De son pas nonchalant et désordonné, Kohga traversa la grande salle du château d’Hyrule. Ce que ce traître d’Astor avait fait, il n’en savait rien, mais il n’avait pas chômé. Il y avait des monstres absolument partout et l’endroit empestait, comme un mélange de poubelle, d’œufs pourris et de fruits trop mûrs. L’odeur des miasmes.

Quand Kohga avait commencé à se méfier d’Astor, il avait envoyé quelques sous-fifres pour enlever les scientifiques qui travaillaient au château. Contrairement à Aimy, il se fichait complètement du sort des gentils chiens-chiens Sheikahs, qu’il méprisait de tout son être. Mais il savait que leurs connaissances et leur technologie pouvaient leur être d’une grande aide et surtout qu’il fallait empêcher cette endive d’Astor d’en profiter.

Les jambes croisées, les mains jointes, flottant à environ cinquante centimètres du sol, Kohga traversa ce qui, une semaine plus tôt, était le joyau du royaume d’Hyrule. Il n’avait pas fière allure. Les tableaux lacérés et les tapis dévorés par les miasmes donnaient à la grande salle circulaire des airs de fin du monde. Les murs étaient recouverts de rancœur de Ganon et d’infâmes monstres s’ébattaient dans tous les coins. Certains murs étaient brisés, les meubles, renversés, et l’air, irrespirable.

Kohga sortit du château en suffoquant. L’odeur des monstres mêlée aux immondes relents des miasmes était insoutenable. Par réflexe, il rompit son sort de camouflage. Mal lui en prit, car un énorme Lézalfos blanc rayé de gris l’aperçut et lui fonça dessus avec un cri des plus désagréables. Pour lui échapper, Kohga grimpa maladroitement sur une haute colonne de pierre fendue et attendit que le monstre se lasse.

Il pouvait voir tout le parc du château de là-haut, et ce qu’il vit le sidéra. Le soi-disant héros d’Hyrule, la princesse Zelda, la dénommée Impa et les quatre prodiges marchaient vers une petite place agrémentée d’une fontaine en ruines. Or, sur cette petite place, se tenait cette ordure d’Astor, vêtu de son éternelle tunique noire mitée et brandissant fièrement son gardien corrompu par la rancœur de Ganon. Kohga eut un haut-le-cœur. Cet immonde personnage le rebutait au plus haut point. Il était fat et pédant en plus de ne jamais se salir les mains et de toujours laisser le sale boulot aux autres. Et par-dessus tout, c’était un traître.

Avec un « Pouf » sonore, Kohga se téléporta à quelques mètres de ses ennemis pour les mettre en garde contre Astor, mais trop tard. Le détestable énergumène avait déjà commencé son monologue, et cela promettait. Kohga, pourtant adepte des présentations théâtrales, ne comprenait pas comment il pouvait en faire des caisses à ce point alors qu’Hyrule était à feu et à sang.

Link regarda Astor, puis le Gardien, et tira son épée. Le robot semblait s’être séparé en plusieurs parties en plus d’avoir absorbé des miasmes et de vieilles pièces de gardien, ce qui lui avait permis de se constituer un corps à peu près convenable. À côté de cette créature cauchemardesque, le détestable Astor, immondice parmi les immondices, faisait bien pâle figure, ce qui ne l’empêcha pas de prendre la parole avec son habituelle suffisance.

— Vous êtes donc arrivés jusqu’ici… Bande de misérables vermines !

Le robot acheva de se déplier. Il devait bien faire trois fois la taille de son propriétaire, et était presque aussi large d’envergure qu’il était haut.

— Car c’est là votre destin !

Kohga soupira. Le destin, le destin… Mais que cette endive d’Astor change de disque, à la fin ! C’était véritablement ridicule.

"""Je laisse planer le suspense pour la suite. J'ai presque de la peine pour ce qui va arriver. Mais non. je déteste Astor."""