Chapitre II
Bonjour ou bonsoir, chère lectrice et cher lecteur !
Voici le deuxième chapitre, un peu plus long cette fois-ci.
Bonne lecture !
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22 novembre 2066, 10h30.
Evan Ostwood se tenait, droit, derrière une porte blindée, en acier, donnant sur les quartiers du Général de division, Evelyn. Il pressait contre sa poitrine, son blason doré, ultime tentative de ne pas céder à la peur. Sa nervosité était à son comble, son souffle court. La salle d'attente, dépourvue de fenêtre, aux murs blanc immaculés, n'apaisait pas le sentiment d'oppression qui s'emparait peu à peu de lui. Il ne pouvait s'empêcher d'observer du coin des yeux, les trois caméras de surveillance pointées sur son visage, comme une arme prête à faire feu. Il détourna le regard, mal-alaise dans ses bottes. Après quelques minutes d'attentes et ne voyant personne l'interpeler, il se laissa tomber lourdement sur une des chaises en mauvais plastique, misent à sa disposition. Ses yeux cherchèrent à se poser sur un point invisible tandis qu'il se remémorait sa première mission catastrophique. Personne ne survivait ou n'échappait à pas moins de 120 balles de pistolets-mitrailleurs, à distance réduite. C'était physiquement impossible. Et pourtant, la cible en question avait réussi à achever un tireur d'élite et par conséquent réduit la carrière militaire d'un homme en poussière, en seulement quelques secondes. Evan soupira bruyamment.
Son père avait raison. Il n'était pas fait pour jouer à la guerre.
Il avait toujours raison.
La porte d'acier s'ouvrit sur un soldat de premier rang, armé d'une HK21, une mitrailleuse polyvalente.
- Evan Ostwood ? Demanda-t-il d'une voix roque et dure.
Evan se leva et effectua machinalement le salut militaire. Ses yeux se posèrent immédiatement sur l'arme lourde que possédait son coéquipier. Son révolver de petit calibre - cadeaux d'anniversaire de sa tante - ne lui était d'aucune défense face à une arme de ce type. Il déglutit difficilement et un mauvais pressentiment s'empara de son cœur.
Le soldat lui fit signe de le suivre et Evan lui emboîta le pas sans dire un mot. Ils parcourent un long couloir, dans un silence religieux, tout aussi dépourvut de fenêtre ou ne serait-ce que d'une touche de couleur qui viendrait égayer l'endroit froid et hostile qu'étaient les locaux d'Erista. Leurs bottes claquaient sur le carrelage lisse tandis que la HK21 du soldat se balançait au rythme de leurq pas. Après une marche de quelques minutes, ils s'arrêtèrent devant une seconde porte blindée. Le soldat retira sont gant de cuire et pressa son pouce rugueux sur un digicode. Un scanner s'enclencha et l'identité du soldat apparut sur l'écran noir : Eliott Rodriguez était âgé de 27 ans, au service d'Erista depuis huit ans, marié depuis cinq ans, sans enfant. Il retira son pouce et remit rapidement son gant, sans un regard pour Evan.
Il ouvrit ensuite la porte et déclara d'une voix forte :
- Bonne chance, camarade !
Il salua Evan et sans attendre, le poussa à l'intérieur de la pièce, brutalement. Evan entendit la porte claquer et son rythme cardiaque s'accéléra subitement. Machinalement, sa main vint presser son blason contre son torse. Il bloqua sa respiration quelques instants puis la relâcha. Il répéta l'action pendant plusieurs secondes pour ne pas s'effondrer mentalement et physiquement.
- Eh bien, soldat, vous avez prévu de vous asseoir un jour ?
Evan releva la tête : deux yeux aux couleurs hivernales, impassibles, s'étaient plantés dans son regard. L'homme, de haute stature et au visage creusé par l'âge, lui indiqua son bureau, large, en bois massif où trônaient trois pilles de papiers ordonnées, une collection de stylos de luxe et un gobelet en plastique. Evan s'installa sur la chaise en plastique, avec méfiance tandis que le général Evelyn s'affaissait sur son fauteuil de cuire. Il entreprit par la suite de mettre en ordre sa collection de stylos, du plus petit au plus grand, sans porter aucune attention à son soldat. Evan surprit par son comportement inattendu, ne savait plus où se mettre et se contenta d'observer son chef s'affairer à son activité. Le dernier stylo correctement placé, le général releva enfin la tête, posant ses mains usées par le temps face à lui. Evan remarqua une cicatrice sous son œil droit et une autre au coin des lèvres.
- Evan Ostwood ? Demanda le vieil homme d'une voix rocailleuse.
Evan acquiesça, intimidé par les yeux vifs et profonds du général.
- Sais-tu qui je suis, Evan Ostwood ?
- Vous êtes le général de division Evelyn, en charge de la division des groupes commandos d'Erista.
Un sourire s'étira sur les lèvres du général et il tourna son lourd fauteuil face au mur.
- C'est à peu de chose près cela.... répondit-il d'une voix sourde. Bien, soldat, bien, on vous a bien éduqué.
Il tourna à nouveau son fauteuil, face à Evan. Son sourire ne l'avait pas quitté, laissant découvrir des dents blanches, parfaitement alignées. Evan ne put s'empêcher de penser qu'elles contrastaient fortement avec sa peau grisâtre et son visage informe. Il pressa ses mains contre ses cuisses. Il ne voulait en aucun cas perdre son sang froid devant le chef des groupes commandos.
- Sais-tu, Evan Ostwood, la raison de ta venue ?
Un silence pesant s'installa entre les deux hommes. Les yeux durs et glacials du général inspectaient Evan minutieusement. Le jeune soldat déglutit difficilement.
- J'ai fait rater la mission commando numéro 27, général, répondit Evan, la gorge serrée.
Un ange passa.
Sans aucune retenue, le général Evelyn éclata d'un rire gras, ricochant sur les murs épurés de son bureau. Ses dents scintillèrent sous la lumière des néons et ses sillons se creusèrent, déformant son visage cadavérique.
Evan, interloqué par sa réaction, ne sut que répondre. Mais, une fois, le fou rire du général passé, celui-ci reprit son sérieux devant un Evan perdu.
- Evan Ostwood, déclara le vieux général, posant son menton sur ses doigts osseux. Tu as de la chance que j'apprécie énormément ta tante, Caroline. Et tu as la chance qu'elle soit ta tante, sinon je ne donnerais pas cher de ta peau.
Evan resta pétrifié à l'entente de la remarque peu appréciable de son chef. Ne sachant comment réagir, il renchérit, blessé :
- Je vous livre simplement ma version des faits, général Evelyn.
Un nouveau sourire éclaira le visage de l'homme.
- Vous saurez à l'avenir, Evan Ostwood, que nous n'en avons que faire de votre avis.
Evan avala sa salive de travers et baissa le regard sur son blason. Le général, quant à lui, joua quelques instants avec son gobelet, puis lui tourna le dos.
- Vous n'êtes qu'un pion parmi d'autres, Evan Ostwood, dit il d'une voix lente. Votre statut "d'enfant pourri gâté" ne vous rends pas plus important que vos autres camarades. Votre maladresse n'aurait rien changée à la mission. Raphaël Hass en n'est l'unique et principal responsable. Vous n'êtes rien.
Evan digéra difficilement ces nouvelles informations. A peine six mois qu'il avait été recruté par la société qu'on le remettait déjà plus bas que terre. La mauvaise réputation d'Erista au niveau du relationnel n'était un secret pour personne. Chacun savait que leurs méthodes étaient discutables. Pourtant, aucune instance judiciaire ou administrative n'était assez puissante pour pouvoir les contraindre à une politique plus favorable envers leur personnel.
- Si je voulais, reprit le général d'un geste majestueux, je n'aurais qu'a demander à Eliott Rodriguez de vous fusillez maintenant et cela ne changerait rien à notre petite entreprise, Evan Ostwood.
Evan encaissa les paroles du général et la HK21 de son coéquipier lui revient en tête. Il ne tenait pas particulièrement à ce qu'une arme d'un tel calibre soit dirigée dans sa direction, ni aucune autres armes, d'ailleurs. Le sourire du vieillard s'agrandit et Evan baissa la tête sur son blason, le pressant à nouveau, comme une présence rassurante.
-Je doute que ma tante apprécie votre geste, dit-il silencieusement, plus pour son fort interieur que pour son général.
Le général semblait, d'ailleurs, ne pas avoir entendu la remarque d'Evan ou avait simplement décidé de l'ignorer.
- Evan... Chuchota Evelyn d'une voix doucereuse, si vous êtes ici, c'est pour une proposition bien spéciale...
Le jeune soldat ne prêta guère attention aux paroles du vieux général. Son attention était portée sur les battements de son coeur, dont le rythme était anormalement rapide et sur sa respiration saccadée.
Ce n'est pas le moment, Evan.
- EVAN OSTWOOD ! Hurla le général Evelyn, hors de lui.
Evan sursauta et le dossier blanc de sa chaise grinça.
- Ou...Oui, général Evelyn ?
- NE BALBUTIEZ PAS ! Hurla de nouveau le vieil homme, écrasant son gobelet entre ses phalanges osseuses.
- Oui, Général Evelyn, reprit Evan, terrifié par l'homme qui se trouvait face à lui.
Le peu de cheveux que possédait le général s'étaient dressés sur sa tête et ses cicatrices paraissaient plus rougeoyantes que jamais. Pourtant, aux paroles du jeune soldat, il parut s'adoucir et son sourire habituel réapparut.
- Vous êtes un bon soldat, Evan Ostwood, un bon soldat.
Sa bouche remplie de dents s'agrandit davantage, lui donnant l'allure d'un monstre de contes de fées. Il claqua des doigts et un homme, de petite taille, en costard cravate apparut dans son champ de vision. Ses mains boudinées portaient un plateau sur lequel était disposée une bouteille de vin de qualité et deux verres. Il disparut aussitôt le plateau posé sur l'immense bureau du général.
Celui-ci prit la bouteille, l'ouvrit sans difficulté et en versa le contenu dans chacun des verres. Il indiqua à Evan de se servir. Le jeune homme hésita un court instant, puis finalement, porta le verre à ses lèvres.
- Ne vous inquiétez pas, soldat, ce n'est pas du poison. Ce n'est pas mon genre. Je préfère la manière, disons, radicale.
Sans signes avant coureurs, Evelyn sortit d'un de ses tiroirs, un MP45 (revolver de petit calibre), le braquant sans hésitation, entre les deux yeux du soldat. Son sourire, si ceci fut possible, s'agrandit jusqu'aux oreilles.
Cette convocation prenait une tournure inattendue.
Evan pétrifié, reposa son verre de vin sur le bureau, sans quitter du regard, l'arme pointée dans sa direction. Son coeur s'emballait dangereusement dans sa poitrine et la peur battait furieusement dans ses veines. Evan ne se considérait pas comme une personne particulièrement courageuse. Et dans cette situation extrême, il était préférable pour quiconque de se résigner et attendre que son supérieur décide de son sort. Mais Evan avait reçu, comme tout soldat au service de Erista, une formation de combat, il savait donc se battre. Il connaissait aussi cette furieuse manie d'Erista d'éliminer le maillon faible sans qu'il n'y ait de remise en cause de leurs actions barbares. Il savait donc également qu'Evelyn n'hésiterais pas à tirer sur lui, qu'il se défende ou non.
Deux choix se présentaient donc à lui : Soit, Evelyn tirait et il tomberait raide mort sur le carrelage sans que personne ne le sache, soit il devra se défendre, au risque de mourir pour violation du règlement et agression sur son supérieur.
Dans les deux cas, il mourrait. Le choix fut donc vite fait et Evan s'empêcha de penser plus loin.
Il agrippa férocement le bras osseux d'Evelyn, à l'instant où celui-ci appuyait sur la détente de son révolver. Le cou de feu partit, la balle claqua dans l'air et vint s'écraser dans le plafond blanc de son bureau. Evan se leva brusquement, renversant au passage, sa chaise en plastique qui se fracassa sur le sol. Il tenait toujours fermement le bras du Général. Une deuxième balle partit se loger dans une armoire en bois massif dans un bruit sourd. Il sauta sans hésitation sur le vieil homme. Les deux hommes s'écrasèrent contre le carrelage, amenant le siège en cuire dans leur course infernale. Le général, le souffle coupé sous le poids de Evan, enfonça le bout du révolver sur le front de celui-ci, prêt à lui faire exploser la cervelle.
Evan s'immobilisa immédiatement, prit de court.
- Vous savez que je pourrais vous faire tuer pour cela, Evan Ostwood, déclara le vieil homme, sa poitrine se soulevant difficilement.
Evan était paralaysé : un seul geste de sa part et Evelyn le descendrait sans aucune hésitation. Son blason doré, épinglé sur sa veste lui revint en tête et après un long moment, il soupira et se leva, rendu, les mains derrière la tête. Evelyn ricana et se releva à son tour, avec difficulté. Une fois de nouveaux sur pied, il entreprit d'épouster son costume gris.
- Finalement, vous n'êtes peut-être pas...
Evelyn n'eut le temps de finir sa phrase qu'Evan lui asséna un coup de pied dans les côtes. Le lieutenant, prit par la surprise, se plia en deux et lâcha un cri de douleur. Il se laissa tomber lourdement sur ses genoux, le souffle court, le revolver à seulement quelques mètres de lui. Evan sauta sur l'occasion pour s'en emparer et le pointer en direction de son supérieur.
Il tenait fermement le MP45, tremblant comme une feuille, mais déterminé. Il ne pouvait plus reculer maintenant. Il avait son doigt posé sur la gâchette. La question de ce qu'il se passerait ensuite ne l'effleura qu'un instant.
Le général Evelyn, rigola nerveusement et leva les mains en signe de paix.
- Voyons, voyons, calmez vous, cher ami.
Il se releva et pesta contre son costume taché. Il sourit à Evan même si celui-ci braquait toujours avec détermination, le révolver dans sa direction.
- Asseyez-vous, Evan Ostwood, dit-il d'une voix calme. Il désigna la chaise en plastique gisant sur le sol d'un geste désinvolte. Evan ramassa avec prudence la chaise, le révolver toujours pointé dans sa direction.
Evelyn remit son siège en cuire d'aplomb et s'affala lourdement dessus, fatigué. Il grimaça de douleur lorsque son dos émit un craquement sonore.
- Vous pouvez baisser votre arme, dit il en à l'intention d'Evan. Je ne vous ferai pas de mal.
Un sourire narquois apparut sur son visage. Evan resta un instant figé, analysant la situation. Si il tirait, la possibilité de s'enfuir était très mince. Eliott, Le soldat, devait tenir la garde derrière la porte et il n'hésiterait pas à tirer en cas d'incident.
Il jeta un coup d'oeil nerveux autour lui et son regard vint se poser sur la petite caméra, en haut à gauche, qui clignotait dangeureusement. Il était probablement filmé.
Il regarda de nouveau Evelyn : son sourire était toujours éclatant, mais il semblait s'être quelque peu ternit sur les bords.
C'était une mascarade.
Si le général aurait vraiment eu l'intention de l'abattre, il serait probablement mort à l'heure qu'il était, tuer par la HK21 de son coéquipier.
Idiot, c'était une mise en scène et tu n'as pas été capable de t'en apercevoir.
Il posa lentement l'arme sur la table, à porter de ses mains. Le général souffla de soulagement et posa ses coudes sur la table en bois massif.
-Maintenant, parlons de choses sérieuses.
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