Chapitre 10
La salle était brillamment éclairée, mais des bâtons de lumières chimiques avaient été dispersés un peu partout. Le chef d'orchestre au-dehors ne prenait aucune chance et ne se fiait pas aux lumières, à l'électricité et aux données supposément fiables. Il était payé pour tuer ce type de monstre. Si les employés de la firme survivaient à l'alien, il était fort possible qu'ils soient exécutés pour ne pas reproduire le problème et pour éviter que l'information se répende. En attendant, leur présence était utile dans sa stratégie : il avait froidement décidé qu'ils serviraient d'appâts. Aucun de ceux qui étaient dans son armée n'avaient même cillé à une telle décision. Elle était en vérité inévitable.
Il était payé pour être parano, pas pour sauver une poignée de vie humaine. Avec ce genre de bébé à croissance rapide, il fallait penser en terme de population et de survie de la race à moyen terme. La perte de quelques dizaines ou de quelques centaines de vie n'avait pas d'importance si l'alien était massacré. C'était une erreur de croire le contraire.
Ses soldats balayaient constamment les murs, les plafonds, le plancher. Ils avaient obligés les scientifiques à s'asseoir contre chacun des quatre murs afin qu'ils puissent examiner la salle constamment, fournissant des yeux supplémentaires tout en restant hors du chemin des soldats. Pendant que les scientifiques et le personnel survivant étaient tenus à l'immobilité, ceux de la Weyland-Yutani étaient constamment en mouvements, le plus irrégulier possible. On aurait pu croire à une danse compliquée où leurs trajectoires respectives se croisaient, se mélangeaient, s'espaçait puis se rétrécissait. Il était impossible d'attendre une personne en un point donné. Mouvement et imprévisibilité. Le chef leur avait enfoncé la leçon dans le crâne.
Finalement, il advint ce qui devait arriver - selon tous les plans imaginables. La créature attaqua. Les soldats modifièrent à peine leur danse étrange quand un grincement de métal déchiré et le craquement de panneaux de plastique attirèrent leur attention vers le coin nord-est de la salle. Les armes se mirent à cracher leurs munitions. Balles vibrantes, balles traçantes, balles explosives. Les quatre ou cinq personnes de la zone étaient mortes ou en train de pousser leur dernier hurlement, soit à cause des balles, soit à cause de l'alien. Ça n'avait pas d'importance. Seul l'alien comptait.
Comme d'habitude - et c'était là un point remarquable quand on songeait que cette chose n'avait jamais été éduquée ou n'avait jamais été témoin d'une telle stratégie dans un tel environnement - l'alien avait attaqué comme un requin : rapidement, soudainement et était prêt à repartir aussi brutalement.
Mais les soldats avaient été entraînés à de telles tactiques, aux mouvements inhumainement vifs du monstre et ils avaient tendus leur piège avec soin. Dès que l'alien fit marche arrière pour repartir avec une victime qu'il avait paralysée de son dard, les mâchoires du piège se refermèrent.
La salle était simplement le coeur du piège et en une fraction de seconde, tous les systèmes placés par les soldats dans les salles adjacentes sur tout l'étage et sur les étages connexes s'activèrent, emprisonnant l'alien dans une cage infranchissable. Il pouvait déchirer les murs, crever les planchers, massacrer les humains à l'intérieur de cette cage, mais il ne pourrait jamais s'en échapper vivant. Des lasers spéciaux barraient l'accès à la moindre cachette, la moindre surface avait soudainement été doublée par des panneaux fabriqués à partir de cet étrange alliage qui résistait à tout... inspiré par la peau de l'alien. L'installation avait été faite comme par hasard en ne suivant aucun schéma reconnaissable. Les panneaux se relevaient ou tombaient en position pour recouvrir des pans de mur ou bien ils avaient été insérés dans la structure entre deux murs. Même un observateur averti n'aurait pu déceler le plan d'ensemble. Il était connu que les aliens avaient une compréhension quasi surnaturelle des pièges. Ainsi, même l'installation avait été réalisée de façon discrète.
L'alien, bien que blessé en trois ou quatre endroits, émit un crissement assourdissant qui témoignait de sa combitivité et abandonna sa victime pour sa propre survie. L'humain était mort avant de toucher le sol - naturellement.
Les soldats l'entendirent déchiqueter les parois et hurler de rage ou de douleur en se heurtant aux premiers lasers. Ils l'entendirent bondir à l'autre bout du corridor d'accès, tendant de se frayer un chemin à travers des parois de béton pour tomber sur la doublure hautement technologique qui ne cédait à rien. Ses griffes glissaient sur l'espèce de cahoutchouc, son acide ne trouait rien du tout.
Et quand enfin la bête crut avoir trouvé une voie d'évasion, ce fut pour se retrouver à nouveau bloquée... par une nouvelle paroi ultra résistante et par un groupe de personnes qui l'attendaient de pied ferme et armées jusqu'aux dents.
Ripley, Hicks, Robin et une demi-douzaines de soldats ouvrirent le feu. L'impact projeta la créature vers l'arrière et les éclaboussures d'acide ne les touchèrent pas. Une partie des autres soldats se déployèrent derrière l'alien et renforcèrent leurs tirs pendant que leurs collègues assuraient leurs arrières et veillaient à installer d'autres parois infranchissables.
La cage de l 'alien ne faisait plus que quelques mètres carrés. Et la bête était presque morte.
Robin aboya un ordre et des boucliers recouverts de cette peau spéciale se levèrent, tenus en place par les plus costauds tandis que les autres continuaient à tirer. Robin aboya un second ordre et un des soldats ajusta son arme avant de tirer une ultime fois. Les boucliers se levèrent et formèrent une carapace uniforme, protégeant tout le monde des éclaboussures acides.
La dernière balle transperça le front sans yeux de la créature et fit exploser le crâne en une pluie mortelle.
Durant deux ou trois secondes, le corps garda la pose, puis glissa soyeusement au sol. Les bras hideux et le corps étranger s'immobilisèrent pour l'éternité.
Ripley fit un mouvement, mais Robin la retint.
"Pas encore."
Il fit un signe et ses soldats tirèrent un filet qui enveloppa la créature avant de rétrécir durement les mailles et de désarticuler le corps. Elle était morte, mais Ripley crut à un soubresaut durant un instant. Robin hocha la tête : "Elle sera morte quand je le dirai, pas avant."
Le filet broya la créature en une masse informe puis quelqu'un jeta un liquide avant de donner un coup de lance-flamme.
"Là. Elle est morte." dit calmement Robin après une minute presque sacrée.
Ripley réappris à respirer. Hicks rabaissa son arme.
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