La Clef bleue
La clef bleue
Je voulais faire du rangement. La maison était dans un tel état. Le printemps bien avancé. Avant mes vacances, je souhaitais me rendre au grenier pour y faire l’inventaire de ce que j’allais garder ou jeter.
Après avoir parcouru dans cette grande demeure, de longs couloirs endimanchés de boiseries en pitchpin, je regardais au travers des fenêtres, le jardin aux alentours, remplis de roses rouges, déjà en fleurs. Je pensais qu’il me faudrait faire en redescendant, un beau bouquet à mettre dans la grande entrée.
Tout au fond du corridor, se trouvait un escalier en colimaçon. il était en fer forgé, joliment dessiné par un jeune artiste de talent, qui en avait réalisé de jolies volutes d’inspiration Art nouveau.
J’adorais cet escalier si finement travaillé.
Tout en haut, j’introduisis une lourde clef. Je lui fis faire un tour, pour visiter cet endroit où je ne venais quasiment pas.
Il régnait dans cette sorte de caverne d’Ali Baba une odeur de poussière ancienne, mélangée à de bien vieux souvenirs !
Dans un coin un vieux cheval en bois, quelques caisses, où se trouvaient entassés de vieux magazines récupérés lors du décès de ma grand mère ! Un mannequin trônait dans un autre endroit sous ce toit, en tissu, utilisé par elle pour les robes qu’elle confectionnait pour les dames des alentours, et ceci uniquement pour son plaisir. Des bibelots par ci par là, d’anciennes bouteilles gardées je ne sais pour quelle raison, et aussi un tandem entièrement rouillé.
Il m’aurait fallu beaucoup de temps encore pour en faire le tour, lorsque mon regard fut attiré par une malle nichée presque cachée sous la pente. Elle était striée, usée par le temps, et toute en cuir. De jolies poignées avaient fait leur temps. Ma curiosité allant grandissant, j’en ouvris le couvercle.
De la lingerie féminine, un compas, une boussole, une petite boîte que j’ouvris pour y découvrir quelques cahiers que je mis sur le plancher.
Tout en dessous un grand drap que je dépliai. Il y était brodé en style renaissance deux belles initiales L et M., une vieille poupée de porcelaine, qui portait aux lèvres un sourire si doux.
J’ouvris ensuite les pages d’un de ces cahiers. Je parcourais et découvrais les phrases, les mots et mon cœur stupéfait, lus ceci :
Bien cher Louis,
Je viens d’apprendre que vous devez partir en voyage d’affaires. J’attendrai votre retour en décomptant les jours, mon cœur suspendu au temps qui passera trop lentement. Avant votre départ, ce léger baiser que vous avez déposé sur mes lèvres frémissantes, j’en garde à ce jour toute la saveur. Ni la musique ou la visite de mes amies n’arrivent à me distraire de votre absence.
Seules les promenades le long de la plage me rapprochent de vos pensées. La solitude, le ressac des vagues sont autant de souvenirs communs. Le châle qui entoure mes épaules garde la trace de votre odeur que je respire dans l’intimité de ma chambre.
J’ai cueilli aujourd’hui quelques roses encore ouvertes en cette fin de saison si douce. J’ai tremblé les sentant sur mon visage, si caressantes.
Je vous attends mon doux ami avec l’impatience que vous suspectez déjà chez moi.
Votre Maddy dévouée.
Le 1er novembre 1913
Ensuite, je découvris un autre papier faisant part du décès d’un Louis Bernard au
Chemin des Dames.
J’essuyai une larme qui perlait au bord de mes cils. L’émotion me submergea.
Novembre 2011 Défi d'écriture
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