McPherson ne s’était pas trompé. La route qui menait au campement se rapprochait de l’impraticable. Des ornières frottaient parfois l’essieu et Rick avait déjà obligé Nakata à sortir deux fois pour désencombrer le passage des roues. Il s’était acquitté de la tâche sans broncher et avec pas mal de logique. Rick avait adouci son jugement et pensait que c’était un bon jeune. Il n’irait pas jusqu’à s’excuser de l’avoir traité de fainéant mais savait qu’il pouvait au moins compter dessus pour exécuter le boulot de larbin.

Après quelques minutes à gravir la montagne, à se dire que le pire était passé, le pick-up vira brusquement à droite avant de se figer sur place.

— Putain de merde ! pesta Rick en cognant sur le volant. Hank, à ton tour.

Ce dernier ne trouva rien à rétorquer. D’une part parce que Rick lui fichait la trouille, et d’autre part parce que Nakata n’avait pas bronché lors de sa seconde sortie, alors qu’il aurait très bien pu signifier que ce n’était plus son tour.

Il quitta le véhicule et commença à déblayer la terre à mains nues. Elle était lourde et compacte. Ça lui rappela l’été dernier, lorsqu’il s’était attaqué à la restauration de sa descente de garage et qu’il avait laissé trop longtemps le béton malaxer dans la bétonnière. La faute à une chiasse soudaine qui l’avait cloué sur le trône pas loin de vingt minutes. Quand il était revenu, les pales hurlaient de douleur et le moteur s’apprêtait à serrer. Quant au béton, il était… compact.

Il fit un signe à Rick d’accélérer. Ce dernier enfonça la pédale et de la boue gicla dans tous les sens.

— Va moins vite, beugla Kennedy.

Rick fit semblant de ne pas entendre et appuya davantage. Il fallait bien mettre du gaz pour se sortir de ce pétrin. Le pick-up chancela de droite à gauche et parvint à se défaire de son piège. Par sécurité, Rick avança de quelques mètres pour trouver une zone saine. Lorsque Kennedy vint ouvrir la porte pour remonter à bord, Nakata explosa de rire en voyant son collègue couvert de brun de la tête aux pieds.

— Ça te fait marrer pauvre con.

Il trouva un chiffon dans le vide poche de sa portière et se tamponna le visage. Rick observa la manœuvre sans ciller avant de lancer :

— Tu nettoieras aussi la banquette où tu poses ton cul. J’veux pas d’histoire avec McPherson quand je rentre.

Kennedy serra les dents mais put se consoler lors des dix dernières minutes de trajet, puisqu’ils n’eurent pas à s’arrêter à nouveau.