Hélios et Apollon

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Hélios avait été mis au rang des Dieux après sa mort, et était alors devenu le Soleil. En effet, jaloux de leur frère Hypérion, d’avoir deux épouses, Balisée et Théia, ainsi que deux enfants remarquables par leur beauté et leur vertu, ses oncles, les Titans, avaient conspiré contre lui. Ils s’étaient rendus coupable de son meurtre, et d’avoir noyé Hélios dans l’Achéron. Associé maintenant au dieu solaire, le dieu des Arts ajouta alors, à son nom, celui de Phébus. Pour l’heure, Diane, curieuse et fatiguée de ce silence qui s’éternisait, finit par demander :

« Alors mon cher frère, comment tu t’en es sorti avec Hélios ?

— Disons que c’est un peu plus difficile que pour toi, ma chère sœur, lui répondit Apollon. Tu te contentes de guider Séléné, qui fut transformée en la Lune. Moi, il faut que je compose avec une autre personne. »

Cette fameuse Séléné était fille d’Hypérion et de Théia, la faisant de ce fait sœur d’Hélios. Apprenant la mort de ce frère tant aimé, elle s’était suicidée en se précipitant du haut de son palais. Les Dieux touchés par sa piété fraternelle, l’avaient placée dans le ciel, la changeant en astre lunaire. Confiée à Diane, la course de la Lune était devenue la prérogative de cette dernière. De ce fait, la fille de Jupiter était bien souvent confondue avec elle. Pensant à sa compagne de toujours, la déesse de la chasse se mit à songer :

« Ah, Séléné. Quel bel exemple d’amour filial. Je me demande si tu serais prêt, tout comme elle, à te donner la mort en apprenant la mienne.

— Non, répliqua Apollon, faisant tiquer Diane. J’exterminerai tous ceux qui auraient osé te toucher, même un seul de tes cheveux.

- Je te reconnais bien là, lui sourit sa sœur, soulagée. Alors avec Hélios ?

- Disons que déjà il m’a fallu me rendre à son palais. Tu ne peux pas savoir les richesses ostentatoires qui s’y trouvent. Tous les murs sont faits de cristal, de diamant, de pierres et de métaux précieux. Qu’en à son trône, il est encore plus riche et plus brillant encore que le reste. Je comprends pourquoi les Mortels n’arrivent pas à soutenir l’éclat du soleil. Enfin bref... Ca a été difficile de lui faire comprendre que notre père le mettait sous ma tutelle, et qu’il devait me supporter sur son char pour le superviser.

— D’un autre côté, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même, haussa des épaules Diane. Il n’avait pas à prêter son char de feu à son fils Phaéton pendant une journée. Quelle idée a-t-il lieu de jurer sur le Styx d’exaucer son vœu, quoi qu’il demande ? Il aurait dû se douter que ses chevaux, face à ce changement de conducteur, n’en auraient fait qu’à leur tête. Ils se sont tellement détournés de leur route ordinaire qu’ils en ont brûlé la Terre, et en ont desséché les rivières. Pour les arrêter et le punir, poussé par les suppliques de Terra, Jupiter a dû intervenir… Pauvres bêtes.

— Ah que veux-tu, l’imita Apollon. Phaéton n’a trouvé que ce moyen pour prouver à Epaphus qu’il était bien le fils du Soleil,…, mais, tu as raison. Hélios aurait dû attendre d’entendre ce que son rejeton voulait avant de faire ce serment irrévocable. Il n’en aurait pas perdu Phaéton, envoyé au fond de l’Eridan par la foudre de notre père, mais aussi ses filles, les Héliades. Elles étaient si dévastées que nous les avons transformées en peupliers, et leurs larmes en grains d’ambre. »

Les deux divinités continuèrent ainsi à converser sur leur prérogative qui finalement présentait quelques points communs. Elles en oublièrent Minerve. Face à cette ignorance, la dite déesse des Sciences, des Artistes, des maîtres d’école et des Artisans fulminait de rage. Elle se supportait pas le mensonge, et surtout ceux d’Apollon. Elle prônait l'intelligence, comme elle l'avait prouvé en soutenant Ulysse durant la guerre de Troie, et son Odyssée. Cependant, elle était prompte à la colère, et rappelait à qui voulait l'entendre qu'elle était aussi la déesse de la Stratégie Guerrière. Fille privilégiée de Jupiter, elle était née de ses amours avec Métis, nommée aussi la Prudence. Cette dernière avait été également la toute première épouse du maître de l’Olympe, qui, pour lui prouver son amour, l’avait dévorée enceinte. Non, les événements ne s’étaient pas déroulés ainsi. Minerve devait le reconnaître. La réalité était toute autre. Ce n’était pas un acte dicté par l’amour, mais par la crainte. Pas que Jupiter n’avait jamais aimé Métis, bien au contraire. Toutefois, la déesse refusait que quiconque mentionne les réels évènements, et les circonstances de sa naissance. Tout ce qu’elle désirait se rappeler, et que les Hommes devaient se souvenir, étaient l’honneur que Jupiter lui avait accordé en mémoire à sa mère. Afin de l’honorer, le dieu des Dieux avait octroyé à sa fille la divinité de la Sagesse. Grâce à sa vaillance, et pour récompense, la vierge déesse avait également reçu plusieurs des prérogatives suprêmes de son père. Elle donnait l’esprit de prophétie, prolongeait à son gré les jours des Mortels, et procurait le bonheur après la mort. Tout ce qu’elle autorisait d’un signe de tête était irrévocable. Tout ce qu’elle promettait arrivait infailliblement. Fille aimée de son père par-dessus tout, et pour être restée auprès de lui face à Typhon, elle fut la seule à échapper au courroux divin, lors de sa participation au complot de Junon.

Pour l’heure, connaissant le côté orgueilleux et belliqueux de son caractère, Proserpine, belle blonde au corps et aux formes gracieuses, portant Perséphone en Grèce, se détacha de son compagnon, et s'approcha de son amie. Elle l'aida à se calmer en lui faisant admettre que ce n'était ni le moment, ni le lieu pour faire éclater sa colère. Assisse près de Bacchus, afin de l’empêcher de finir le buffet à lui tout seul, Cérès se permit une remarque :

« Ca devient bien long, maintenant.

— C'est vrai, intervint un homme étendu sur un divan. L'entendre m'empêche de dormir. J'aimerai retourner sous mon arbre faire une sieste tranquille, moi. »

Les bras croisés derrière sa tête parsemée d’une courte chevelure noire en bataille, Morphée, fils du Sommeil Hypnos, et de la Nuit, avait gardé les yeux fermés, tout en prenant la parole. Dissimulant ses ailes de papillon dans son dos, il tentait de trouver le repos, mais l’agitation ambiante l’en empêchait. Si seulement le pouvoir du pavot de son père agissait sur lui, il serait déjà entrain de dormir du sommeil du juste. Pourtant, il suffisait qu’un mortel ou un autre dieu en frôlent la tige et le pollen pour y être plongé. Son rôle principal était juste de rentrer dans les rêves des Hommes en prenant leur forme, afin de leur offrir un endormissement agréable. Le monde était vraiment parfois cruel avec lui. Il aurait voulu hériter des capacités d’Hypnos. Avec calme et sans émotion apparente, un autre dieu, debout telle une statue austère et le regardant d’un regard aussi froid que l’enfer, déclara :

« Toujours aussi fainéant, à ce que je vois. Ce sont des choses qu'on ne peut pas précipiter, et tu le sais. »

D’une haute stature et aussi imposante que ses frères, Jupiter et Neptune, se tenait la divinité qui régnait sur le monde infernal. Une couronne d’ébène, où des narcisses y étaient gravés, témoignait de son statut de souverain. Dans sa main, un sceptre, se terminant par une fourche, y avait trouvé sa place, tandis qu’il avait laissé en son palais son casque d’invisibilité, présent des Cyclopes. Sa toge sombre brodée d’or le recouvrait entièrement. A sa ceinture, tous pouvaient y voir pendouillées des clés d’orichalque, symbole des portes de la vie à jamais fermées, sans espoir de retour pour ceux qui parvenaient dans son empire. Dieu des Enfers, il en avait hérité la froideur dans la voix, mais aussi sur sa peau aussi blanche que la neige. Cette dernière contrastait avec ses cheveux et ses pupilles aussi noirs que les noirceurs du Tartare. Surement à cause de la dureté de ses traits, les Mortels avaient l’audace de le rendre laid dans ses représentations. Pourtant, la réalité était toute autre. La ligne de son visage était fine, et contrairement aux statues et mosaïques le montrant portant une barbe épaisse, il était imberbe. Ses yeux légèrement bridés harmonisaient le tout dans une sévérité stricte, mais douce. Son corps altier témoignait d’une beauté démoniaque, mais qui, malheureusement, n’avait jamais été suffisante pour qu’une déesse consente à partager sa couronne..., enfin, jusqu’à ce qu’il ait croisé le chemin de son épouse Proserpine.

Assisse à ses côtés sur le trône d’ébène des Enfers, la fille de Cérès l’aidait à gouverner des sujets à jamais aussi nombreux que les étoiles, ombres légères et presque toutes misérables. De part son statut et son caractère peu commode, des trois dieux souverains, Pluton était le seul qui n’ait jamais à craindre leur révolte et leur désobéissance. Avec Jupiter, lui seul détenait une autorité universelle qui n’appelait que le respect, et l’admiration, mais aussi la haine et la crainte. En témoignait l’absence de temple dédié à son culte. En Grèce, où il était appelé Hadès, seules des cérémonies particulières, brûlant de l’encens entre les cornes de l’animal que les prêtres liaient et éventraient avec le couteau dont le manche était rond et le pommeau d’ébène, l’honoraient. En Italie, après avoir recueilli leur sang dans une fosse contenant du vin des libations, les sacrificateurs immolaient des victimes de couleur sombre et toujours allant en nombre pair. Cette absence de temple offusquait-elle le dieu des Enfers ? Que nenni ! Pluton n’en avait que faire, tellement les Mortels lui étaient insignifiants. De plus, bénéficiant ainsi de la même considération que pour le dieu de la Foudre, il n’avait jamais pris part à la conspiration de Junon. Avant de poser une question suite à un rapide coup d’œil sur l’assemblée, Eole intervint :

« Et toi toujours aussi taciturne. Tu n'as pas emmené Cerbère avec vous ? Cela lui ferait du bien de sortir un peu. J'en sais quelque chose. »

D’une chevelure d’un roux éclatant et bougeant telle des feuillages dans le vent, le dieu maître des Vents venait de sortir de sa réserve, afin de changer de sujet et d’éviter une énième dispute. Ancien mortel et roi des Iles Eoliennes, entre la Sicile et l’Italie, il avait été élevé au rang des divinités grâce à la volonté de Jupiter pour service rendu. En effet, les Dieux lui avaient assigné la mission de maintenir prisonniers les Vents, notamment Eurus, Notus, Borée et Zéphyr, fils du Ciel et de la Terre, ou des Géants Typhée, Astréus et Perséus, dans les profondes cavernes de son archipel. Encore aujourd’hui, il l’accomplissait. Nuit et jour, tous pouvaient entendre les murmures et les rugissements de ces détenus. Si l’ancien roi ne les retenait pas, ils s’échapperaient tous avec violence et dans leur fureur, ils emporteraient à travers l’espace les terres, les mers et même la voûte céleste. Heureusement, en plus de leur prison, Jupiter avait pris soin de placer sur eux une masse énorme de montagnes et de rochers. Du sommet de ces monts, Eole régnait sur ses terribles sujets et accueillait les voyageurs.

Ainsi, Ulysse avait eu droit à son hospitalité pendant un mois. De nature généreuse et touché par son désir de rejoindre femme et fils, Eole avait ainsi confié au héros de Troie une outre contenant une partie des Vents, afin qu’il puisse s’en servir en cas de calme plat sur les mers. Il lui avait recommandé de les libérer par parcimonie, et lui avait interdit d’en dire mots à ses hommes. Malheureusement, les compagnons d’Ulysse avaient cru que ce sac, gardé précieusement par leur roi, contenait des trésors fabuleux. Après quelques jours de navigation, jaloux et avides d’avoir leur part du butin, ils avaient volé l’objet mythique, et l’avait ouvert d’un seul coup. Libérés sans aucun contrôle, les Vents avaient déchainé toute leur puissance, déclenchant une tempête qui ramena les embarcations sur les îles d’Eole. Outré de cette désobéissance, mais surtout les supposant maudits par les dieux de l’Olympe, ce dernier les avait expulsés de son palais, les laissant dériver dans l’immensité de l’océan.

Eole était ainsi pourvu d’atouts puissants. Pourtant, tout dieu qu’il était à présent, il restait subordonné au maître de l’Olympe. Il n’avait le droit de déchaîner les Vents, et les rappeler dans leur repaire, que sur l’ordre, ou avec l’assentiment de son souverain. Dans le cas contraire, il en résultait de graves désordres et désastres. Il en avait fait les frais quand, pour complaire à Junon, il avait entrouvert d’un coup de lance le flanc de la montagne où son trône reposait. Malheureusement, les Vents avaient trouvé la brèche et s’y étaient engouffrés, bouleversant la mer. Neptune les avait renvoyés à leur maître en des termes remplis de mépris, et les chargeant de détruire une partie du royaume d’Eole. Maintenant, appuyé contre un mur du palais de Jupiter, une outre accrochée dans son dos pour se rappeler la mésaventure d’Ulysse, ainsi que de faire preuve d’un peu plus de raison, et moins de générosité, ce dernier était dans l’attente de la réponse de Pluton. Elle ne tarda pas et fut prononcée d’une voix taciturne et absente d’émotions :

« Non, en tant que gardien de la Porte des Enfers, il ne peut pas se permettre de quitter son poste. Tu vois la panique sur Terre si je laissais la porte sans surveillance, et que les âmes des défunts en profitaient pour prendre la poudre d’escampette. Non, merci. J'ai assez de travail comme ça, entre le jugement des défunts, les supplices, les Harpies, les Furies et autres créatures. Je n'ai pas vraiment envie de faire la chasse aux âmes perdues.

— Je te reconnais bien là, cher dieu des Enfers. Mais je suis d'accord avec Cérès, cela commence à faire long. Cela n'est pas vraiment normal, affirma le dieu des Dieux toujours assis sur son trône. Ne peux-tu pas faire un saut dans cette pièce, Junon, pour savoir si Latone n'a pas besoin de ton secours ?

— Très bien, soupira son épouse. Je vais aller voir ce qui se passe. »

La déesse se leva et se dirigea vers la porte que Mars ne cessait de fixer depuis des heures. Tous les dieux et déesses la suivirent du regard et la virent s'engouffrer dans l'ouverture. Ils étaient maintenant dans l'espoir de nouvelles.

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