Jusqu'à peu, le fonctionnement du jumelage inter-espèces a toujours été un secret bien gardé. Ce n'est que depuis un siècle et demi que ce secret nous a été révélé, au travers du journal de bord d'un soigneur de l'époque, miraculeusement épargné lors de la destruction de la cité de jumelage d'Oh Soa.

La cérémonie en elle-même se déroulait selon des rites bien précis, où chaque instruction se devait d'être scrupuleusement suivie à la lettre, sous peine d'un danger parfois mortel pour les deux enfants.

Tout d'abord, les soigneurs broyaient trois écailles de la mère dragonne avec une roche de cristal de lune et des tiges sé-chées de Valentíäne Pourpre, puis donnait la mixture à boire à la mère humaine tandis qu'elle était encore enceinte. Il en était de même pour la dragonne, à l'exception que les trois écailles étaient remplacées par sept mèches de cheveux. Ainsi, les petits étaient exposés peu à peu à une part de leur futur alter-ego, et l'état des deux mères se stabilisaient pour que celles-ci puissent accoucher au même moment*.

Quand, enfin, les bébés naissaient, ceux-ci étaient aussitôt séparés de leur mère pour être le plus rapidement possible réunis. Une fois accolés, on pratiquait sur l'auriculaire de l'enfant et du dragonnet – ses écailles n'étaient pas encore formées – une petite entaille, avant de récupérer la première goutte de sang de chacun pour la mélanger à ce que les soigneurs de l'époque appelaient « infusion mater » ; un condensé d'eau récoltée aux premières ro-sées, de terre première et de magie. Le mage qui présidait la cé-rémonie prononçait alors les paroles rituelles – malheureusement perdues –, avant de faire boire la boisson aux deux nouveaux nés. Enfin, chaque enfant était confié à la mère de l'autre pour un jour et une nuit, avant d'être rendu à ses progéniteurs – étape généra-lement douloureuse pour les parents.

Extraits de la grande Bibliothèque, Mariendar

* Il est tout de même à faire remarquer que, si dragonne et femme accouchaient en même temps, la gestation de la première durait deux fois plus longtemps que celle de la seconde. Il en allait de même pour les premières contractions : ceux de la dragonne débutaient en moyenne trois jours avant ceux de l'humaine.