Une prière désespérée
Ces obligations lui prirent jusqu’à tard dans la nuit. Quand tout fut ordonné, la lune était déjà bien haute dans le ciel. Dans le vent du soir, Idylla sentit alors le besoin de s'isoler dans le jardin familial. Sortant, elle alla jusqu'à une petite fontaine, et s’y reposa. Regardant l'eau, elle se mit à rêver d'elle entourée de son aimé et de ses enfants. Les paupières se fermant, une larme roula de nouveau sur sa joue, et tombant à l’intérieur, troubla la tranquillité de la source. Lorsque l’éplorée rouvrit les yeux, elle tomba sur un reflet cristallin prenant la forme d'un oiseau. Ce dernier semblait l'observer. Idylla releva la tête, et vit en effet une colombe au bord de l'eau. Fascinée, elle tendit la main doucement vers la blanche apparition, mais, face à son geste, celle-ci s'envola. L’épouse de Marius la suivit du regard pour la voir se poser près d'un nid où se trouvait une autre colombe. A ce moment précis, poussée par une intuition, la maîtresse demanda à un esclave d'aller capturer les deux oiseaux immaculés. Quand son ordonnance fut accomplie, elle s'habilla d'un long châle qui la recouvrit de la tête jusqu'au pied. Idylla, accompagnée de deux de ses suivantes, sortit de la propriété, et se dirigea vers les temples. Elle entra humblement dans celui de la déesse Vénus. Elle déposa la cage contenant les deux colombes sur l'autel, s'agenouilla, retira son châle, et leva les yeux vers la statue de la déesse et de son fils Cupidon.
Pendant qu’un léger espoir emplissait le cœur de cette humble citoyenne romaine, sur le mont Olympe, la divinité de la Beauté était tellement heureuse qu'elle n’arrivait pas à dormir. Résignée à ne pas trouver le sommeil, elle décida de se diriger vers un immense bâtiment blanc aux colonnes sévères. En cette nuit, elle se sentait d’humeur généreuse, et avait décidé d'accorder un vœu à un mortel. Elle rentra donc dans le lieu, où toutes les prières arrivaient. Ces dernières y étaient stockées sous forme de parchemins rangés dans des alcôves ornant les murs du plancher au plafond. Au centre de cette pièce circulaire, se dressait un miroir aussi grand qu’un arbre. La déesse se présenta face à lui. Y touchant la surface semblable à celle de l’eau, elle la troubla. Des ondes se propagèrent du centre jusqu'au bord du cadre en or et argent pendant un petit moment. Lorsque le miroir commença à retrouver son calme une image apparue. La forme était au début assez floue, avant de devenir de plus en plus claire, montrant l’intérieur d’un des temples lui étant consacrés. Une jeune mortelle à genoux y fit son apparition.
Elle était habillée d'une robe aux couleurs fines, ni trop simple ni trop ostentatoire. L'habit reflétait le caractère doux, simple et modeste de sa propriétaire. Elle était occupée à poser une offrande sur son autel. Elle se mit ensuite à prier. Vénus la vit lever son visage vers les statues les représentant son fils et elle. La déesse constata que cette jeune femme possédait une particularité peu commune. Elle présentait les yeux les plus clairs qu’elle n’avait jamais vus. La divinité, intriguée par ce regard où transpirait tristesse, mais aussi espoir, se concentra sur elle, comme si elle était habitée d’une irrésistible envie de connaître tous ses secrets. En tout cas, ces yeux à la pupille aussi limpide l'attiraient de plus en plus. Elle finit par s'y plonger, jusqu’à pouvoir y voir son âme et sa mémoire. Le lisant dans son esprit, son identité lui fut connue. Cette mortelle aux cheveux noirs et aux reflets violets appartenait à la famille Junius Silanus, une des familles les plus pieuses de la capitale, et pas la moindre. Devant la mère de Cupidon, se dressait l'épouse du chef familial, Idylla. Sortant de son intrusion, Vénus l’observa entrain d’ouvrir une cage à oiseau, et y glisser les mains. En sortit, prisonnière de ses fins doigts, une colombe. Puis, levant les yeux vers l’autel, Idylla déclara d’une voix douce une supplique :
« Petite colombe, oiseau préféré et protégé de la déesse de la Beauté et des Plaisirs, soit mon messager auprès d'elle... O déesse, entends les pleurs d'une pauvre femme. Toi, mère de l'Amour, je te le demande humblement, permet moi d'accueillir en mon sein la vie »
Sa prière finit, la jeune mortelle lâcha le volatile qui s'éleva dans le ciel, vers la sortie située au dessus des statues. Après l'avoir suivie du regard, l'aimée de Marius rouvrit la cage une deuxième fois, et saisit doucement dans ses mains sa compagne. Elle prit de nouveau la parole :
« Petite colombe, symbole de pureté et de paix, soit mon messager auprès de Cupidon, Dieu de l'Amour... O dieu, entends la prière d'une femme éplorée. Toi, enfant de l'Amour, je te le demande humblement, permets moi de donner toute l'affection que mon cœur possède à un petit être de chair et de sang. »
Là-dessus, Idylla ouvrit ses paumes, et la seconde colombe s'envola pour rejoindre son compagnon. Alors qu'elle regardait les oiseaux partirent dans le ciel, remplie d’espoir, elle ajouta une dernière prière :
« O divinités, entendez ma prière, permettez-moi d'offrir à mon mari aimant le plus précieux des présents, un enfant. Je suis prête à perdre la vie pour réaliser ce vœu. »
Sa déclaration finie, la tante d’Endymion remit son châle, et ressortit pour reprendre le chemin de sa demeure. Vénus, qui avait assisté à toute la scène, fut touchée par autant de dévotion, et par la tristesse de cette mortelle, mais surtout par tout l'amour qui émanait d'elle et de ses suppliques. Grâce à l’immersion dans ses souvenirs, elle avait été le témoin de la gentillesse, dont elle faisait preuve, et de sa force pour ne pas tomber dans le désespoir. Cette femme aimait tant son mari qu'elle était prête à mettre fin à son existence pour donner naissance à un enfant pour lui. Touchée et émue, la déesse prit sa décision. Se concentrant, elle mit en action ses pouvoirs. Ses yeux émeraude se mettant à briller, elle fit naître dans tout l’être d’Idylla une chaleur, une chaleur qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant. La jeune romaine arrêta même sa marche, se tenant la tête, et titubant comme sujette à un malaise. Ses deux suivantes s’en inquiétèrent, et la soutenant, s’enquirent de sa santé. Au début silencieuse, Idylla sentit le phénomène, dont elle était la victime, disparaître comme il était apparu. Pensant à juste de la fatigue, elle les rassura d’un petit sourire, avant de reprendre la route, d’un pas décidé et rapide.
Dans un état second, l'épouse de Marius, arrivée au sein de sa maison, se dirigea calmement, mais avec détermination vers la chambre de son époux. Celui-ci, inquiet de ne pas l’avoir croisée depuis le souper, fut étonné de la voir ouvrir doucement la porte. Il était encore plus surpris par une aura étrange qui l’entourait, mais d’où émanait une force d’attraction érotique. Cependant, poussé par l'inquiétude, il laissa ce détail de côté, et allant vers elle, lui demanda des explications :
« Idylla, où étiez-vous ? J’étais mort d'inquiétude. J'ai failli...
— Marius, tout va bien… Je vais bien, » l'interrompit-elle en posant un doigt sur la bouche de son mari.
Ce dernier n’y comprenait plus rien. Sa tendre et douce épouse était vraiment bizarre en cette heure de la soirée. Il ne l'avait jamais vue comme ça, mais surtout avec cette lueur dans les yeux, une lueur presque luxueuse. Il ne savait pas comment l'expliquer, mais son intense regard l'hypnotisait littéralement qu’il en déglutit. Attiré par le mouvement de sa pomme d’Adam, Idylla la frôla du doigt, la caressant délicatement. Dès qu’elle le toucha, sa peau se mit à frémir, et une tension difficilement contrôlable le prit instantanément. Son cœur se mit à battre la chamade, et sa respiration se fit plus rapide. Il devait se l’avouer. Un sentiment, à la fois d’excitation et de malaise, le dévorait tout entier, un sentiment contre lequel il combattait pour rester lucide. Malheureusement, il sentait ses défenses faiblir de plus en plus. Le coup de grâce arriva, sans qu’il s’y oppose, lorsque la main d’une Idylla sensuelle écarta le devant de sa tunique pour déposer sur sa peau ses fins doigts. Cette caresse lui fut si brûlante que sa respiration prit encore plus d’ampleur. Profitant de sa défaite, son épouse le poussa, alors jusqu'à ce qu’il atteigne le bord du lit. Là, elle l'obligea à s'asseoir, en lui ordonnant de ne pas bouger. Hochant de la tête, la bouche entrouverte, il obtempéra sans prononcer un seul mot. Rassurée d’être obéie. Idylla se retourna pour se diriger de nouveau vers la porte, et la ferma à double tour. Toujours dos à son époux, la jeune femme leva une main pour prendre entre ses doigts la baguette qui fixait ses cheveux, et tira dessus. Sa longue chevelure tomba jusqu’à sa taille. Puis, elle refit face à son mari, et s'avançant vers lui, défit doucement l'épingle en or sculptée et qui maintenait son pâla en place. Elle ne lâcha pas pour autant sa tunique, la tenant avec ses paumes, laissant juste ses épaules dénudées. Arrivée devant lui, elle se stoppa, et resta debout avant de lui demander d’une voie douce et en le fixant dans les yeux :
« M'aimes-tu, Marius ?
— Bien sûr, répondit ce dernier de plus en plus abasourdi par le spectacle qui s'offrait à lui.
— Alors, fais-moi un enfant, Marius… Fais-moi l'amour, » supplia Idylla en lâchant sa robe qui tomba à ses pieds, lui révélant la nudité de son corps.
Marius se leva, et glissa ses mains sur sa peau d’albâtre, dans une douce caresse, autour de sa taille. Il approcha ses lèvres des siennes, et l'embrassa tendrement. Au moment où son épouse entoura son cou de ses bras fins, il intensifia son baiser. De son côté, elle descendit doucement ses doigts pour atteindre le haut du vêtement de son mari, et enfin ses larges épaules. Son amant quitta ses lèvres pour baiser son cou immaculé, l'obligeant à se maintenir en s'accrochant à son habit, et à basculer sa tête en arrière. Elle en gémit. Dans un mouvement inattendu, Idylla l'incita à arrêter, au bout de quelques minutes de cette douce torture. Elle s’écarta un peu de lui, et lui arracha le tissu qui lui cachait le reste de sa peau. Puis, elle poussa son mari, l'incitant à se rasseoir. Elle s'agenouilla devant lui, et se pencha vers son torse. Ce dernier, enfin à l'air libre, fut l'objet de l'attention de la jeune femme qui le couvrit de baisers. A chacun d’entre eux, la respiration de Marius ne cessait d’accélérer, et son cœur s’emballait de plus en plus, alors que le reste de ses vêtements lui était enlevé. Il fut à son paroxysme quand, il sentit une douce pression autour de sa fierté, qu’il en grogna, fermant les yeux pour en profiter.
C’était la première fois que celle qui lui était bien souvent soumise dans leurs témoignages d’amour, prenait une telle initiative de la lui caresser. Il désirait tant que son plaisir perdure. Toutefois, toute chose avait une fin, même les meilleures. Au bout d'un court instant de caresses, le souffle court, il fut lâché. Il vit son amante se relever, et le coucher sur le matelas avant de l'enjamber, et de reprendre possession de ses lèvres. Toutefois, refusant d’être dominé, et désireux de lui rendre ce qu’elle venait de lui offrit, il mit ses mains sur son dos, et la bascula sous lui, afin de l'honorer de tout son amour. Ce fut les retrouvailles de deux êtres qui s'aimaient à tel point que respirer leur faisait mal, et qu’ils étouffaient à cause de la force de leurs sentiments. Ce fut une nuit de passion qui allait contrarier les plans de certains, mais surtout qui allait transformer le destin de cette famille.
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