Nuit des Fauves VII
Leurs pas résonnaient de concert, faisant vibrer sèchement la pierre des couloirs évidés. Par chance, l'Intendant l'avait trouvé éveillé dans sa chambre. Un brin alarmé par cette étrange intrusion, Léo n'aurait su lui avouer son incapacité à trouver le sommeil. Mais, bien sûr, l'intendant n'avait pas demandé.
Sans doute n'en avait-il pas besoin. Léo n'arrivait pas à se formuler une opinion de cet étrange Puck au regard reptilien et aux manières douces, mais il ne doutait pas qu'un sens de l'observation aiguë se cachait derrière une dure placidité.
"L'inquisiteur vous attend.", avait-il simplement dit.
Quelques mots avaient suffi a glacer les sangs de Léo. Et, docilement, il s'était levé. Sa canne accompagnait son flanc en cadence.
L'Intendant semblait avoir la déférence de ne pas presser son pas infirme, mais il maintenait une allure qui trahissait une certaine urgence. Pour la première fois, dans cet instant silencieux, Léo le trouva... préoccupé.
Subtilement, Puck sembla prendre un peu d'avance, et en arrivant près d'une lucarne il plongea ses yeux affûtés dans la nuit la plus noire. Ce qu'il y cherchait, Léo n'en avait aucune idée.
Profitant d'un instant de répit, il suivit le regard de Puck jusqu'aux formes indistinctes de la caserne, et ses tuiles rouges et régulières, en contrebas.
"Une nuit noire comme certaines, non?" demanda-t-il, feignant l'assurance de la conversation futile, tentant d'oublier son anxiété.
Un instant.
Puis deux.
Un silence gênant, dans lequel Léo se trahit d'un regard fuyant. Il allait reprendre le pas quand la voix douce et profonde de l'Intendant daigna finalement lui répondre.
"Sûrement. Oui. Vous devez avoir raison."
Il fit volte-face, entraînant Léo vers un recoin inconnu du palais.
Ainsi donc, l'Inquisition? Il ne savait que trop bien qu'il s'agissait d'une branche mineure de l'Ethermetal, des députés de son pouvoir dans les territoires ruraux et excentrés ou l'ordre des Porteurs de l'Ethermetal n'était pas implanté. Mais au délà de ça, il ne savait rien d'autre que ce que le folklore voulait bien réveler. Et à partir de là, entre défenseurs des innocents et croquemitaines cruels, les rumeurs sur l'Inquisition allaient bon train - et se contredisaient.
Tout ça le mettait mal à l'aise, surchargé par une anxiété qui faisait écho a de lointains et de moins lointains déboires avec le monde de la sourcellerie. Léo avait beau avoir joué les bravaches toute une vie durant sur les remparts des forteresses frontalières, et reçu les balles et les coups de masses comme un soldat, l’œil au vent, la poitrine bombée, et une bonne dose de prudence déguisée en audace, il n'avait jamais pu passer outre un profond inconfort lorsqu'on le mettait face à quoi que ce soit en rapport avec la sourcellerie.
Les légendes le terrifiaient autant que le folklore banal. Les rumeurs de fantômes, les histoires du coin du feu, tout ce qui avait attrait de près, de loin, ou de très loin, au surnaturel lui foutait carrément et simplement les chocottes.
Il pouvait enrober les mots dans du plus beau papier, certes, et expliquer ça plus dignement, mais il savait en réalité que c'était bien de ça, qu'il s'agissait.
A Lal Pashev, dans le temps, il en avait côtoyé. Des escouades de Sourceliers. Encadrés d'une main de fer par l'Ethermetal, en essence leurs geôliers. Créature plus tout à fait humaines, autorisées à sortir de leurs prisons dorées seulement pour venir prêter main forte à l'effort de guerre. Ces êtres, étranges et formidables, aux yeux rouges et aux visages fatigués, en appelant aux éléments avec une puissance grondante lui avaient toujours foutu froid dans le dos.
Et maintenant...
Maintenant tout le combat était de tenir son esprit éloigné des souvenirs de Nil Vaz, des remparts croulant sous les débris, et des vagues et des vagues de flammes et de vents aberrants qui l'avaient érodée.
Et le bruit froid des mousquets. Encore.
Et encore. Alignés sur les remparts.
Il eut un réflexe soudain, tenant de s'échapper de sa vision. La chair de sa paume s'écrasa contre la pierre, et la douleur rouge qui lui chauffa les sens prit le dessus sur les images. L'Intendant, manifestement sur le fil du rasoir pour une raison, faillit bondir comme un chat.
Mais une maîtrise glaciale prit le dessus, et il toisa simplement Léo, qui rougit de honte à l'idée de ce qui venait de se produire.
"J'arrive. Pardon. " s'excusa Léo, timidement.
Et il reprit la marche, serrant sa canne si fort que ses phalanges en blanchirent. L'Ethermetal, hein?
Sentant les yeux tranchants de l'Intendant se perdre dans les ombres du couloir, comme l'ayant oublié, comme absorbé par quelque chose de tellement plus pressant. De tellement plus préoccupant que son infirme invité.
Un pas. Puis deux. Il jeta un autre coup d’œil par une lucarne. Et le visage de Léo se décomposa doucement dans son incompréhension grandissante alors que l'Intendant prit une grande inspiration, semblant perdu dans un effort surhumain de contrôle.
Il tourna vers le jeune mousquetaire lui offrant un visage prodigieusement fermé. Montrant de la main une porte du couloir.
" Vous êtes attendu. Bonne soirée, monsieur Borderouge."
Léo fronça le sourcil, tentant de formuler une question qui ne vint pas. Mais sans vraiment l'attendre, l'Intendant cliqua des talons, et disparut dans les ombres ondulantes du couloir. Ce soir là, les bougies semblaient presque indisposées, et leurs flammes faiblardes.
Quelque chose clochait.
Mais, sans doute, Léo fit l'erreur de mettre son sentiment sur ses nerfs à vif. Fatigué, anxieux, il reprit le pas. Se concentrant sur un problème à la fois. Celui que l'Inquisition représenterait pour lui dans les plus brefs délais si il n'avait pas La Réponse qu'ils cherchaient.
Léo maudissait les dieux. Il n'avait aucune foutue idée de ce que pouvait bien être la Question.
Il entra finalement dans la pièce.
Derrière la table imposante, un petit homme moustachu et poli le surveillait d'un œil en parcourant un gros volume de l'autre. Son visage légèrement crispé, il remit vite toute son attention sur sa tentative de parcourir précautionneusement les pages, en bougeant un peu les lèvres.
Léo l'observa, restant coi. Il ne reconnaissait pas son uniforme, son long manteau de laine noire, de coupe militaire assez moderne mais au tissu effiloché par endroits et rapiécé par d'autres.
L'autre, le plus grand, lui tournait le dos, semblant absorbé par un rayonnage imposant, la tête penchée, avançant doucement le long des titres indéchiffrables de la rangée. Ne laissant voir que ses longs cheveux noirs et tressés, tombant le long d'une chemise simple et brune.
La bibliothèque était atypique, ouvrage grandiose aux étagères monumentales s'enroulant autour des murs de pierre et des coins alambiqués. Quelques petits escaliers savamment disposés dans toute la pièce créaient une illusion d'espace en ajoutant plusieurs niveaux à la bibliothèque, qui en devenait labyrinthique malgré ses dimensions compactes.
Mais quelque chose de l'histoire de ce lieu avait transformé l'ambition glorieuse de son architecte fou en fanfaronnade. Car si a l'entrée, les étagères étaient remplis de livres a la reliure lourde et épaisse en rangées colorées, les ombres des recoins chaotiques dissimulaient des étagères vides, dérangées. Une partie toute entière de la bibliothèque semblait avoir été transformée en entrepôt, et Léo pouvait voir d'où il était quelques caisses garnies de paille, qui auraient pu contenir du vin ou quelque autre objet précieux.
De façon ostentatoire, Léo tira une chaise, et prit place a la lourde table centrale en tentant tant bien que mal de dissimuler son inconfort.
Son cœur battait la chamade, comme il n'avait pas souvent résonné lors des moments d'attente. Avant un assaut, Léo savait respirer en cadence pour calmer ses nerfs, et n'avait jamais été déstabilisé par la peur comme certains. La mort ne l'avait jamais tétanisé, et il avait toujours su trouver quelque chose d'ironique et de profondément réconfortant dans son quotidien chaotique, même dans les plus noires circonstances. Une vie militaire lui avait forgé une certaine aisance à l'abandon.
Mais l'interrogatoire qui, il n'en doutait pas, allait suivre, n'était pas non plus dans ses habitudes. Qu'on lui donne une position à tenir face aux canons, et au moins la peur grondante qui en découlerait lui serait-elle familière
La voix de l'Inquisiteur était douce, presque amicale, et Léo voulut immédiatement le détester, comme on hait les gens trop prévenants - parce qu'ils préparent toujours un sale coup. Il se raidit.
"Bonjour. On nous avait fait faire un thé..." celui qui devait être l'Inquisiteur fit courir sa main sur la reliure d'un volume, et se retourna avec un sourire triste. "Mais le Caporal Bainbeck ici présent à... fait tomber le plateau. On nous en apporte un autre."
Le dénommé Bainbeck releva les yeux, et partagea avec le jeune homme une moue apologétique. Sa moustache semblant faire un haussement en même temps que ses épaules.
Il avait l'air de dire qu'il n'avait rien pu y faire, que les dieux lui étaient tombés sur la tête. Que l'univers tout entier n'aurait pas pu faire grand chose dans une catastrophe quasiment naturelle, en somme. Dommage, mais franchement inévitable, que cet accident de plateau, semblait-il dire.
"Tout moi, ça." soupira-t-il dans un tressautement de moustache.
"Effectivement, je crois avoir découvert que l'adresse ne fait pas partie des vertus du bon Caporal." s'amusa l'Inquisiteur en descendant les quelques marches qui le séparaient.
L'Inquisiteur Partagetombe n'avait pas le tranchant auquel s'était attendu Léo.
Quelque chose en lui semblait sauvage, comme le sont les traits de ces immenses chiens du centro aux rythmes calmes et a l'assurance puissante. Et ses vêtements, atypiques, semblaient de facture solide, mais rustique. Autour de son cou, quelques colifichets, faisant écho à ces notes subtiles d'ivoire et d'argent dans sa chevelure.
Il prit appui sur la rambarde du petit escalier d'un bois sombre et lustré, croisant ses doigts sous son nez. Pensif. Un brin maladroit.
Et, alors qu'il semblait absorbé par la recherche d'un bout par lequel commencer cette discussion, Léo remarqua le regard étrange qui était posé sur lui. Sans trop savoir pourquoi, quelque chose au fond du fond de lui se crispa.
Immédiatement lui revint en mémoire les regard d'Aurélia, qui quelques heures plus tôt l'avait ainsi détaillé, mais ceux de Partagetombe lui semblaient irréels pour une raison qu'il mit plusieurs longs instants a remarquer.
L'Inquisiteur avait les yeux Vairons. L'un était d'un vert profond, l'autre d'un bleu sombre. Ou peut-être étais-ce l'inverse. Un vert sombre et un bleu profond. Ça n'avait pas grande importance, mais le détail était troublant. Et le jeune mousquetaire superstitieux qui existait toujours quelque part en lui ne pût s'empêcher d'imaginer qu'il s'agissait d'un présage. Un mauvais.
Il soupira, discrètement. Il n'était pas là pour détailler son interlocuteur, ou pour se faire remarquer. Il faillit rougir en se rappelant à l'ordre et renfila sa méfiance aussi vite qu'il le pût.
L'inquisiteur sembla s'éveiller. Une lueur fauve dans ses yeux dépareillés.
Un frisson, léger, léger, comme une brise.
"Je suis désolé, chevalier. Je n'ai pas l'habitude de ce genre de conversations" finit-il par soupirer. "Comment... vous portez vous?"
Léo, en silence, déglutit, faute de mieux. Faute de savoir quoi penser. Faute de savoir ou chercher le début d'une réponse derrière les couches et les couches de doute et de lassitude.
"Vous feriez mieux de vous adresser directement à mes docteurs..." déplora Léo. "A part vous faire un inventaire exhaustif d'une flopée de douleurs exotiques, je ne vois pas bien en quoi je peux vous aider."
"Non, il ne pourra pas m'aider..." répondit l'Inquisiteur avec une expression indéchiffrable. "Rien d'anormal?"
Léo sentit monter une migraine. Quelque chose ne tournait pas rond, ce soir, décidément. Manifestement, un piège, un non-dit, un mystère se tenait entre lui et son interrogateur, et il se sentait ballotté par les courants sans pouvoir réagir.
"Tout est anormal, Inquisiteur. On m'a rapatrié de l'autre côté du pays, dans une ville que je ne connais pas, je dors dans un lit de plumes, je suis blessé, et je ne récupérerais jamais vraiment l'usage d'une de mes jambes. On a vu plus normal."
L'inquisiteur sembla hocher la tête, gêné, presque compatissant. Pourtant Léo commençait à se demander combien de ce personnage affable était réel, et combien était affecté. Il fut surpris de constater à quelle point il n'arrivait pas à lire ses rythmes étranges.
L'homme du nord, doucement, vint s’asseoir sur le côté de la table, laissant ses yeux se détacher du jeune homme, comme pour le laisser respirer. Et dieu qu'il respira mieux sans le poids de ces regards.
Un temps passa, semblant s'allonger démesurément. Léo sentait la tension qui montait en lui, et qui semblait emplir le silence tranchant qui s'était levé sur la pièce.
Finalement, l'Inquisiteur craqua, sans pour autant se retourner.
"On m'a demandé de vous accompagner à la cour du roi, à votre départ de Chèvreport. Au moins jusqu'à ce que vous y soyez adoubé. D'être a vos côtés en tant qu'escorte, et, j'en suis désolé, en tant qu'Inquisiteur. La Source peut avoir des effets secondaires.... mystérieux. Et il m'a été demandé de constater à quel point vous êtes sorti indemne de vos... mésaventures..."
Léo se crispa, manquant de bondir sur ses pieds par réflexe. Il abattit néanmoins sa canne sur la table, lassé et irrité à la fois dans un mélange grondant.
"Des effets secondaires?" cracha t-il d'une voix rauque, plein d'ironie, qui le surprit par ses accents blessés "Des fractures, des chairs déchirées. Des amis morts. Les voilà, vos effets secondaires."
Mais l'Inquisiteur ne se laissa pas démonter, et il planta un regard lourd dans les yeux de Léo, trahissant les débuts d'une tristesse. Alors, le jeune mousquetaire, dans l'insistance de ce regard, sentit monter un malaise plus subtil, plus profond.
"Dormez vous, Monsieur Borderouge? Ou les rêves prennent-ils le dessus sur vos nuits? Que voyez-vous, en regardant dans le miroir. Est-ce toujours vous? Vos souvenirs sont-ils clairs, ou sont-ils ceux d'un autre? Et dans tout ce qui a changé... N'y a t-il pas d'étranges coïncidences, des ombres tordues, des sensations nouvelles?"
Léo eut un mouvement de recul, alors qu'il fronça les sourcils, fouillant sa mémoire par écho aux mots de l'Inquisiteur. Dormait-il? Non. Plus vraiment. Ses rêves l'assaillaient hors du sommeil, et la peur de retomber dans ses vision rendait ses nuits impossibles. Et, bien sûr que son miroir révélait une ombre qu'il n'appréciait pas, aux cernes marquées, visage vieilli, changé.
Pour autant, tout cela ne figurait que les conséquences d'une blessure physique et mentale assez banale, au fond. De tels symptômes, il les avait vu cent fois traverser des hommes mille fois plus forts que lui. Et, parfois, les terrasser.
Mais il ne pouvait pas se laisser aller a y penser. Y penser aurait impliqué une introspection, une plongée dans ce qui avait été le fond de lui-même, jusqu’à cette fracture soudaine. A dire vrai, Léo avait peur, peur de n'y trouver que des choses brisées.
Et puis...
Il y avait ces moments. Ou il se mettait à trembler devant les images de cet assaut irréel sur les fortifications.
Pourtant... la mémoire des évennements de cette nuit, de cette nuit sur les remparts, de ce moment ou ils avaient donné l’assaut, dix ombres aux pouvoirs immoraux, face à un régiment de mousquetaires, d'hommes justes, ces souvenirs - qui auraient dû être exacts, gravés en lui par le tragique de l'existance - ces souvenirs lui échappaient.
Il avait survécu. Voilà tout ce dont il avait la certitude. Il avait tiré, encore et encore. Il lui en restait des images. Oui - Il se souvenait avoir tiré. Pas sur quoi, pas quand, mais le geste, gravé dans ses mains.
Mais après?
Il avait dû les prendre par surprise, les attirer dans les couloirs alambiqués de la forteresse, et ils avaient dû se croire invincibles, en ordonnant aux flammes et au vent.
Vraissemblablement, il avait du attendre. S'était sûrement dissimulé, avait piégé les couloirs, rampé hors de vue. Finalement, il avait fait écrouler une partie de la tour, et ils avaient été piégés vers leur mort... Voilà ce qu'il était parvenu à raconter.
Mais ce n'étaient en réalité que des conjectures.
Le souvenir - le vrai souvenir tel qu'on le conçoit - lui échappait toujours. Tout ce qu'il avait raconté, il l'avait extrapolé par déductions, par des bribes de souvenirs, et en voyant une partie de la maçonnerie du fort de Nil Vaz effondrée. Tout ce qu'il savait vraiment, en fin de compte, c'était qu'il avait survécu.
Et qu'ils étaient morts.
Ses ennemis.
Comme ses alliés.
Un temps avait-il cru que le souvenir lui reviendrait au delà des quelques bribes qui le hantaient. Mais il en avait petit à petit fait le deuil, mettant son amnésie partielle sur le compte de la douleur. Du temps. De la peur de chercher quelque chose en lui, et de n'y rien trouver.
La voix légèrement enrouée de l'Inquisiteur le tira de sa réflexion acerbe, le berçant d'une surprenante douceur.
"L'âme humaine est... influençable, Monsieur Borderouge. Au contact d'un trop plein de source, j'ai vu des corps et des esprits se briser. Des choses.... changer. Je ne suis là que pour vous accompagner. M'assurer que vous êtes encore... entier."
Léo ne trouva pas les mots, alarmé par cette nouvelle perspective. Finalement, ils s’échappèrent de lui sans qu'il les choisisse vraiment.
"Écoutez, je suis toujours moi-même, en plus fatigué... Je... je ne comprends pas ce que vous me demandez."
L'Inquisiteur haussa les épaules, et se leva. Sa démarche lente l'éloigna de la table, vers un coin de la pièce éclairé par un chandelier. Il sembla se perdre un instant dans l'observation d'un pan de mur. Mais quelque chose en lui semblait faire lentement surface, alors qu'il choisissait ses mots soigneusement. Son dos roulait comme la marée, à la cadence de ses respirations.
"Je serais-là."
"Pour m'observer."
"Oui."
Ses yeux. Encore. Deux regards. Pourtant, Léo parvint pour la première fois à respirer vraiment. Une graine d'outrage, germant en lui, le sortant de sa torpeur.
"Je vois... Pour savoir si le nouveau Chevalier du Royaume n'est pas une marionnette cassée. Pour être sûr que je ne me jetterais pas sur le roi en pleine cérémonie d'adoubement..."
"Si nous en sommes là, il est de mon devoir de vous aider à... prévenir. Mais à moins que vous n'ayez déjà senti des anomalies, l'affectation par la source est... rare. Très rare. Simplement, vos expériences passées exigent de l'Ethermetal - et donc des Inquisiteurs - une certaine... prudence."
Son passé. Léo eut du mal a ne pas rire.
Alors, le caporal Bainbeck les interrompit:
"Pas grand monde qu'est sorti vivant d'un assaut d'un contingent de Sourceliers impériaux, ces derniers temps. Pas banal!" interjection superbement inattendue ponctuée par le bruit sourd d'un livre qui se ferme.
Bainbeck leur adressa un regard entendu. L'inquisiteur fronça à peine les sourcils, comme surpris par cette intervention incongrue. Léo devait bien avouer qu'il partageait le sentiment, ayant jusque là complètement oublié la présence du petit homme.
"Oui" se reprit l'Inquisiteur, manquant de bafouiller. "Voilà."
"Si j'ai bien compris, avec un peu de chance, tout ira bien. Sauf si je me mets a hurler a la lune..."
"Et bien..." hasarda l'Inquisiteur, qui semblait tenté de désamorcer la tension ambiante "si vous hurlez à la lune en pleine possésion de vos moyens, tout va bien" il haussa les épaules.
"J'ai un oncle qui hurle à la lune. Très respectable." ajouta Bainbeck, ravi de pouvoir aider.
Léo déglutit
"Superbe."
Leurs trois regards se croisèrent en une danse incongrue.
Et, comme pour rompre l'ennui, c'est à ce moment là que l'aile nord explosa.
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