Deux ennemies, deux amies

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En fait, n’attendant pas d’être présentées l’une à l’autre par leurs maîtres, les deux femmes en avaient pris l’initiative. Ainsi, toutes deux découvrirent qu'elles venaient de la terre des Mortels, et partagèrent leur histoire respective. Cassandre, était heureuse de pouvoir en parler avec quelqu'un de son ancienne condition. Les deux jeunes princesses continuèrent à parler ensemble, tout à fait à leur aise. Afin de savoir ce qu’il en était, Vulcain et Eole s'approchèrent d'elles :

« Je vois que tu as fait connaissance avec la servante de Vulcain, fit remarquer le dieu des Vents en s'adressant à Iphigénie.

— Oui, j'ai été surprise d'apprendre qu'elle était troyenne. Par conséquent, nos peuples étaient ennemis. Je trouve la situation assez drôle, car nous nous retrouvons à discourir comme si nous étions des amies de longue date.

— Je suis heureux que tu puisses t'entendre avec quelqu'un, Iphigénie. La terre des Dieux n'est pas aussi divisée que celle des Mortels. Nous ne sommes qu’une seule nation, une seule entité. Certes, des rivalités en perturbent le calme, mais pas de guerre entre nous, juste contre les Titans et les Géants, continua Eole. Vulcain, j'aimerai que Cassandre puisse inviter, ou visiter Iphigénie dès qu'elle le souhaite,…, si tu es d’accord.

— Je n’en vois pas d’inconvénients, consentit Vulcain. Je n’ai qu’une seule condition. Qu’elles ne sortent pas du domaine de l’Olympe. »

Les anciennes princesses obtempérèrent, toute à la joie d’avoir une amie, et le remercièrent chaleureusement. Ce bonheur contamina le cœur de Vulcain. Il était heureux de voir sa servante enfin sortir en dehors de son palais, pour autre chose que les missions qui lui incombaient. Elle restait trop confinée à son goût. Constatant le déclin du jour, le dieu des Forges, qui avait encore une tâche à accomplir pour amener à bien son projet final, prit congé de Jupiter et des autres Dieux, accompagné toujours de Cassandre. Cependant, en arrivant à l'orée du bois, il fit demi-tour, et invita son frère un instant à l'écart. Il avait besoin de lui demander plusieurs choses :

« Mars, commença-t-il, je sais que je t'ai fait du tord, à toi, à tes fils, à Vénus et...

— Je t'arrête, tout de suite... Ce que tu as fait aujourd'hui me montre que ton cœur renferme de la bonté. Je voudrai aussi m'excuser de...

— Laisse moi finir, mon frère... et tu n'as pas à t'excuser, l'interrompit Vulcain. Le fait de rendre la liberté à Vénus n'efface pas la dette que j'ai encore envers toi, mais surtout envers Cupidon. Malgré que je l’aie attaqué, il m'a pardonné. C’est très important pour moi, et je compte vous rendre la pareille. »

Après une pause que Mars ne voulut pas briser, voyant son frère des plus sérieux.

« Je souhaiterai contribuer à l'entraînement de Cupidon et Himéros, continua le dieu forgeron. J’aimerai leur montrer ma forge, la manière de fabriquer les armes divines, et leur faire comprendre que ce n'est pas que de vulgaires objets, mais des alliées très précieuses. C'est en les fabriquant qu'on s'en rend compte.

— J'accepte avec joie… Mais pourquoi me le dire à l'écart. Les garçons auraient été heureux de l'entendre.

— Je sais, mais initialement, je voulais te demander si nous pouvions nous voir seul à seul, afin d'essayer de rattraper les siècles de perdus, invita Vulcain.

— Bien sûr. Pourquoi ne pas nous retrouver demain avant l'entraînement des garçons, sous le vieux saule des Naïades, proposa Mars, qui avait compris la pudeur de son frère à garder cette demande pour eux seuls.

— Alors à demain, » répondit ce dernier, en lui tendant la main qu'il prit.

Ce fut sur cette invitation que les deux divinités se séparèrent, l'un retournant à sa forge pour continuer son œuvre, et l'autre retrouvant sa famille et tous les autres. Vénus fut enfin libérée de la folie de ses amies, qui insistaient pour fixer la date du mariage dès maintenant. Refusant de précipiter les choses, les deux fiancés leur assurèrent qu'elles seront toutes mises au courant, dès qu'ils se décideront. Apollon, après autant d'émotions, repartit vers son char. Diane fit de même. Il était l'heure de coucher le soleil, et de lever la lune, annonçant ainsi la fin de la journée. Justitia prit Morphée sous le bras, et ils repartirent ensemble vers leur rendez-vous. Junon tira Jupiter par l'oreille pour le ramener en leur palais, l’empêchant ainsi de repartir vers la Terre pour rendre visite aux mortelles. Proserpine et Minerve restèrent encore un moment avec la petite famille. La reine des Enfers convint avec Mars qu'elle emmènerait Cupidon et Himéros aux Enfers, dès qu'elle descendrait rejoindre Pluton à l'automne. Les deux garçons s'envolèrent de joie, jusqu'à ce que Cupidon se rende compte qu'il allait encore devoir attendre quelques mois. Il se mit à bouder, lorsque son père refusa de l'emmener tout de suite. Le dieu de la Guerre soupira devant l'impatience de son fils aux ailes blanches. Quand à Minerve, elle essayait désespérément de se rapprocher d’Himéros. Malheureusement pour elle, il ne la supportait plus, surtout quand elle se mettait d’insulter Cupidon quand il désirait attirer son attention. Vénus y mit bon ordre en invitant tout le monde à rentrer pour se reposer, car le lendemain, l'entraînement reprenait. Obtempérant, tout le monde allèrent se restaurer et se coucher.

Le matin arriva bientôt, et Mars se leva avant que ses fils ne se réveillent, afin d'honorer le rendez-vous avec Vulcain. Il prit ses affaires, et partit en direction du vieux saule, cet arbre millénaire qui renfermerait la sagesse du monde. Là-bas, il vit son frère y être adossé. Le voyant arrivé, ce dernier, se redressant, le salua, et une discussion prit forme. Les deux dieux discoururent sur leur passé. Mars lui parla de la pression que son rôle d'aîné impliquait, et de son sentiment de culpabilité de ne pas l’avoir aidé lorsqu’il avait été banni de l’Olympe, et par deux fois. Il lui confia son désir de se réconcilier avec lui dès son retour, mais aussi de sa frustration de ne pas y être parvenu, et surtout de sa colère de l’avoir vu épouser Vénus, celle qu’il aimait. Il s’était senti trahi, et d’une certaine manière, lui en avait incombé la faute. Il lui parla de sa fuite dans les batailles pour tenter de fuir la douleur.

En l’écoutant, Vulcain prit conscience que la vie de Mars n'avait pas été des plus faciles, comme il le pensait. L’imitant, il lui raconta la sienne dans la grotte qui avait été sa prison. Certes, il avait été sauvé, et tout l’art de la forge dans lequel il excédait, lui fut enseigné, mais il avait été traité tel un prisonnier, et un esclave. Ainsi, pendant plusieurs heures, les deux frères ouvrirent leur cœur l'un à l'autre. Le dieu des Forges termina en lui avouant avoir entendu la discussion qu’il avait partagée avec Vénus et leur fils le soir de la cérémonie. Il avait été témoin de leur retrouvaille, et du courage de ce garçon de vouloir toujours faire bonne figure, alors qu'il souffrait à l'intérieur. Ce courage l'avait décidé à rendre sa liberté à Vénus. Il rajouta :

« Je dois aussi dire que cela m'a encouragé à réaliser un autre projet.

— Quel projet ? demanda le dieu de la Guerre.

— Il est encore trop tôt pour en parler. Rassure-toi, rien de néfaste..., devança-t-il, avant de continuer, d’un ton solennel et des plus sérieux. Mars, je suis au courant de ce qui te préoccupe de plus.

— Tu veux dire de…

— De Lui, oui, confirma son frère.

— Que désires-tu savoir au juste ?

— Je voulais te demander ce que tu comptais faire à ce propos.

— Je dois t’avouer que je ne sais pas trop encore. Je n’ai pas encore tranché bon nombre de questions. Dois-je lui en parler seul à seul, ou en présence,…, enfin, dois-je en informer les Dieux qui ne sont pas au courant ? Je suis un peu perdu.

— Je suppose que le lien qui existe entre eux t’inquiète également ?

— Oui, poursuivit Mars. Je sais que son sang lui a transmis le savoir qu’il a accumulé pendant les siècles qu’il a vécu. J'ai bien peur qu'une petite partie de la puissance qui commence à s'éveiller lui a été aussi donnée, mais de manière différente,…, enfin j'espère.

- Je vois... Si je peux te donner mon avis.

— Je t’écoute.

— Je pense que tu dois les mettre au courant tous les deux, surtout si ce que tu dis s'avère exact. Pour les autres divinités, c’est à toi d’en juger, mais je comprends ta crainte. Peut-être que ce sera à lui d’en prendre la décision de les informer ou non, quand il sera au courant. Tu peux aussi demander son avis à Morphée, conseilla Vulcain.

– Tu as peut-être raison. C’est certes un flemmard, mais Morphée le connait autant que moi. Et puis, contrairement aux apparences, il en a dans la tête. Je vais y réfléchir. Heureusement, il me reste un peu de temps, cinq ou sept ans, peut-être un peu plus.

— Cinq ou sept ans ?

— Oui, son corps est encore trop immature pour supporter SA puissance. IL est encore endormi, même si je le soupçonne de s’être un peu réveillé. Je pense qu’IL va attendre qu’il grandisse encore un peu avant de se manifester, expliqua Mars. J’espère juste avoir assez de temps pour le préparer.

— Oui, je l’espère aussi pour nous tous.

— En tout cas merci, Vulcain. Ça m'a fait plaisir de parler avec toi. Cependant, il est l'heure que j'y aille. Mes garnements vont se demander ce que je fabrique. Je les ai confiés à Diane pour la matinée. Elle a dû les réveiller à l'aube pour courir dans les bois, mais maintenant, c'est à mon tour de les prendre en charge.

- Et Morphée et Apollon ? demanda Vulcain

- Eux, ils prendront le relais cette après-midi. Si tu veux, tu peux venir avec moi pour les informer de ton projet de leur enseigner l'art des forgerons, » termina Mars en se levant.

Les deux frères partirent donc rejoindre le terrain d'entraînement. Ils y trouvèrent un Himéros calme, attendant patiemment le retour de son père adoptif. Il en profitait pour pratiquer la méditation. Cupidon lui, par contre, fulminait d'impatience, faisant les cent pas, ou s'envolant pour voir s'il apercevait Mars. Il avait bien tenté de méditer à son tour, mais ses efforts n’avaient duré que cinq à dix minutes maximum. Les voyant s'approcher, le dieu de l'Amour déploya ses ailes, et décolla pour aller à leur rencontre. Il accusa le dieu de la Guerre d'être en retard en le pointant du doigt. Cependant, quand il fut informé de la raison de ce retard, il s'adoucit. Il sauta même de joie, quand il sut que Vulcain aillait les aider, et leur montrer le fonctionnement de sa forge. Il en était même très heureux, mais pas seulement pour son entraînement. Il avait un petit plan en tête qu’il aimerait amener à bien. Quand tout fut expliqué, les deux angelots reprirent leurs exercices sous le regard de leur père, et la conviction de leur oncle. Ce dernier devait absolument finir son projet avant le délai annoncé par son frère.

Un mois se déroula ainsi pour Cupidon et Himéros. Ils passaient leur temps entre les missions sur Terre, l’entrainement physique, intellectuel et psychologique, ainsi qu’avec des visites à la bibliothèque où ils rencontraient souvent Minerve et Junon. Cassandre et Iphigénie se rapprochèrent encore plus, et devinrent comme des sœurs, se confiant leurs secrets. Vénus préparait son mariage avec Mars, assistée de ses amies déesses. Le dieu de la Guerre n'avait toujours rien révélé, pensant d'abord à le rendre plus fort. Il espérait juste avoir pris la bonne décision d'attendre encore un peu. Le seul dieu qui semblait préoccuper pendant ce mois était Eole. Il se demandait comment avouer ses sentiments, et surtout si la personne qui occupait ses pensées allait accepter sa demande, surtout au vu de son plus grand souci.

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