Chapitre 29 : Une naissance tant souhaitée

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Au fil des semaines suivantes, la nouvelle dame de compagnie de Proserpine s’habitua à sa nouvelle vie, et à satisfaire les exigences de la déesse, tout en accomplissant sa tâche de gouvernante. Elle supportait sa récente condition avec sourire, et contentement, surtout depuis qu’elle avait Sol auprès d’elle.

Pendant ce temps, sur la terre des Mortels, Idylla Junius Silanus ne savait plus comment se comporter, et quoi ressentir. D'un côté, elle se sentait vide, et malheureuse depuis le décès de sa sœur. De l'autre, porter en elle la vie, et bientôt pouvoir avoir son bébé entre ses bras, la remplissaient d'allégresse. Ainsi, un jour, elle pleurait. Un autre jour, elle riait avec ses suivantes et ses amies. De son côté, Endymion s'enfermait sur lui-même de plus en plus, et n'arrivait pas regarder sa tante en face. Il était devenu encore plus froid qu'avant le décès de sa mère, et la fuyait constamment. Cette dernière lui manquait tellement, mais un autre sentiment commençait à abriter son cœur. Il décida donc de se concentrer sur ses études. Un jour, alors que Marius venait encore une fois de consoler Idylla de l'indifférence d’Endymion, il décida d'avoir une discussion avec ce dernier :

« Endymion, j'aimerai savoir pourquoi tu traites aussi mal ta tante ?

—...

— Endymion, insista son père adoptif. Tu as perdu ta mère, mais n'oublie pas qu'Idylla a perdu sa sœur jumelle. Elle a vécu tous les moments de sa vie avec Psy depuis leur naissance. Toutes deux ont pleuré et ri de la même chose. Ta tante souffre autant que toi. Ton comportement redouble cette souffrance, car elle t'aime comme t'aimait ta mère. Je souhaiterai que tu comprennes cela. »

Après avoir dit cela, Marius se leva et s'apprêta à sortir de la pièce quand il entendit la voix du jeune garçon :

« Elle… Elle lui ressemble tellement... Chaque fois que je la vois... Je vois le visage de ma mère.... Cela me fait encore plus mal.

— Endymion, je comprends ton sentiment, et je ne te forcerai pas à reprendre une relation avec Idylla comme si rien n'était arrivé, mais... ne ferme pas ton cœur à son affection. »

A ces paroles, son fils adoptif se rappela les mots de sa mère avant sa mort. Elle lui avait demandé la même chose. Il promit donc à Marius d'y réfléchir. Oui, il allait le faire, mais pas tout de suite. Il lui fallait encore un peu plus de temps, surtout qu'il ressentait un étrange sentiment qu'il n’arrivait pas à définir vraiment. Là-dessus, Endymion prit congé, et partit à sa leçon d'escrime sous les révérences de son entourage. Quelques jours suivant cette discussion, il reprit une certaine relation avec sa tante, la saluant et acceptant de parler avec elle, mais sans pour autant montrer un geste d'affections. C'était encore trop difficile pour le moment. Idylla ne s'en attrista plus, résolue à être patiente, son mari lui ayant reporté son bref entretien avec Endymion.

Les deux derniers mois de grossesse se déroulèrent ainsi sans encombre. Un jour de décembre, alors que le soleil venait de se coucher, la future mère ressentit une tension dans son bas-ventre. Bien que plus violente que la normale, elle pensa que c'était une contraction ordinaire, une fausse alerte, comme cela lui était déjà arrivé dans les mois précédents. Cependant, au fil de la journée, cette tension augmenta en intensité avant de se transformer en douleur. Lorsque les contractions arrivèrent toutes les cinq minutes, elle réveilla Marius, et lui demanda d'aller chercher les sages-femmes. Son époux, quelque peu affolé, donna les ordres et s'apprêta à attendre de longues heures, pendant que son épouse souffrait pour lui donner un enfant. La nuit s'annonçait longue. Au bout de plusieurs heures, entendant ses cris, il interpella une des sages femmes :

« N'existe-t-il pas un moyen pour diminuer la douleur de ma femme ?

— Malheureusement, à part lui faire respirer un peu d'opium, on ne peut rien y faire, seigneur. Les Dieux en ont décidé ainsi.

—Alors, ne pouvez-vous pas accélérer les choses ?

— Malheureusement, non.

— Je vois. Il n'existe pas vraiment de solutions... Faites au mieux, » se résigna le futur père.

Durant les prochaines heures, Idylla les passa à lutter contre la douleur. De son côté, Marius commençait à perdre son sang froid. Ne supportant plus l'attente, il décida de poser son oreille contre la porte qui le séparait de son aimée. Il put entendre la voix de la sage-femme :

« Dame Idylla, je vois la tête arrivée... C'est pour bientôt... Ne relâchez pas vos efforts... Une dernière poussée, et il est là... Ça y est. Ne poussez plus pour dégager sa tête... Une dernière petite poussée pour libérer l'épaule…»

Alors qu’Apollon-Phébus levait le soleil derrière la colline de Rome, Marius perçut enfin un cri de triomphe provenant de la chambre à coucher :

« Et voilà, le petit trésor ! »

Après douze heures de souffrance, Idylla venait de mettre au monde son enfant, la preuve de leur amour. D'un coup, il entendit les battants de la porte s'ouvrirent. Il se recula pour accueillir une des sages-femmes qui l'invita à rentrer. En s'introduisant dans la pièce, il se dirigea vers son épouse, fatiguée et pâle à cause des efforts fournis, mais tellement belle et rayonnante de bonheur. Il lui prit la main et attendit qu'on lui apporte le bébé, qui se faisait baigner. Dès que ce fut terminé, une femme d'âge mûr ramena à ses parents leur petit miracle emmailloté dans un linge en fine laine blanche. Idylla tendit ses bras pour l'accueillir sur son sein.

« Toutes mes félicitations, Dame Idylla, seigneur Marius... Vous avez une magnifique petite fille... Elle est en parfaite santé, » leur annonça-t-elle avant de s’éloigner et de sortir.

A ces mots, Idylla pleura de bonheur. Elle venait de réaliser son plus grand rêve. Malgré le vide laissé par sa sœur, elle ne pouvait pas s'empêcher d'être heureuse. Elle pencha son regard sur ce petit être qui lui avait volé son cœur en quelques secondes. Elle vit des petites mains serrées blotties contre un minuscule menton, un visage fin et des petits cheveux noirs, aux reflets bleutés parsemés sur sa tête. Ses yeux étaient pour le moment fermés, mais en tant que Junius Silanus, elle allait surement hériter de ceux de ses parents. Marius se pencha sur sa fille, et la trouva la plus belle du monde. Les deux parents restèrent ainsi, sans se préoccuper du temps. Une seule chose perturbait leur bonheur. Leur nouveau-née n’avait pas encore poussé son premier cri. Marius était sur le point d’en chercher la raison auprès de la sage femme qu’une voix interrompit son initiative :

« Nous venons d'être informée par les sages-femmes. Toutes nos félicitations, mon fils, ainsi qu'à vous, Idylla.

— Je vous en remercie, père, répondit le nouveau papa, en se redressant en face de l'homme accompagné de la matriarche.

— Elle est vraiment mignonne. Quel est le prénom de cette petite princesse ? » Demanda la nouvelle grand-mère, regardant le bébé.

A cette question, le couple se regarda, et voyant le consentement de son époux, la nouvelle mère s'apprêtât à répondre. A ce moment précis, Endymion rentra également dans la chambre.

« Oh Endymion, merci d'être venu, cela me fait vraiment plaisir, s'exprima Idylla. Vient que je te présente ta sœur... Voici Psyché. »

Au début, le jeune garçon fut touché par les mots de sa tante. Savoir qu’elle le considérait comme son fils le réchauffa un court instant, enfin s’il saisissait bien leur signification. En lui présentant sa cousine comme sa sœur, Idylla le considérait comme son fils, non ? Comme s’il désirait s’attacher à cet espoir, Endymion faillit en être ému, mais il se reprit rapidement, la souffrance de la perte de sa mère étant encore vive. Refusant de se montrer vulnérable, il réussit à garder son calme, et à cacher ses émotions. Il détourna l’attention en rebondissant sur le prénom de l’enfant :

« Psyché ? »

Ce nom lui rappelait quelque chose. Devinant sa confusion, Idylla lui répondit, quelque peu étonnée par le ton froid de son neveu :

« Oui, Psyché. J’ai voulu lui donner le prénom de ma défunte sœur, ta mère, pour lui rendre hommage. C’est le moins que je puisse faire pour elle, ainsi elle sera dans notre cœur à tout jamais. Je lui dois beaucoup.

— Psy n’était qu’un sobriquet affectueux donné à ta mère. Cependant, à force de l’entendre prononcer par toute la famille pendant des années, tout le monde se mit à oublier que son vrai prénom a été Psyché, » expliqua encore Marius, devant l’air un peu surprise d’Endymion.

Malgré une certaine colère en son cœur, ce dernier s’approcha de sa tante, et regarda celle qui était maintenant sa cousine et qui avait volé le prénom de sa mère. Pour mieux la voir, il dégagea la couverture. Elle était si petite, si vulnérable se disait-il. Cependant, il refusa de se laisser attendrir par cette nouveau-née. Il recula alors sa main. Contre toute attente, la petite fille, de ses maigres forces, referma ses doigts potelés autour de l’index d’Endymion, montrant qu’elle refusait de le laisser aller. Un frisson parcourut le corps du jeune garçon, le troublant au plus au point. Ayant peur de perdre le contrôle de lui-même, et de s’attacher à sa cousine, il se libéra sans violence, puis se dirigea vers la porte en déclarant :

« Je vous félicite, mais je dois vous quitter. Il me reste peu de temps pour me préparer à mes prochaines leçons.

— Très bien, Endymion, je te remercie d’être venu, » conclue Marius.

Au moment où son fils adoptif quitta la pièce, comme si elle était triste de le savoir parti, la petite fille qui répondra maintenant sous le nom de Psyché, se mit à pousser son premier cri, rassurant ses parents. A cet instant précis, sur l’Olympe, des parents se précipitaient auprès d’un dieu aux ailes blanches, sujet à une terrible souffrance, pour être ensuite emmené au sein d’un divin palais dans les bras de son père, suivi par un frère inquiet, et une mère pleurante. Ces deux événements seraient-ils liés, ou était-ce une coïncidence ?

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