À l'évidence nous n'étions pas sur une sœur jumelle de notre terre…

La planète, au doux nom de PXa-7624r, orbitait autour d’une étoile de faible magnitude, aux confins du Secteur 2. Cette destination n’avait que très récemment été cataloguée comme potentiellement habitable. Enfin autorisés à poser le pied dessus, les prospecteurs en herbe et autres aventuriers à la solde du Gouvernement s’étaient lancés dans une gigantesque course à la conquête.

En effet, depuis l’avènement de l’Autorité Galactique Unie, et la fin des conflits au sein de la galaxie, l’exploration demeurait la seule source de revenus stables. Pour une bande d’anciens pirates comme nous, ces missions étaient aussi l’occasion de pimenter la plate monotonie de notre nouveau quotidien.

L’éloignement – trente sauts tout de même – et les forts champs gravitationnels de la zone imposaient cependant une organisation minutieuse. Voilà pourquoi nous étions les premiers sur place. Parti sur un coup de tête, notre trio n’avait rien prévu, pas même une réserve de carburant suffisante pour quitter l’endroit…

— Tracasse ! On fera la sangsue sur le cargo de Vaasht, quand ce lourdaud aura enfin ramené ses fesses ici !

— T’es pas sans savoir que cette technique est impossible, Hart !

— Cause toujours… T’as un camouflage optique ? Tu peux tenir un manche ? Tu sauras te coller à lui !

— Sauf qu’il possède un bouclier.

Hart chassa ma remarque d’un geste désinvolte.

— Quand vous aurez fini, nous pourrons peut-être enfin sortir ? suggéra Will. Je sais pas vous, mais j’ai faim.

— Fallait prendre plus de rations alors !

— Et arriver bons derniers ? Je suis sûre que cette planète recèle des merveilles culinaires ! m’enthousiasmai-je.

— Tu disais ? ironisa Hart.

Aussi loin que portait le regard, un fin sable noir volait dans les bourrasques féroces. Il recouvrit nos combinaisons en un instant, impossible à retirer.

— Génial… maugréa Will.

Je tentai de garder une attitude positive, malgré l’obscurité qui avait envahi mon casque.

— Le ciel n’était pas si mal ! Zébré de bleu et de rose comme ça…

— Alors, Kay ? Vivant ou robot ? m’interpella Hart.

— Pourquoi tu me demandes ça à moi ? Tu tiens le détecteur !

— Il est mort…

— Tout comme notre système de liaison, confirma Will.

— Je vous entends pourtant, m’étonnai-je.

— Ça ne semble pas affecter les interfaces implantées.

— Vivant ou robot ? répéta Hart avec impatience.

Je n’en avais pas la moindre idée. Si ce sable couleur de nuit était une forme de vie, elle ne semblait pas apprécier notre présence sur son domaine.

— Bonjour ! Nous sommes des explorateurs ! lançai-je à pleins poumons.

Will pouffa.

— Qu’est-ce que tu fais ?

— J’essaie de communiquer !

— Et ça répond ?

— Non…

La poussière sur la visière cachait heureusement le rouge de mes joues.

— Robot alors, trancha Hart.

Il s’éloigna un instant, ses pas couverts par le sifflement du vent. Une intense douleur irradia soudain dans mon crâne. Le sable retomba d’un coup à nos pieds.

— IEM* ? T’aurais pu prévenir !

Posté dans le sas du vaisseau, mon cousin souriait de toutes ses dents.

— Et gâcher l’effet de surprise ?

— Il n’a pas tort, le soutint Will. Tu n’as pas retenu la leçon de la dernière fois ? Tirer d’abord…

— Et réfléchir ensuite. Je sais, je sais…

Je ne l’écoutais déjà plus, toute mon attention dirigée vers les volutes célestes. Les couleurs brillantes, mêlées d’arabesques d’argent, étaient d’une troublante beauté. Je n’avais jamais vu de telles teintes, et me demandais ce qui pouvait bien causer ce phénomène.

Un imperceptible tremblement agita le sol. Le grondement s’amplifia et m’arracha à ma contemplation.

— Elle était déjà là, cette dune ? s’enquit Hart.

— Ça m’a plus l’air d’une vague…

— Courrez ! nous poussa Will.

* impulsion électromagnétique