40.4.9
Deuxième entrée de ce journal. Je ne sais pas pourquoi je me prête à ce jeu, comme presque tous les autres. Les officiers ont dit aux soldats d'en tenir un, je crois que c'est pour rester concentrés, pour garder le fil, ne pas désespérer ou un truc comme ça.
R.A.S. Pour la nuit dernière. Aujourd'hui, il a plu. Les grottes des Célestes sont de bonnes cachettes, mais elles rappellent aux plus vieux de mauvais souvenirs. Le moral baisse à mesure qu'ils racontent leurs anecdotes, du temps de l'occupation par les Mehdacins et des mines de pierres de magie. Ces montagnes portent le sang et les larmes de nos ancêtres, et voir à nouveau courir sur nos terres un peuple ennemi...
Les Garde-morts sont peut-être les plus anciens ennemis de Kerth. Nos vieux récits parlent des monts de Chim et des batailles incessantes contre ces démons. Mais à ma connaissance ils n'ont jamais quitté leur île, de l'autre côté de la banquise. Je n'en ai jamais vu personnellement ; nous avons évacué Garric avec les civils avant qu'ils traversent. Ma soeur est restée là-bas pour servir de renforts aux quatre forteresses sur les sommets : Rissac, Brolak, Arssac et Trenika. Les éclaireurs parlaient de plusieurs miliers de Garde-morts ; je ne sais pas ce que ça représente.
Arlenxar, mon binôme, me les a décrit. Il a été stationné à Trenika, au cercle dernier ; ils en ont croisé lors d'une excursion sur les versants est. Ce sont des géants de plusieurs mètres de haut, la peau noire et craquelée, comme brûlée, une gueule plein de dents pointues. Ils se nourissent de la chair des leurs qui ont péri, et ils portent les crânes de leurs anciens comme casques. Ils combattent avec les os de leurs frères tombés, ou avec les armes récupérées sur ceux qu'ils ont vaincus. Ce sont les créatures les plus abjectes de Panium. Arlenxar me parle souvent de sa frustration de n'avoir pas encore eu l'occasion d'en tuer un de sa lame. Je me demande comment il ferait, face à un Garde-mort, avec les cure-dents qu'on nous donne pour combattre.
Arlenxar vient de m'interpeller. "Tu parles de moi ?", il m'a demandé. "Ouais, je raconte comment t'as fauché une cruche de bière dans la réserve", je lui ai dit. Il a rit. Mais c'est vrai, il a embarqué une pinte. "Pour nous cette nuit", il a dit.
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