Chapitre 7
Asher avait quitté son appartement, définitivement dépassé par les récents événements. Il avait trouvé refuge chez Sulo, qui n'habitait pas loin de son immeuble et accepta de l'héberger sans souci.
— Ils ne sont pas méchants, loin de là, mais ils sont plutôt envahissants pour ne pas dire intrusifs.
— Hmm. Tu veux du fromage sur tes pâtes à la bolognaise ?
— Sulo ! Je suis sérieux ! Tu m'écoutes depuis tout à l'heure ?
— Pour être honnête, à moitié. Franchement, où est le Asher qui s’amuse de n’importe quelle situation ?
Les yeux de Asher s'écarquillèrent et sa bouche s'ouvrit en grand avant de se mordre légèrement la lèvre inférieure.
— Tu as raison. Je n’étais pas prêt à les voir débarquer. Avec la distance et l’océan, on ne se côtoyait plus. Ça doit être pour ça.
— Si tu le dis. Sinon, fromage ou pas ?
— Bon, je dois dire que j’ai toujours été mal à l’aise avec leurs questions sur mon intimité. Je te passe les scènes où je voulais disparaitre tellement j’avais honte.
— Eh oh ! Je te pose une question. Fromage ou pas ?
— Si j’étais quelqu’un de l’extérieur, ça m’amuserait sûrement, mais là…
— Asher !
— Quoi ?
Lassé, son ami se contenta de pointer le sachet de gruyère râpé.
— Je veux bien, s'il te plaît.
— C'était laborieux, commenta Sulo.
Après cela, les deux hommes se mirent à table. Sulo possédait une table ronde en bois avec un pied bien plus court que les autres. Il y avait donc placé une encyclopédie pour la rééquilibrer. Pour le reste, il avait aménagé son appartement comme Asher, étant donné que leur habitation était agencée de la même manière. Il s'était ouvertement inspiré de celui de son ami, car il trouvait celui de Asher spacieux malgré la surface assez restreinte. Sulo ne relança pas la discussion qu'ils suivaient jusque là, mais partit sur le récit d'une des ses nombreuses aventures, en espérant que Asher se change les idées. Par conséquent, il raconta un rendez-vous qui avait eu lieu le matin même. Asher manqua très vite de s'étouffer parce qu'il riait.
Les deux amis avaient passé l'après-midi à discuter et à rire. Asher donna entre autres quelques conseils à Sulo, bien qu'il se doutait qu'il ne les appliquerait pas. Il disait préférer la spontanéité. Ils firent alors des jeux de rôle pour le mettre en situation. Sulo était censé en ressortir préparé, il finit plutôt avec les yeux rouges et dans l'incapacité de lâcher la moindre larme, tout comme Asher, tellement ils avaient ri.
Ce dernier resta dîner. Toutefois, lorsqu'il fut vraiment tard, une question se posait : qu'allait-il faire ? Rester et coucher chez son ami ou rentrer dans son appartement envahi par sa famille ? Le choix fut rapide, bien qu'il eut peur de déranger Sulo.
— Pour cette nuit, l'hôtel est ouvert. Par contre, ne compte pas squatter ici indéfiniment. Je t'adore, ça n'a rien avoir à ça, mais...
— Ne t'en fais pas. Je vois ce que tu veux dire. Tu veux être tranquille de temps en temps et garder ton intimité.
— Hein ? Pas du tout. C'est surtout que si je ramène quelqu’un ici, tu ne peux pas être là.
— Oui, c’est…
Asher en rit.
— C’est ce que je voulais dire, mais de manière plus implicite.
— Pourquoi faire ? On est entre nous. Et si je voulais être direct, je dirais que tu ne peux pas être là si je suis dans la pièce d’à côté en train de…
— Non ! Arrête-toi là ! J’ai l’idée. Même trop. Argh !
Après de nombreux autres rires, Sulo se mit à bailler. Cela signifiait qu'il fallait se coucher. Celui-ci se coucha dans son lit, après que Asher ait insisté lourdement et ce dernier occupa le canapé.
Le matin, les rayons du soleil réussirent à s'immiscer dans l'appartement. Asher en fut réveillé et, le temps qu'il s'adapte à la luminosité, il aperçut Sulo à table, en train de prendre son petit-déjeuner. Il était déjà habillé et avait coiffé ses cheveux bruns en bataille.
— Eh bien, je te pensais plus matinal, avoua-t-il entre deux bouchées.
— Il est confortable ton canapé, ça doit être pour ça.
— Évidemment... Bon, je t'ai laissé la salle d'eau si tu souhaites te laver avant de partir au travail. Tu as de quoi manger sur la table et pour ce qui est des vêtements...
— Je peux garder ceux que je porte, affirma Asher.
— Oui, ce que tu portais, rectifia son ami. Je vois que l'on s'est dénudé pendant la nuit. La couverture n'est pourtant pas si épaisse.
— Je n’allais pas dormir tout habillé non plus. En plus, mon ventre a bien senti les pâtes bolognaises passer.
— Peu importe, tu ne peux pas garder tes chaussettes, ton caleçon et ton T-shirt.
— Il faudrait que je repasse chez moi, conclut Asher, mais…
Il lut l’heure sur l’horloge accrochée au mur.
— Entre trouver ce dont j’ai besoin et discuter avec mes parents puisque je ne vais pas les ignorer, je risque d’être en retard.
— Ça m'embête un peu, mais... tu peux te servir de ce que j'ai.
— Tu es un vrai ami.
— Débarrasse-moi le plancher avant que je ne change d'avis. Et pas touche aux chemises ! Elles sont réservées aux grandes occasions !
Asher savait pertinemment qu'il ne pensait pas ce qu’il disait, sauf pour les chemises, mais il se pressa tout de même.
Une fois propre, habillé et rassasié, il quitta l'appartement de son ami et partit en direction de la crèche. Sur le chemin, il reprit son jeu avec les pavés. À la crèche, il fut accueilli par Flavie.
— Eh bien, tu as mal dormi ? Regarde-moi cette tête de déterré.
— Ne m’en parle pas. Ha ha !
Sulo avait raison. Il était bien l’une des rares personnes à savoir en rire, que ce soit exagéré ou non.
— Si ça peut te rassurer, tu seras encore plus exténué après le passage des petits.
— Je le sais bien. Ça me fait déjà sourire, tu vois ça ?
Les bébés arrivèrent au compte-goutte et le bâtiment reprit vie. Il y avait de nouveau des rires, des pleurs et des cris. Ils avaient manqué à Asher qui était, là aussi, dans son élément. Tout semblait se dérouler parfaitement jusqu'à ce que Keaton fasse des siennes. Son attitude était comme en fin de semaine précédente, voire pire. Il arrachait les jouets des mains de ses camarades, les mettait dans sa bouche avant de les lancer partout. Il criait à plein poumon quand on le tenait dans ses bras et crachait par terre. Flavie entra dans une rage que même Asher n'avait jamais vu malgré toutes ces années passées ensemble. Elle prit son fils à part dans le jardin et le sermonna. Les autres enfants ne faisaient plus un bruit avant qu'ils ne reviennent.
Le reste de la journée se déroula plutôt bien, si l’on relativisait. Hormis Keaton qui était resté exécrable, les petits s'étaient tenus à carreau. Lorsque le dernier quitta la crèche, Asher ne put s'empêcher de s'affaler sur l'un des mini-fauteuils. Il souffla un grand coup et la fatigue s'abattut subitement sur lui. Il ne bougea pas d'un poil quand Flavie s'apprêtait à partir avec son fils.
— Repose-toi bien surtout, lui souhaita-t-elle. Ce démon n'a pas été tendre avec nous. Je ne sais pas ce qui lui prend. Il se comporte normalement à la maison. C'est son père qui va être déçu...
Elle se mit à baisser la tête, honteuse.
— D'ailleurs, je suis désolée pour l'accrochage avec Neidhart, hier. J'essaie de lui faire comprendre, mais c'est plus fort que lui.
— Ce n'est pas à toi de t'excuser, rassura son ami. Personne ne doit s'excuser. Je trouve ça touchant en fait. Ça montre qu'il tient énormément à toi.
— Tu dois avoir raison. Pourtant, j'aimerais que vous vous entendiez. Je pense que vous pourriez vraiment être de bons amis.
— Si c'est le cas, ça se fera naturellement.
— J'espère. Passe une bonne soirée.
Alors qu'elle quitta la crèche avec Keaton, Asher se décida de partir lui aussi. Toutefois, il ne savait pas où aller. Chez lui ou chez Sulo ? En semaine, il n’avait pas l’occasion de passer du temps avec son ami. Ainsi, la deuxième option prévalut. Il fit donc le trajet inverse à celui du matin et entra dans le bâtiment de Sulo. Quand il arriva au bon étage, il fut surpris de retrouver un mot collé sur la porte.
Salut Asher
Désolé mais pour ce soir ça va pas être possible. J'ai réussi à avoir un rdv et qui sait comment ça se terminera ? Je prends donc pas de risque et préfère te prévenir. Passe une bonne soirée de ton côté.
Ton ami qui ne te lâche pas du tout
Sulo
— Mince ! Bon, je suis content pour lui, mais moins pour moi.
Il resta muet pendant un très court laps de temps.
— C'est peut-être une bonne chose après tout. Il faut bien que je retourne dans mon appartement à un moment donné.
Ainsi, il se dirigea cette fois-ci en direction de son immeuble, non sans s'imaginer le pire. Dans la cage d'escalier, il n'y avait aucun bruit. Sur le palier, toujours aucun. Il posa sa main sur la poignée et la tourna lentement, craintif. Il s'attendait à voir le chaos de l'autre côté.
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