Ses poumons brûlaient sa poitrine. L'air se frayait un chemin à travers sa gorge, sa trachée, si glacé que des doigts semblaient y fourmiller. Les griffes de l'aquillon caressaient ses joues, écartaient ses cheveux pour les tresser. Ses crocs embrassaient la dépression entre son cou et son épaule avec la délicatesse d'un amant. Son rire perfide sinsinuait dans les méandres de son esprit, de son âme, ravageaient ses souvenirs.

Avance.

Un ennemi odieux la coursait. Un ennemi pour qui le supplice était une délectation, un fruit à savourer. La neige enroulait ses bras autour de ses jambes. Me prend-elle pour son enfant ? Elle piétina la mère, la défigura, la martyrisa et si aucune nuance de rouge n'avalait le blanc, sa souffrance ne lui perça pas moins le coeur.

Le mouvement la tiendrait en vie. Voilà ce qu'elle se répétait depuis plus d'une demi-journée mais tout ce qui la rendait humaine fuyait le temps passant. Ce furent d'abord ses couleurs. L'argent de ses boucles se couvrit du linceul blanc des flocons, le brun vif et alerte de ses yeux s'éteignit telle la flamme de la bougie soufflée, le rose de ses mains et de son visage suivit.

Avance.

Ses muscles protestaient, criaient mais la vieille avait aussi perdu l'ouïe. Ils l'avaient porté durant quatre-vingt sept ans, ils pourraient encore tenir quelques heures.

Pour aller où ?

Cette interrogation demeura sans réponse. La claquement des branches sonnaient comme une menace, le noir de l'écorce lui promettait plus fin que début et pourtant, ses jambes malingres et torses la portaient.

Ils m'ont pris mes enfants, pourquoi m'épargnerait-il ?

Epargner n'est pas le bon mot, ricana la bise mais la vieille, butée, ressera la prise de ses mains sur ses bras.

Presse-toi, hâte...

Un fléau s'écrasa sur son crâne. Elle s'effondra, morte.

- Elle a que la peau sur les os.

- C'est toujours mieux que bouffer la neige.