13. Miroir 

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 J’ai comme le sentiment de me réveiller. Pourtant je sais bien que je n’ai pas dormi. Je ne dors pas, je n’en ai pas besoin. Il n’y a pas besoin de dormir quand on est inspiré. Je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai dormi. Je me fourre le visage dans mon oreiller après avoir dit bonne nuit à mes parents, j’ai envie de crier. Je les entends se coucher, après la longue discussion que nous avons eu.

 Je me retrouve devant ce miroir en face de moi. Je n’aime pas le regarder ce miroir, il y a dans mon regard quelque chose de dissonant. Je me sens étrange. Je ne me reconnais plus, je ne sais plus qui je suis. Ce que je regarde est un autre. Tout ce dont je me souviens c’est les aventures d’un homme avec un prêtre. Le personnage a fait l’amour avec le monde, puis s’est fait capturé. L’homme s’est ensuite hissé en haut de l’église pour crier son amour. Je ne sais même plus quand je suis allé à Etretat, ni même si j’y suis réellement allé. A vrai dire, je ne sais plus ce qui est du ressort de mon imagination ou de la réalité. Mais ce que je pense est réel et cet homme dont je raconte l’histoire c’est moi, enfin je crois. Je suis ce personnage. Je suis devenu le personnage de mon roman. Je me suis fait piéger par mon livre, ce vicieux. Je quitte le miroir du regard pour me concentrer sur mes écrits. Il faut retranscrire ce qu’il se passe avec ce miroir.

C'est encore qu'un chemin de non sens. Un chemin me dit tu ? Mais, il n'y a pas de chemin mon ami. Ni direction ni sens. Alors à quoi bon l'emprunter ? Je suis perdu, il y a bien un absolu quelque part !? Allons mon ami, Qu'elle est le seul sens de tout cela ? Rien, c'est néant, absurde ! Si ce chemin n'est fait que d'absurdité, arrête toi y un instant. Juste comme ça. Si tu peux le vouloir, comme ça, être absurde que tu es. Sens l'air t'embrasser jusqu'aux bronches et assis toi. Il faut sortir de ce chemin mon ami. Le transcender.

Comment ?

—Soit plus fort que cet absurde qui pour toi ne peut te sembler que néant.

—Comment ça personnage de roman, répond moi ? 

Tu es sur le point de finir ce roman car l'auteur a fini d'écrire. Il se pose les même questions que nous en ce moment. 

Sortir écrit l'auteur 

— Mais enfin sortir de quoi ? 

Transcender, dépasser ? Que penser de cette absurde enfin, mettons de coter l'amour et tout ça. Ce ne sont que les conneries des chanteurs variété. 

Je veux sortir de ce chemin, mais comment faire répond moi.

Il faut plonger dans ta peur mon ami, mais sait tu au moins de quoi tu as peur ?

Je n’en sais rien, je ne sais plus de quoi j’ai peur. Tout ce que je sais c’est que j’ai peur de ce que j’écris, j’en ai peur alors je continue d’écrire. Il faut plonger dans ses peur. J’ai plongé dans mon livre, tout entier, je ne peux plus en sortir.

Je veux sortir et je sortirai, se dit l'auteur, je dois bien aller vivre dehors et trouver quelque chose que je ne sais pas encore. Autre chose que de la douleur ?

Tu n'as que faire de tout cette amour ? Tu n'a plus besoin de croire et tu sembles heureux, que voudrait tu de plus ? N'est tu pas comblé ?

Je ne sais pas je vous dit simplement qu'il reste cette chose. Ce croisement entre deux néants, ces deux absurdes que sont mon être et le monde. Je dois encore chercher. Il y a une vérité à chercher.

Il faut sortir de ce livre, arrêter d'écrire. Laissons mourrir l'auteur mon ami.

 Mais je ne veux pas mourir écris-t'il.

Allons auteur, nous allons te fermer, ne pleure pas. Et puis tu sais tout ce que tu as à savoir. Meurs mon ami, éteins toi

Non je veux sortir et en rester là. Je veux plus encore. Je n’arrêterai pas d’écrire. C'est plus fort que moi, je le veux, un point c’est tout

Il est bientôt 3h et j'ai un partiel demain. Je me suis senti tout heureux aujourd'hui et pourtant, en suivant ma philosophie je j'ai fait que me détruire. Qu'elle était belle pourtant. En vérité c’est mon père qui m’a mis le doute.

 Je repense à hier soir. Je suis allé voir papa et maman. C’est plutôt eux qui m’ont invité à venir. Mon père était assis là, au bout du canapé, l’air inquiet. Nous avons eu une discussion sur ce livre. Je l’avais déjà montré à ma mère, car j’étais sûr qu’elle comprendrait. Je lui avais lu les longues répliques de mon personnage à Etretat, en rentrant à la maison. Elle m’avais montré les poèmes qu’elle avait écrit il y a de cela quelques années et nous avons été surpris de constater à quel point nos écrits étaient ressemblants. Ça m’a réjouis de trouver quelqu’un qui pouvait me comprendre. À mon père, je n’ai rien raconté. Pour tout dire il ne veut pas que j’écrive. Il a peur de ce que je suis. Un créateur. Sur le canapé, j’ai vu dans son regard la même étincelle de peur que celle du prêtre. Lui aussi je l’appelle mon père après tout. Je sais bien qu’il a ce rôle, de nous remettre les pieds sur terre, à ma mère et moi. Et cette discussion avait bien pour but de me remettre les pieds sur terre. Alors je n’avais rien dit de ce livre par peur qu’il me l’enlève. Mais hier soir, j’ai bien était obligé de lui montrer des extraits et j’ai pu voir son regard horrifié aller de gauche à droite. Ma mère a relativisé, disant qu’elle comprenait ce que j’avais écrit. Ma mère et moi avons essayé de nous défendre. Mais mon père lui ne comprenait pas. Nous lui faisions peur. Terriblement peur. Il me l’a dit : « Yannis, tu me fais peur ». Et je me suis senti puissant. Nous l’avions renversé. Nous avons renversé le cadre, la stabilité. Il faut tout renverser, il faut sombrer dans l’absurde.

 Je repense à ce qu’a dit mon père hier soir. Et si il avait raison ? Et si tout ce que j’ai écrit était réellement dénué de sens ? Ce doute m’empêche de dormir. Ce n’est pas compliqué de ne pas dormir. Avait t-il raison de s’inquiéter ? Je veux dire, pour ma santé ? Je sais que cela voudrait dire et cela m’horrifie autant que lui. Non, ce que je suis en train d’écrire aboutira bien à quelque chose. Je vais lui prouver que je saurai en faire quelque chose. Je lui apporterai quelque chose de concret, de tangible. Un livre qu’il tiendra entre ses mains, édité, qu’il pourra lire. Mais je sais qu’en vérité je ne vais pas bien, je suis addict à ce livre que j’écris, je ne peut plus m’arrêter.

 Mais que c’est bon de continuer. Que c'est bon. Chaque touche de clavier que je presse  libère de l’endorphine. Les phrases m’échappent des doigts avant même que j’ai le temps de les penser. Cela ne peut pas arriver sans qu’il y ait quelque chose. Mon père ne voit pas cette étincelle dans mon regard. J’ai ce quelque chose en moi qui me fait écrire. J’ai un don que personne ne voit. Quelque chose me traverse mais je ne sais pas encore quoi. Peut-être même que je suis un génie. Après tout ce que je suis en train de vivre, cette révélation, est le genre de choses qui arrivent aux génies. Je ne sais pas si je réussirai à le retranscrire dans ce livre. Mais ce livre mérite l’attention. Il apporte la vérité. À cet instant, je me dis que ce livre obtiendra le prix Goncourt, c’est certain. Mais il faut que je tienne la barre, il faut pas que je me fasse dévorer par mon œuvre, sinon rien n’en sortira.


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