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Kidjidjinn[1], le site bien connu des magiciens, annonce trois miroirs magiques, mais le seul à la portée de ma bourse de débutante, si tentant qu'il soit, est accompagné d'une liste de mises en garde que la paresseuse en moi ne prend pas la peine de lire. Fait troublant, l'annonce date d'octobre 2016. Il me faudra user de ruse, le vendeur devant trier sur le volet les acheteurs intéressés. J'appelle. Le type qui me répond, tel que je l'ai pressenti, s'avère suspicieux comme une maman qui fait garder son nouveau-né par la petite voisine préadolescente.
- Vous avez ben lu, madame ?
- Bien sûr !
- C'est un objet unique, destiné à des sorciers espérimentés.
- C'est pour moi !
- Votre nom ?
- Mon nom ne vous dirait rien. J'ai fait ma formation en France, par correspondance.
- Ah, oui ? Et avec qui ?
- Sortilège Magyque.
- Connais pas.
- Ses cours sont réputés. Le miroir, je peux le voir, ou non ?
- Vous pouvez, mais rien dit que je vous le vendrai.
- Bien reçu !
Je me tape trente kilomètres de banlieues s'étalant entre des champs de blé d'Inde et des centres commerciaux dont les stationnements préfigurent les cimetières d'une société dont le consumérisme a remplacé la foi. On cherche l'espoir où l'on peut. Moi, je fais dans la magie. L'objet de mon futur envoûtement est un gars de Québec qui n'y vit pas, et qui s'initie depuis cinq ans au bouddhisme en Thaïlande entre deux sessions d'anthropologie. Il habite un shack dans le bois, pense à élever des poules, veut s'acheter un pied-à-terre à Montréal, sinon à Gatineau. Il prédit l'extinction prochaine de notre monde, décrie l'avènement du féminisme tout en faisant l'apologie de la femme orientale. Comme il accuse en plus dix ans de moins que moi, mes charmes déclinants ne sauront suffire à la tâche. D'où le miroir.
[1] Ne cherchez pas. Inspiré de Kijiji, un site d’achat et de vente canadien.
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