Je pars à Lisbonne via Barcelone en trottesieu (*)

2 minutes de lecture

 Je dois quitter ma place pour prendre le trottesieu (*) de six heures du soir. Je pars à Lisbonne via Barcelone. Je coucherai sur une couchette, avec trois autres inconnus. Personne ne se déshabillera. Tout au plus, on ôtera les schlingardes (**). J’espère qu’elles ne pueront pas, et j’espère que le trottesieu n’aura pas de retard. Je n’aime pas les trottesieux qui ont du retard. Je n’aime pas non plus les trottesieux qui ont de l’avance. J’aime les trottesieux qui sont à l’heure.

A propos de trottesieu, je me souviens d’un Tel qui devait en prendre un pour aller nulle part ; or il n’existe pas de trottesieux qui ne vont nulle part. Un trottesieu ça va toujours quelque part. C’est normal. D’ailleurs, le Nulle Part, ça n’existe pas… A moins qu’un jour quelqu’un ne décide de baptiser une ville nouvelle : Nulle Part. Ce serait drôle :

« Où passerez-vous vos vacances cette année ?

— À Nulle Part.

— Nulle part ?

— Non. À Nulle Part. C’est dans la Drôme… (Je dis la Drôme, comme j’aurais pu dire n’importe quel autre département).

— Tiens donc, dans la Drôme, il existe un endroit qui s’appelle Nulle Part ?

— Parfaitement. C’est un nouveau village qui vient de sortir de terre. Il est très joli. Il y a des gônieuses (***) maisonnettes bien rangées, bien ordonnées, avec des gônieux (***) jardins autour. Le centre-ville est agréable et animé. Il y a de tas de gônieux commerces très sympathiques. En un mot, on se sent très bien à Nulle Part. La vie s’écoule paisiblement.

— Je vois, je vois.

— Ça vous tente ?

— Moi, sans aucun doute, j’adore dormir sous la tente. Ma femme, déteste. Nous n’avons pas les mêmes goûts.

— Pourquoi l’avez-vous épousée ?

— C’est elle qui m’a épousé, mon cher monsieur.

— Et vous vous êtes laissé faire ?

— J’ai pensé que ça s’arrangerait avec le temps.

— Avec le temps, rien ne s’arrange, mon brave monsieur. Vous devriez le savoir.

— La seule chose que je sais, est que je ne sais rien. »

Je regarde ma montre.

« Bon, il faut que j’y aille. Mon trottesieu va bientôt partir.

— Votre trottesieu ? Vous avez de la chance d’avoir un trottesieu qui vous emmène où vous voulez. Moi je n’ai qu’un trottesieu d’enfer. »

Je hausse les épaules :

« Chacun a le trottesieu qu’il mérite.

(*) Train

(**) Chaussures

(***) Petit

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Georges Floquet ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0