Chapitre 4 : L'Armagie (3)
Ollesty s’annonça en agitant le carillon et entra. Vyrian fit de même et une femme les accueilli. Au vu de sa tenue et de sa musculature sèche, il devait s’agir du Forgicien. Sans préambule, elle s’adressa à lui.
— Enlève ton haut.
Surpris, Vyrian ne réagit pas à sa demande et se fit sermonner par Ollesty.
— Fait pas ton enfant, on n’a pas de temps à perdre.
Quand soudain, une puissante voix grave les interrompit.
— Caya ! Nom d’une hydre sans tête ! Combien de fois t’ai-je répété de ne pas aller trop vite en besogne !
La Forgicienne amusée, expliqua à Vyrian les raisons d’une telle demande.
— L’énergie mystique est plus concentrée au niveau du nombril. Il s’agit de notre centre de gravité, mais aussi de notre lien avec le monde qui nous a vu naître.
Comprenant mieux, la demande de l’artisane, Vyrian fit ce qui lui était demandé. Une fois torse nu, la femme apposa un disque sur son ventre. Le biologiste contracta les abdominaux au contact de la surface froide qui ne tarda pas à s’illuminer et des inscriptions apparurent. De là où il se trouvait, le chercheur ne parvenait pas à les lire, mais il regarda son évaluatrice les observer attentivement, ce qui l’intrigua sur le fonctionnement de la détection.
— L’énergie magique se quantifie ?
— Oui, ici on utilise un Percepteur. Les Sages le savent par entraînement.
Après quelque temps, les écritures se stabilisèrent et elle les lut à voix haute.
— Eh bah ça alors ! Magie de perception maximale. Tu as 100 % d’affinité, c’est de loin la meilleure capacité que j’ai pu voir. Quant à la magie de modélisation, tu es bien moins bon, seulement 10 % d’affinité.
Elle récupéra le Percepteur et entreprit de le démonter.
— Comme tu peux voir le Percepteur est composé de deux parties, avec chacune un cadran. Celui, au contact de la peau permet de détecter l'affinité de perception, le second qui se trouvait vers moi mesure l'affinité de modélisation. Généralement, une bonne modélisation découle d'une bonne perception. Dans ton cas, je suppose que tu manques d'entraînement.
Vyrian hocha la tête et Caya poursuivit ses explications.
— Le cache qui se trouvait vers moi possède deux vitres. Celle du haut affiche l'affinité de perception. Comme tu peux le voir, les cadrans sont décalés et celle du bas, l'affinité de modélisation.
Alors que la jeune femme entreprit de refermer le dispositif, Vyrian l'interrogea.
— Et quelles sont les moyennes ?
— Je sais pas trop. C'est vraiment très variable. Si je devais faire une estimation, je dirais entre 50 et 70 % pour l'affinité de perception et entre 40 et 60 % pour l'affinité de modélisation, mais chaque individu est différent, ces chiffres ne correspondent pas à grand-chose. On ne peut pas évaluer un combattant seulement sur ces pourcentages. Il y a bien d'autres critères qui rentrent en compte comme son expérience, sa stratégie, son endurance, sa vitesse, son adaptabilité et j'en passe.
La Forgicienne s’éloigna et Vyrian en profita pour s’adresser à Ollesty.
— C’est comme tu l’avais annoncé.
— Ça t’étonne ?
— Pas vraiment.
La discussion prit fin. La jeune femme revenait déjà, elle poussait un charriot chargé d’armes en tout genre. Elle saisit une épée et la tendit à Vyrian. Le scientifique s’en empara ne sachant comment la manier. Mais contre toute attente, une fois en main, les gestes lui vinrent naturellement, des schémas se dessinaient devant ses yeux et il se contentait de les reproduire. A plusieurs reprises, il sentit ses articulations et ses muscles protester et les instructions s'effacèrent avant de réapparaître lorsque la douleur se calmait. Le biologiste avait oublié toute perception du temps et lorsqu'il s'arrêta, il avait le souffle court et de la sueur ruisselait sur son front.
La Forgicienne récupéra l'arme et lui fit un compte-rendu.
— Il s'agit d'une épée élémentaire. Ta perception étant élevée, tu peux visualiser les mouvements de l'énergie présente dans l'arme et tu réalises les enchaînements libérant sa puissance.
Sur ces mots, Vyrian prit conscience du sol calciné non loin de lui, de la marre qui s'était formée plus en retrait, tout comme du monticule qu'il était sûr de ne pas avoir vu en arrivant.
— C'est moi qui aie fais tout ça ?
— Oui, malgré des gestes maladroits et une mauvaise posture. Tes enchaînements étaient bons et tu as pu libérer une partie de la puissance de l'arme. Avec de l'entraînement, cette arme pourrait t'être recommandé, mais en l'état des choses, je ne te la conseille pas.
Vyrian se sentit gêné par son corps décharné. Mais ce sentiment disparut bien vite lorsque la Forgicienne plaça un pistolet dans ses mains. Vyrian faillit lâcher l'arme. Des souvenirs indésirables refirent surface et il eut du mal à regarder la Forgicienne dans les yeux de peur qu'elle ne voit sa culpabilité, mais l'artisane commença ses explications comme si de rien n'était. Ne supportant pas de les entendre, Vyrian y mit fin.
— Je sais tirer.
— Voyons ça, tire sur la cible à ta droite.
Vyrian se positionna, écarta les pieds à largeur de hanche, verrouilla ses épaules pour plus de stabilité et visa. Lorsqu'il tira, il put distinguer sur l'arme les motifs s'animer, à la vue du jet d'énergie qui fut expulsé du canon, il comprit qu'il s'agissait du chemin suivit par la magie avant d'être éjecté. Lors de l'impact la cible se gela.
La Forgicienne approuva d'un hochement de tête et reprit l'arme des mains du scientifique qui se sentit soulager. Mais l'exercice n'était pas terminé. Il la vit décharger l'arme, les munitions étaient sous forme de petites billes où il pouvait sentir un intense froid s'en dégager. Pourtant, la Mysticienne les manipulait sans gant.
— L'énergie est récupérée et compactée sous forme de petites billes. Ici, tu peux sentir le froid qui s'en dégage, mais l'effet n'est opérant que lors de l'impact, il n'y a donc aucun risque. Le chargeur se compose de plusieurs compartiments. Dans chaque se trouve un sigle correspondant à l'élément qui peut y être incorporé. Si tu veux mêler différentes énergies lors d'un tir, il te suffit d'actionner cette gâchette-ci.
Vyrian chargea l'arme d'énergie volcanique et électrique sous le regard de sa superviseuse, visa et actionna les deux gâchettes, cette fois un trait d'énergie rouge et jaune sortit de l'arme et explosa la cible.
— Bien. Avec une telle arme, tu peux aussi modéliser l'énergie de sorte qu'il ne s'agisse pas d'un simple trait, mais d'une flèche par exemple. Pour ça, il te suffit de visualiser ce que tu souhaites. Si tu y parviens, l'élément se dessinera sur le côté de l'arme, toi seul seras en mesure de le voir, car tu es le seul à communiquer avec l'énergie chargée.
Vyrian essaya le nouvel exercice et visualisa une flèche n'ayant pas d'autre idée que celle qui lui avait été soumise. Comme expliqué, il perçut une flèche rouge apparaître sur le versant de l'arme avant qu'elle ne jaillisse du canon.
— Comment fait-on pour changer d'énergie ?
— Il te suffit de tourner le cadran sous la crosse.
La Forgicienne retourna l'arme et Vyrian put voir une rosace contenant les différents éléments qui pouvaient être chargés dans l'arme et comment en changer. S'il pivotait le curseur vers la droite, il s'agissait d'énergie plutôt froide, tandis que sur la gauche, il s'agissait d'énergie plutôt explosive.
— Bien sûr, il te faudra connaître le cadran, mais rassure-toi, si tu passes ta main dessous tu ressens l'énergie qui vas être invoquée, tu peux donc naviguer plus facilement entre les différents sources de puissance.
Vyrian lui reprit l'arme des mains et testa le phénomène, il essaya d'attribuer une énergie à chaque sensation qu'il percevait, au bout d'un certain temps, il se décida à passer à l'exercice pratique et visa en direction de l'ancienne cible. Un trait rouge jaillit, puis lorsqu'il fit pivoter le cadran, il sentit un froid mordant sous ses doigts et lorsqu'il tira un jet bleu pâle sortit du canon et le sol se givra à sa suite.
Caya effectua un hochement de tête appréciateur.
— Tu as l'air d'être plutôt à l'aise avec les armes à distance, essayons les bombes.
La Forgicienne déposa une substance proche de la pâte à modeler dans les mains du scientifique.
— Les bombes sont malléables. Selon la forme que tu leur donnes, l'effet sera différent lors de l'impact.
— Mais n'est-ce pas dangereux si l'on en pétri une sans faire exprès ?
— Tu ne peux les pétrir que lorsque tu les tiens plus de trois secondes en mains, avant elles sont dures et donc inutilisables.
Vyrian dessina une croix avec la bombe et la lança, l'explosion eut lieu sous la forme choisie. Tout semblait fonctionner comme convenu, pourtant Caya peinait à cacher son sourire et Ollesty levait les yeux au ciel. Devant le regard désemparé du biologiste, la Forgicienne lui apporta les éléments de réponses.
— Tu dois savoir qu’étirer la pâte provoquera une zone de dégât plus étendue, mais l’impact sera moins concentré, tu auras une perte de puissance. Par définition, l'Armagie permet de combler un défaut de modélisation, tu dois donc visualiser ce que tu veux faire et la surface malléable de la bombe s'adapte. Tu n'imaginais quand même pas avoir le temps de pétrir la pâte en plein combat ?
— Caya ! Combien de fois t'ai-je répété de ne pas être trop familière avec les clients ?
La jeune femme se frotta la tête et répondit à ce que Vyrian supposa être son père ou du moins son employeur.
— Un peu d'humour ne fait pas de mal !
Avant de se retourner vers eux et de se mettre à chuchoter.
— Ça doit rester entre nous, mais parfois il faut savoir passer outre les leçons de ce vieux grognon.
— J'entends tout !
Vyrian se demanda rapidement comment cela pouvait être possible compte tenu de la distance qui les séparait du bâtiment. Mais après tout, il se trouvait dans un lieu où tout pouvait être créé, il n’y avait donc rien d’étonnant à cela.
Alors que la jeune femme regagnait peu à peu son sérieux, Vyrian lui fit par de son scepticisme concernant l’arme à feu.
— Le pistolet a besoin d’être chargé, comment ça se passe pour les munitions ?
— Si vous voulez bien me suivre à l'intérieur.
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