Sacré nom...

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Très cher amour,

Tu es l'écrin mystérieux duquel aucun contempteur ne saurait me détourner.

Couché de tout ton long, dans l'attente de la dégustation, mon cerveau entier est déjà accaparé bien avant de te retrouver. Je t'aime profondément, indiciblement, et ma pudeur me fait craindre que de vouloir narrer mon adoration pour toi n'atténue notre désir et ne trahisse notre intimité.

Tu offres plusieurs parfums : café, chocolat, praliné, pistache (c'est plutôt rare, d'ailleurs ne l'aurais-je pas rêvé ?) Je te préfère chocolaté. Tu fais tellement partie de ma vie.

Je suis devenu ton spécialiste, depuis ton épiderme jusqu'à ton coeur. Je suis le professionnel, le comparatiste hors-pair de ta fulgurance : de ta pâte à choux jusqu'à ta crême. Du solide à l'onctueux, de la texture de ton étui, je suis inflexible, mon palais connaît toutes les feintes, les trucs, les faux-semblants des pâtissiers. Mais je sais reconnaître l'oeuvre, le délicat assemblage d'un choux délicat et d'une patissière au tendre chocolat.

Je te pardonne même dans ces mauvaises occasions où je t'ai parfois rencontré, et je mets ma déception sur le compte d'un temps maussade, d'humeurs incontrôlables qui créent toute ta saveur quand mes papilles s'accordent à ta sensualité.

Souvent tu es placé proche des Religieuses de toutes sortes, que je trouve beaucoup moins malicieuses qu'à l'époque de mon enfance. Peut-être les pâtissiers ont-ils perdu le goût des saintes ? Toi tu restes là, discret, s'il n'en restait qu'un ce serait toi, tu es le symbole même de la pâtisserie, ton nom évoque l'éclat, le saisissement, la sidération, la puissance des surprises météorologiques... Tu sièges mine de rien dans les vitrines, en rang, souvent bien alignés.

Je t'ai connu moyen, petit, fin, gros même, de temps en temps baveux, froid, presque fondant... Tu m'es toujours un délice, un régal. Je m'arrête de respirer, mon corps se fige pour t'engloutir, ma gorge est aux anges, mes narines se dilatent et mes yeux se révulsent de plaisir. Je crois qu'à l'instant où tu longes la paroie de mon oesophage jusqu'à mon estomac, mes cheveux et mes poils s'arrêtent de pousser. Tu défies la vie, tu es au-delà de la mort : tu es mon éclair chéri.

Je reste ton dévoué admirateur et m'engage à te louer jusqu'à ma dernière salive.

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