceux de Joaquin.

Ce fut l’oncle de Sonia qui rompit le contact en se relevant, il se dirigea vers ses frères et ils demandèrent aux garçons de les rejoindre.

— Pff ! souffla Marie-Louise. Et c’est nous qui sommes des dramaqueens ? Je vous jure !

Elle se tourna vers Océane, toujours en état de choc.

— Tiens ma biche, c’est les restes d’hier, ça passera peut-être mieux que les légumes au petit déjeuner !

— Merci Maloue.

Retenant ses tremblements autant que possible, Océane avala tout ce qu’elle pouvait, il lui fallait reprendre des forces ; elle n’avait aucune idée de ce qui l’attendait ni dans quoi elle était tombée. Dans son dos, les hommes s’étaient regroupés et discutaient à voix basse. Est-ce que Joaquin s’était rendu compte de ce qu’elle avait vu ? Avait-elle seulement vraiment vu ce qu’elle avait vu ? Elle jeta un regard aux femmes l’entourant. Non, sa vue était parfaite ! Elle avait bel et bien vu ce qu’elle avait vu ! Qu’allait-il lui faire ? Il fallait à tout prix qu’elle évite de se retrouver seule avec lui ! Rafael ! Oui ! Elle demanderait à Rafael de rester avec elle pendant qu’il ferait son pansement !

— Hé ! Moins vite ! Tu vas t’étouffer en mangeant à ce rythme ! intervint Sonia, mettant un terme à sa psychose.

Elle voulut lui répondre, mais elle s’étouffa avec le morceau de patate sèche qu’elle venait d’engloutir. Son amie lui tendit aussitôt son propre verre d’eau, à moitié amusée et à moitié inquiète.

— Ça va ?

— Oui oui ! Pardon ! Je crois que j’avais faim !

— Pas étonnant, tu n’as rien mangé hier, plus ta blessure, tu dois être affamée ! Mange ce que tu veux, y en a encore si besoin, la rassura Laurence.

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