2.
Dana se réveilla avec la gorge aussi sèche que si elle s’était endormie sur un transat en plein soleil.
Elle consulta sa montre : 5 h 30. Comme elle avait plutôt bien progressé la veille, elle hésita entre refermer les yeux et les rouvrir quand bon leur sembleraient et se lever, avaler quelque chose à boire et reprendre la route.
La seconde alternative l’emporta et Dana se redressa. Elle s’était écroulée toute habillée sur le lit et se sentait sale dans ses vêtements. Elle rejoignit la salle de bain et fut étonnée d’entendre aussi fort le bruit de l’eau qui coule venant de la chambre voisine. Une véritable cascade. Mais c’était le principe de ces motels : les gens arrivaient à n’importe quelle heure et vivaient leur vie comme s’ils étaient les seuls de l’univers, quitte à réveiller tout le monde en claquant les portes, en mettant le son de la télé à fond ou en prenant une douche en plein milieu de la nuit.
Une fois nue, elle entra dans la cabine et laissa longuement le jet bouillant lui couler sur la nuque. Elle repensa à son adolescence, lorsque sa mère hurlait depuis le salon qu’elle se magne à sortir, car l’eau n’était pas gratuite. Vieille peau ! Déjà à cette époque, Dana ne trichait pas et n’exagérait jamais sous la douche. Son frère Jack, en revanche, ne se gênait pas. Dana avait longuement payé pour lui. Elle avait eu beau dire et répéter qu’elle ne restait pas plus de trois minutes sous l’eau, sa mère ne la croyait jamais, affirmant même que c’était bien un truc de bonne femme d’utiliser la salle de bain durant des heures. Pas de mec.
Depuis, Dana traînait en longueur. Mais pour de vrai.
Elle se sécha, s’habilla et abandonna sa chambre pour rejoindre le hall du motel, bien décidée à boire et à manger un truc qui lui permette de tenir les trois heures de route qui lui restaient. Au passage, elle déposa ses affaires dans le coffre de sa voiture. Dehors la clarté augmentait petit à petit. La journée s’annonçait plutôt sèche.
Elle se présenta à l’accueil. La pièce était froide et austère. Depuis des enceintes plafonnières grésillantes, les Beach Boys chantaient en l’hommage du voilier John B..
Le type qui lui avait vendu la chambre s’occupait également de servir au mini-bar. Un grand bonhomme avec une coupe en épis. Il avait le visage tout effilé comme si on l’avait pressé dans un étau.
— S’il vous plaît, lança Dana.
Il passa derrière le bar et se contenta d’un regard pour lui donner son attention.
— Vous avez quelque chose à manger ?
— Je peux vous réchauffer un hot-dog au micro-onde.
— Vous n’avez rien d’autre ?
— Des Oreos. Ça fera deux dollars le paquet. Si vous voulez autre chose, y’a des restaurants qui doivent déjà être ouverts dans le centre-ville.
Dana suivit le doigt du type qui indiquait la direction de Bozeman.
— Allons-y pour les Oreos alors. Vous avez du café au moins ?
Il attrapa un thermos dans un placard et remplit une grande tasse.
— Merci.
— Autre chose ?
— Un grand verre d’eau.
Sans trop se casser la tête, le type glissa un verre dans l’évier et ouvrit le mitigeur sur la position « froid ».
— Voilà. Ça fera cinq dollars.
Ça faisait rudement cher pour un verre d’eau du robinet, du café de la veille et des biscuits industriels, mais elle déposa un billet de cinq.
Dana croqua dans le cookie. Il était mou et pâteux. Elle observa l’emballage. Périmé depuis deux ans. Elle eut envie de s’en plaindre mais le type était déjà retourné à l’accueil de son motel crasseux.
Le café quant à lui avait le mérite d’être chaud mais était franchement infect. Son retour dans le Montana commençait mal.
Alors qu’elle allait partir sans rien consommer davantage, un paquet de milky way atterrit juste à côté d’elle. Puis une voix proposa :
— Vous en voulez un ?
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