Quand la vague mange tout
Je m’enroulais désespérément telle une liane de chair et de sang autour de cet arbre sans feuilles, courbé par les tempêtes à répétition. Avez-vous déjà vu un arbre saigner ?
Mon corps comme le tien est fait de peau, d’os et de sang.
Un arbre est fait d’écorce, de racines et de sève. Mais l’arbre auquel mon corps s’agrippait était de sang.
Mes ongles s’enfonçaient dans sa chaire, griffaient le bois noir, s’arrachaient presque à trop gratter. Et le vent soufflait à en briser le ciel. Les larmes de Dieu fouettaient ma peau, et cette pluie aux airs de fin du monde se mélangeait à mes propres larmes.
Des larmes qui se transforment en armes qui brisent l’âme.
La peur de mourir avait pris le dessus sur tout le reste et me forçait à m’agripper toujours plus à cet arbre mortuaire. Du haut de la colline je pouvais entendre les cris des mourants dans les plaines.
Le vent soulevait ma robe tachée de sang jusqu’à mes hanches, parfois plus haut. Impudique, seul vivre m’importait.
Pourtant je savais que je ne pourrai pas survivre à ce raz de marée. Il emporte tout, déchire les corps, les volent à jamais.
Je refusais de me résoudre à l'idée que j'allais, moi aussi, me retrouver immergée. Alors à la vision de cette vague de sang, de larmes et de boue, je resserrai ma prise. L'arbre craqua, lui même semblait avoir peur.
Le choc nous emporta tandis que, toujours agrippée telle une désespérée, je me répétais de garder ma respiration, que je pouvais m'en sortir, que je devais tenir bon.
L'eau si sombre me fit croire que j'étais devenue aveugle. Elle était froide, visqueuse, et lourde.
Souvent les gens qui racontent une noyade disent que l'eau est silencieuse. Pas ici. L'eau hurlait.
Tout mon corps me brûlait, et mes forces m'abandonnaient. J'avais peur. Et ce ne fut qu'à l'instant où l'eau commença à s'infiltrer dans mes poumons que je compris.
Que c'était aujourd'hui… le jour de ma mort...
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