Le nuancier du poids du ciel

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Il est pas douillet petit zèbre, loin de là, il la connaît bien la souffrance, c'est juste qu'il a tendance à avoir les yeux mouillés quand il ressent ces choses qui lui font hérisser son poil ying yang. Il est pas douillet non, ça c'est la vie qui lui a appris, ne compte pas les jours, et tâche de prier le ciel. Le ciel, il le regarde pendant des heures, ça lui permet de voyager, de se sentir moins étriqué au beau milieu du noir et blanc, alors quand passe un oiseau majestueux sous les ombrelles du soleil, il se prend à rêver dans les nuages qu'il se voit d'en haut, là, sur le sol. Il ne connaît du grand monde que cette terre aride qui s'arrête plus loin au ruisseau. Il songe vaguement à l'autre côté de celui ci, la vie est elle peut être plus rose, où peut être plus bleu, peut être autre chose que noir et blanc. Si seulement c'était un oiseau, il en aurait bien le Coeur net. Sa mère lui a dit un jour, ne t'approche pas du ruisseau, c'est là bas le royaume des lions, ils pourraient te faire du mal, mais lui tout ça il y croit pas, si c'est moins bien là bas qu'ici, pourquoi papa en reviens pas? Il est curieux le petit zèbre, tout comme l'était son papa. Il veut voir ces contrées dont parlent les vieux sages, manger les fruits juteux, se baigner dans les cascades d'or, il ne connaît rien d'autre que la boue et les plantes, celles qui naissent des cendres et qui soulagent peu. Sa mère, elle, fustige les vieux sages, dit qu'ils sont aussi vieux que fous, qu'ils n'ont jamais rien connu de pareil, qu'ils sont des zèbres, un point c'est tout, mais petit zèbre n'est pas d'accord, et quand bien même ils seraient fous, ils parlent des choses qui sont belles et qui font déborder l'espoir, papa mange les fruits des seigneurs et nage dans les bains qui brillent, aussi vrai que son poil se hérisse, aussi réel que son morne ennui. Son morne ennui. Celui là même qui l'a poussé aujourd'hui à traverser le grand ruisseau, effacer les murs de sa prison pour enfin devenir l'oiseau, pour qu'enfin net devienne son Coeur. Il y a vu de l'autre côté les papillons tatoués, tous de différentes couleurs, autant qu'il peut en exister, il a senti aux pieds des arbres le doux parfum des nappes de fruits et même entendu les doux rires venir chatouiller ses oreilles. Sous ses sabots se sont prosternées les fleurs sauvages et les brindilles au loin ont bougé pour le saluer. C'est dans ce matelas immense qu'il y a vu petit lionceau. Alors quoi, ils ont pris le temps de se contempler, du même regard écarquillé. Petit lionceau a demandé pourquoi ta peau elle est rayée? Il est pas sauvage petit zèbre, il lui a reniflé le museau. Petit lionceau a fait pareil, juste avant de se reculer, et de reposer sa question, pourquoi ta peau elle est rayée?  Petit zèbre s'est mis à regarder le brillant pelage du lionceau, lui qui se baignait assurément sous les cascades d'or, alors ses poils se sont hérissés, ses petits yeux se sont mouillés et cette beauté si lumineuse lui a semblé tellement douloureuse à regarder qu'il n'a pas pu sortir un mot.

Tu ne devrais pas être ici a dit petit lionceau, tu vois ces bananes, ces kiwis, ces ananas? Ils sont à moi, tout est à moi. Les autres, ils mâchent les pissenlits et dorment sur la terre glaise, ils se prélassent dans la boue noire et servent de mets à nos festins.

Du charabia pour petit zèbre qui n'avait jamais entendu de tels mots.

Es tu un autre toi?

Es tu un autre. C'est si bizarre. Ne comprenant que peu de mots, intimidé par la beauté et épris d'un sentiment insondable qu'il n'avait jamais ressenti jusqu'à lors, il a timidement répondu à travers le flou de ses pensées, moi, je suis petit zèbre, et le silence s'est étalé. Tu veux jouer avec moi?

Alors lionceau s'est mis à rire, ces mêmes rires chatouilleurs, à rire encore et encore, à s'en travestir de laideur, et dans le Coeur de petit zèbre s'est alors logée la terreur.

Maman dit que je pourrais jouer avec les autres quand mes dents seront enfin acérées. 

Et un rugissement violent venu du fond de la plaine est venu glacer les entrailles de petit zèbre avant de le faire détaler vers le chemin d'où il était venu.

Il est pas douillet petit zèbre, il la connaît bien la souffrance, c'est juste qu'il a tendance à avoir les yeux mouillés quand il ressent ces choses qui lui font hérisser son poil ying yang, alors ce soir sous les étoiles, il regardera pas là haut, il fermera ses yeux humides. Pour soulager le poids du ciel.

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