Chapitre 3 : Un songe
Aurora marche aux côtés de ce bel inconnu. Ils traversent la forêt qui à présent est soufflée par un vent des plus glacial. Des tourbillons de givres, leur cinglent le visage. Même si la fourrure est un peu lourde à porter, elle n'est pas mécontente de l'avoir, car avec le jour qui décline, le froid se fait de plus en plus sentir.
Le chemin devient très escarpé. Malgré l'épaisse couche de neige, le sol se révèle truffé de branches casser. Bien qu'il fasse encore jour, la nuit ne va pas tarder à s'étendre sur ce vaste hiver éternel.
— Nous devons forcer l'allure..., conseille Theobald d'un ton pressant, tandis qu'il examine les alentours en marchant. Notre destination se trouve à environ deux mille d'ici, après cette crête, précise-t-il en pointant du doigt le haut d'une colline enneigée.
— Vous m'avez l'air inquiet, Monsieur, si c'est à cause de moi, ce n'est pas la peine, je n'ai pas peur du noir, vous savez, rétorque-t-elle en avançant péniblement.
— Ce n'est pas le noir que je crains, mais les spectres... rien ne leur échappe à ces foutues créatures.
— Les spectres ? dit-elle interloquer.
— Je t'expliquerais tout au refuge, mais en attendant nous devons nous hâter.
— Quelle éloquence ! s'exclame Aurora, j'ignore ce qui ce passe, mais j'en ai assez ! Je veux rentrer chez moi, s'écrie-t-elle en s'arrêtant brusquement.
Aussitôt, Theobald se fige, se retourne et repousse son capuchon, offrant ainsi à l'impertinente jeune fille tout loisir d'admirer ses yeux ensorcelants. Il s'avance vers elle, prend ses mains entre les siennes et dit :
— Cela fait dix-huit années que nous attendions ton retour. Malheureusement nous ne sommes pas les seuls à avoir espéré, des créatures aussi noires que la nuit on patientait elles aussi. À présent, je t'en conjure ne te pose plus de questions et suis moi.
L'ombre s'épaissit dans la forêt et le ciel limpide s'obscurcit. Aurora finit par se laisser convaincre et reprend sa marche. Morte de fatigue, elle trébuche sur une vieille souche enfouie sous la neige et tombe par terre. Sans plus attendre, Theobald se précipite vers elle, effleurant sa tempe d'un geste si délicat qu'elle se sent rougir.
— Aurora ! s'écrie-t-il en plongeant vers elle avec toute la puissance de ses magnifiques prunelles aux pouvoirs hypnotisant.
— Ce n'est rien, j'ai juste trébuché, marmonne-t-elle, visiblement éblouie.
— Tu es épuisée ! laisse-moi te porter, murmure-t-il d'une voix douce comme le miel.
— Non, ça va aller, je...
Elle n'a pas le temps d'achever sa phrase que celui-ci enroule ses bras autour de son buste, et la soulève comme une plume. Pendant un instant, elle semble vouloir résister. Puis, croisant le regard du beau brun, elle finit par renoncer et se laisser porter.
Littéralement épuisée, elle laisse sa tête reposer contre son cou, humant par la même occasion l'odeur suave et enivrante. Au rythme des foulées, Aurora se sent bercer. Sa chevelure blonde flotte au gré du vent alors que ses paupières s'alourdissent et se ferment toutes seules. Bientôt tout sera noir et dans un dernier instant de lucidité elle insuffle :
— Merci, avant de sombrer dans un profond sommeil.
Aurora se retrouve allonger et découvre un plafond qu'elle connaît bien. Elle réalise que c'est sa maison. Elle est seule, écoutant le silence assourdissant. Personne d'autre n'est présent. Elle se lève et regarde autour d'elle. Rêve-t-elle ? Alors que son regard vagabonde, une brume épaisse gagne le sol en même temps qu'un bruit de froissement résonne à travers le néant qui l'entoure. De petits coups sourds ressemblant à des pas se rapprochent de sa position.
— Tu m'as tellement manqué, dit une voix qui lui est chère.
Abasourdie, elle pivote sur ses talons et découvre sa mère qui marche vers elle, droite et lumineuse, vêtue d'une longue toge blanche.
— Maman, s'écrie Aurora.
Mildrid ouvre largement ses bras et sa fille court immédiatement se jeter au cou de sa mère.
— Tu es décidément la fille la plus courageuse du monde ! Je savais que tôt ou tard tu finirais par découvrir le miroir, murmure Mildrid à l'oreille de sa fille.
Puis, tous deux se redressent se contemplant mutuellement.
— Mais tu es morte, grommèle la jeune fille.
— Oh oui, je suis bien morte, répond sa mère parfaitement calme.
— Mais alors, tout ceci n'est qu'un rêve ?
— Ah, s'exclame Mildrid. Si je suis morte, je ne peux être réel n'est-ce pas ? Alors, ma chère enfant, je crois bien que oui, ceci est un songe.
— Je me sens si seule sans toi, sanglote-t-elle. Je ne comprends pas ce qui m'arrive, j'ai atterri dans un endroit que je n'ai jamais vu et les gens qui y vivent semblent me connaitre !
— Chuttt... Tu dois être forte, dit-elle en posant sa main sous son menton. Avant même ta naissance, ton destin a toujours été de sauver Damnaran ! Je comprends ton désarroi... Tout ça, c'est de ma faute, j'aurais dû tout te dire ! pourras-tu jamais me pardonner ? demande-t-elle. Pourras-tu me pardonner de n'avoir pas eu confiance en toi ? De ne pas t'avoir révélé la vérité ? Aurora, je voulais simplement te protéger de tout ça. Je craignais de te perdre...
— De quoi parles-tu ? s'étonne Aurora. Alors le miroir, le pendentif, ce monde existent vraiment !
— Oh ! oui...Malgré la beauté de Damnaran, un esprit des plus tortueux hante ses terres. Il te cherche. Écoute moi, à présent il te faut suivre Théobald, et vite te réveiller ! s'éxclame-t-elle.
— Quoi ?Mais....
À peine les mots franchissent ses lèvres, que sa mère disparait dans un nuage de brume, laissant l'incrédule seule face à ses doutes. Subitement, Aurora se retrouve étendue, enveloppée dans d'une couverture en peau de bête. Une odeur de fumée boisée emplit ses narines. Le sol sous son corps est moelleux comme un duvet et le vent glacé vient caresser son visage. Elle cligne plusieurs fois des yeux, vérifiant que la forêt d'hiver est bien là. Il fait nuit, mais la lune haute dans le ciel brille de mille éclats, tandis que les flammes dansent lascivement au cœur d'un feu de camp. Soudain, des bruits de pas précipités provenant de derrière elle se rapprochent. Emmitouflée jusqu'au cou, la jeune fille n'ose pas bouger d'un poil. Tout à coup, elle sursaute lorsqu'une main virile se pose sur sa bouche.
— Nous ne sommes pas seuls... murmure Théobald visiblement affolé.
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