Chapitre 8 : Sauvetage in extremis (1)
Vyrian regarda, abasourdi, Xam se placer devant lui. Le pelage argenté du Xealeras était désormais assombri par la présence de pointes noires à l’extrémité de ses poils. Cette couleur cendrée rappelait au scientifique le corps brûlé de l'animal dans ses bras et leur fuite du vaisseau des Régisseurs. Il frémit à cette pensée et reporta son attention sur la jeune créature. Bien qu'il n'ait aucun mal à la reconnaître, Xam avait changé, il avait grandi et son cœur magique s'était étoffé.
— Je ne suis plus la misérable créature qui geignait dans tes bras.
Vyrian ne le contredit pas. Il se dégageait de lui une force qu'il ne lui connaissait pas. Lorsque Yomi vint se placer à ses côtés, il se fit la même réflexion. La jeune femme arborait sa forme de Fusionnée. Mais contrairement aux autres fois où il l’avait vu utiliser ses pouvoirs, elle ne dégageait aucune colère, ni aucune peur, elle semblait sereine et assumer pleinement son statut de Fusionnée. Son arrivée fit vivement réagir les Altériens.
— Toi !
Là où par le passé, elle aurait sursauté, elle se contenta de fixer ses adversaires. Vyrian admira son calme. La voix qui lui avait répondu n’était autre que celle de Faric. Les Altériens n’étaient rien de plus que des pantins sous ses ordres. Le biologiste se tenant derrière l’Exilée, il ne pouvait donc pas voir son expression, mais les poings crispés de cette dernière et le léger tremblement de sa voix étaient de bons indicateurs de la colère qui couvait en elle.
— Que leur avez-vous fait ?
— Je leur ai offert une nouvelle vie.
— Vous vous prétendez maire, mais vous ne connaissez rien de votre peuple. Si c’était le cas, vous sauriez qu’ils ne désirent que retrouver les leurs.
Vyrian fut surpris de voir des larmes couler sur les joues des Altériens. Ils avaient regardé impassibles l'un des leur mourir sous leurs yeux. Les paroles de la jeune femme semblaient les atteindre bien plus que toutes les attaques qu'ils avaient pu leur porter. Il se fit la réflexion que les Fusionnés devaient être plus sensibles aux paroles d'autres Fusionnés. Ils venaient peut-être de trouver une nouvelle manière de lutter contre Faric. Mais la tristesse entraperçut fut remplacée par un rire sinistre.
— Les tragédies ont toujours été de bons tremplins pour accéder au pouvoir.
— Vous êtes tombés bien bas.
Les visages des Mysticiens se durcirent et ils formulèrent les ordres de Faric d'une voix dépourvue d'émotions.
— Tuez-là.
Vyrian comprit que les objectifs de politicien avaient changé. Maintenant qu'il avait le contrôle sur le village d'Alteryx, il n'était plus obligé de rechercher le soutient des habitants. Il n'avait donc plus besoin de tenir ses engagements. Yomi de par son statut de Fusionnée devait également représenter une menace pour lui.
Plusieurs secondes s'étaient écoulées depuis les ordres du politicien, mais aucun des Altériens n'avaient bougés, seuls leurs traits défigurés par l'effort laissaient supposer qu'ils luttaient contre Faric. Vyrian devinait que revoir Yomi avait dû raviver en eux la disparition de leurs proches et la peine éprouvée.
Vanea profita de cette accalmie pour dérouler ses fouets et pianoter ses instructions sur leur manche, ce qui attira l’attention de Faric sur elle et son frère.
— Tiens tiens, je vois des visages familiers. Dallan et Fara avaient donc des rejetons cachés. Qu’avez-vous fais mes chers enfants pour vous faire abandonner ?
Alors que Kayle s’apprêtait à répliquer, sa sœur envoya l’un de ses fouets en direction des Altériens. Yomi s'interposa et dévia l'attaque sous le regard étonné de Vanea.
— Tu t'en prends aux mauvaises personnes.
Les deux filles s'affrontèrent un instant du regard sous l'oeil amusé des Altériens, puis Vanea finit par replier ses fouets autour d'elle. Kayle après s'être assuré que sa soeur ne craignait rien s'adressa aux Mysticiens.
— Où sont nos parents ?
Rayec se mordit la lèvre visiblement contrarié par la question du jeune homme, tandis que les visages de leurs adversaires s'illuminèrent d'un large sourire.
— C’était donc bien de ça qu’il s’agit. Quelle drôle de famille ! Votre lien avec Dallan et Fara ne fait aucun doute, mais elle qui est-elle pour vous ?
Tous comprirent l'allusion de Faric et se tournèrent vers Yomi. Kayle se mordit la lèvre, n'ayant visiblement toujours pas accepté la jeune femme au sein de sa famille. Vanea fixa la Fusionnée avant de fermer les yeux.
— C'est notre soeur.
Rayec profita de cette accalmie pour s'addresser à son disciple.
— Dez.
Ce fut suffisant pour que le jeune homme comprenne que faire. Il tendit la main devant lui et le symbole du projet Trimonde apparut avec la boussole. Les lieux et les attaquants apparurent sur le cadre, puis peu à peu, un tracé s'afficha partant des Altériens jusqu'à une nouvelle position. Le symbole apparaissait en noir comme un condensé de la corruption qui émanait de leurs opposants. Vyrian comprit qu'il s'agissait de la localisation de Faric, il en fut d'autant plus étonné qu'il ne se trouvait pas à Alteryx. Mais plus à l'est, là où le Convoi s'était rassemblé avant l'attaque prévue. Vyrian eut un très mauvais pressentiment et se prit à espérer qu'il ne soit rien arriver à Caya et à son futur enfant. Faric compris leur démarche et s'en amusa.
— Retrouvez-moi, je vous attends.
Le comportement des Altériens changea brusquement. Ils cessèrent de lutter contre l'emprise de Faric avant de comprendre ce qu'il exigeait d'eux. Ils se trouvaient à présent face à face, deux à deux, armes en main. Ils enfoncèrent leurs lames dans le corps de leur voisin, évitant les organes vitaux. L'horreur se peignit sur leur visage. Pour chaque blessure infligée, la brume noire les guérissait. Les attaques bénines dans un premier temps devinrent de plus en plus meurtirères. Du sang noir, ne tarda pas à se répandre au sol et gouter dans l'eau du bassin, entraînant une étrange réaction, l'eau semblait bouillir aux endroits souillés comme si elle voulait éradiquer le mal.
Yomi essaya à plusieurs reprises de les séparer, les projetant loin des uns des autres d'un puissant battement d'ailes, mais ils finissaient toujours par se rejoindre et reprenaient inlassablement leur sanglante besogne, leur cicatrisation de plus en plus lente.
Vanea et Kayle tentèrent d'apporter leur aide à Yomi, mais ni les instructions contenues dans les fouets de la jeune femme, ni les tirs de son frère pour désarmer les Altériens ne purent les empêcher de s'entretuer. Les Mysticiens se blessèrent de plus bel, laissant les lames courirent sur leurs chairs meurtries, traçant des sillons noires sur leur peau blanche.
Il n'en fallut pas plus pour que le calme apparent de Yomi ne vole en éclats.
— Arrêtez !
Xam n'était pas en reste et grognait, le poil hérissé sur le dos. Son coeur magique s'activa et le scientifique vit sa queue scintiller d'un éclat bleuté qu'il propulsa sur les torturés. La lueur dispersa l'espace de quelques instants l'aura noire qui les entourait, arrêtant les effusions de sang. Mais elle se reforma rapidement et les attaques reprirent.
Faric s'amusa de leurs efforts et un rire ponctué de gargouillis emplis la pièce et du sang s'écoula de la commissure des lèvres des Altériens.
— Trop faible.
Xam grogna de plus bel et rééssaya, mais il échoua coup sur coup.
Faric qui semblait se lasser s'adressa directement à Yomi.
— Tu sais quoi faire pour les arrêter.
La jeune femme écarquilla les yeux au fur et à mesure qu'elle comprenait l'insinuation du politicien.
— Non, non, Je... Je peux pas les ...
— Comprends bien, leur vie m'appartient, eux, tes parents, j'en fais ce qu'il me plaît, surtout que j'ai de nouveaux jouets sous mon contrôle, dont un particulièrement intéressant.
Vyrian sentit le politicien se poser sur lui et Kela. Il eut un mauvais pressentiment. Il prit contact avec les siens.
— L'eau a tué les Altériens se trouvant à l'extérieur. J'ai besoin que vous trouviez un moyen de la diluer pour parvenir à les sauver sans les tuer.
Il sentit les siens fouillés dans les données laissées par Mère et attendit leur réponse avec angoisse. Il ne pouvait laisser la jeune femme mettre fin à la vie des Altériens. Il s'était retrouvé dans une situation similaire et comprenait plus que quiconque la position précaire dans laquelle se trouvait Yomi. Il n'osait savoir ce que c'était de devoir mettre fin à l'existence de personne connue et surement appréciée par le passé.
Ne pouvant se résoudre à attendre sans rien faire, Vyrian chercha du regard les poupées aqueuses, elles étaient peut-être en mesure de répondre à ses attentes. Alors qu'il s'apprêtait à se lever pour rejoindre le bord de la plateforme, Kela le retint par le bras. Il la regarda surpris lui montrer les excroissances qui sortaient du mur derrière les Altériens et les inscriptions qi'elles avaient tracés dans la poussière. Il comprit qu'il s'agissait de la position des torturés et le symbole central représentait une cage.
Ils les regardèrent se faire emprisonner et une vague de soulagement apparut sur le visage de Yomi, bien vite remplacé par un trait soucieux. Les prisonniers venaient de concentrer toute l'aura noire autour d'un de leur bras et parvenait à se libérer.
Nick fut le plus rapide. Il dégaina le pistolet présent à sa taille et tira. Un jet d'énergie perfora le front d'un des Altériens, Vyrian reconnut l'arme avec laquelle il avait mit fin à la vie des prisonniers issus du clan des Ombres. L'arme de Dinaïn. Yomi le regarda les yeux écarquillés. Le jeune homme ne se laissa pas déstabiliser.
— Ca a assez duré.
Vyrian ignorait depuis quand il avait appris à tirer. Mais surtout il ne lui connaissait pas cette force de caractère, Dinaïn avait déteind sur lui bien plus qu'il ne le pensait. La voix de Faric s'éleva des trois Altériens restant et le sorti de ses pensées.
— Décidément votre groupe est pleins de surprises ! Caché derrière les autres, je ne t'avais pas vu. Alors, décidé à prendre ta revanche ?
Faric ne connaissant pas Nick, le confondait avec son original, Keenan. Aveuglé par sa colère, le clone ne relèva pas les paroles du politicien et serra plus fort la crosse de son arme.
— Je hais les manipulateurs dans votre genre, je vous le ferez regretter.
— J'attends ça avec impatience.
La voix du politicien disparut et les Altériens reprirent leur torture, le visage défiguré par la douleur et l'horreur de leurs actes.
— Met... fin ... sup ... plice.
Nick tendit le pistolet à Yomi toujours abasourdie, comme Dinaïn l'avait fait par le passé à Vyrian.
— Vise la tête, ils ne sentiront rien... c'est le plus humain.
L'Exilée regarda l'arme qu'il lui tendait avant de se tourner vers les Mysticiens.
— Yomi... s'il te plaît....
Yomi se saisit de l'arme la main tremblante. Dezaël l'encouragea.
— Tu fais ça pour leur bien.
— C'est pourtant toi qui m'a expliqué qu'ils m'avaient chassé sous les ordres de Faric !
— Je sais.
Vanea prit le relai de Dezaël.
— Nous ne pouvons rien faire pour eux. Ils mouront dans tous les cas, tout ce que tu peux faire c'est leur offrir une mort douce.
A ces mots, Kayle se tourna vers Vyrian.
— C'est dur à accepter, mais parfois la mort est la seule délivrance.
Le biologiste hocha silencieusement la tête. Yomi des larmes pleins les yeux visa les Altériens. Nick se plaça dans son dos et l'aida à stabiliser son bras dans une douce étreinte.
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