Chapitre 19
Le bébé dormait là, dans le petit lit de l’hôpital, sous le regard vide de ses parents. Tout avait été très vite. Si vite qu'il n'y avait eu le temps pour aucune question. Ils avaient été emportés par cet événement et ce ne fut que quand ils furent seuls avec l'enfant qu'ils se rendirent compte de la situation. Ils étaient seuls avec leur enfant.
Asher tentait d'avoir un contact visuel avec Vénus, mais celle-ci fixait l'humain miniature.
— Ah… ces fichues dates de péremption…
— Je ne te le fais pas dire.
Elle soupira, épuisée.
— Je n’arrive toujours pas à y croire.
— Un déni de grossesse, compléta Asher. Je savais que tu pouvais nier tes sentiments pour moi, mais de là à nier un bébé dans ton ventre…
Elle lui adressa un sourire faussement hypocrite et il le lui rendit. Il s'assit alors sur le lit de la maman, lui prit la main et lui sourit, cette fois avec une bienveillance sincère.
— Tu ferais mieux de dormir. Tu dois être épuisée.
— Ça ne sera pas compliqué. J'ai déjà du mal à garder les yeux ouverts.
En effet, quelques minutes plus tard, elle s'assoupit à son tour. Asher, quant à lui, s'approcha du bébé pour le regarder de plus près. Petite tête, petit nez, petite bouche, petites mains et petits pieds. Il en avait vu plein auparavant. Cependant, celui-ci avait la plus belle petite tête, le plus beau petit nez, la plus belle petite bouche, les plus belles petites mains et les plus beaux petits pieds.
— Je suis papa. Ha ha. Je suis papa.
Il lorgna sur Vénus.
— Je suis papa, dit-il avec un large sourire.
***
Après le séjour à la maternité, la petite famille logea dans l’appartement d’une amie de la chanteuse à Rosythéa. Ce logement faisait office de bulle avant de retourner dans leur vie quotidienne. Ainsi, tandis que le bébé dormait dans un petit lit qu’ils avaient acheté quelques heures auparavant, les jeunes parents se posèrent sur le lit de la chambre.
— Alors ? Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Asher.
— Comment ça ?
— Pour le bébé. On le garde ? On le jette par la fenêtre ? On l’appelle « le bébé » jusqu’à sa majorité ?
Vénus soupira, amusée, puis tritura ses doigts.
— C’était inattendu, c’est vrai. Pourtant, j’ai, personnellement, envie de le garder. Je me sens capable de m’en occuper. Surtout quand je sais que j’aurai un papa incroyable pour me soutenir. Je suis partante pour me lancer dans cette aventure avec toi. Si tu le veux bien, évidemment.
Elle releva la tête et vit Asher qui tentait de sécher ses larmes.
— Quelque chose ne va pas ? Tu ne te sens pas prêt ?
— Au… Au c-contraire. Je suis t-trop c-content.
Attendrie, elle le prit dans ses bras et celui-ci posa sa tête sur l’épaule de la maman et lui rendit le câlin. Ils restèrent ainsi jusqu’à ce que le bébé se manifeste dans le salon. Vénus eut du mal à se défaire de l’emprise d’Asher.
— Lâche-moi.
— Non.
— Asher, ne fais pas l’enfant. Lâche-moi.
— Veux pas. Chuis bien comme ça.
—Tiens-moi bien alors.
La chanteuse rejoignit donc son fils avec le jeune homme accroché à elle.
— Tu vois, mon chéri, dit-elle en s’adressant au bébé. Lui, c’est ton papa. Il agit parfois comme un enfant, mais tu verras, il est très gentil et il s’occupera bien de toi.
— Tourne-toi, lança Asher. Je ne peux pas le voir.
— Tu n’as qu’à descendre. En plus, tu commences à être lourd.
— Pff !
Il la lâcha finalement et se pencha au-dessus du bébé.
— Regarde-moi cette bouille.
Il pressa ses propres joues à l’aide de ses poings.
— En même temps, quand tu vois ses géniteurs, on ne peut s’attendre qu’à un résultat époustouflant, ajouta-t-il.
— D’ailleurs, il va falloir que l’on donne un prénom à notre « création », fit remarquer la maman.
— C’est vrai ça. Tu as une idée ? demanda-t-il alors qu’il commençait à se creuser la tête.
— Quand j’étais petite, il y avait ce garçon qui m’a beaucoup marquée. Il était encore haut comme trois pommes et pourtant, il adorait aider et affichait toujours ce sourire…
— C’est un de tes ex en fait, coupa Asher.
— Ce n’était qu’une amourette, rectifia-t-elle, les bras croisés.
— Comment s’appelait-il ?
— Téo. Sans « h ». Ça te convient comme prénom ?
— Si ça te plaît, c’est bon pour moi.
— Tu en es sûr ?
— Tu as proposé, j’ai validé, partons sur Téo.
Ils se tournèrent vers le fraîchement nommé Téo et sourirent. Ce dernier gesticulait avec les yeux grands ouverts.
— Vénus, commença Asher soudainement gêné, il faudrait qu’on règle une dernière chose.
— Ah oui ? Quoi donc ?
Le jeune homme avait posé un genou à terre. La chanteuse plaça quant à elle ses mains devant sa bouche.
— Vénus, ça fait maintenant plusieurs années que l’on se fréquente et que l’on se fricote et je pense que le moment est venu pour que l’on passe une nouvelle étape. Le bébé en a précipité une, certes, mais je prends quand même le risque de te proposer de se jeter ensemble dans quelque chose de plus ou moins inconnu.
Il se tut un instant pour jauger la réaction de la maman. Celle-ci est droite comme un « i » et ne semblait pas croire ce qu’elle entendait.
— Tu ne penses pas que tu vas un peu vite… ?
— Tu trouves ? dit-il, peiné. Tu ne veux pas sortir avec moi ?
Cette fois, il l’avait bien perdue.
— Qu-quoi ? Mais j’ai cru que… Le genou…
C’est alors qu’Asher remarqua dans quelle position il se trouvait et en rit.
— Effectivement, ça fait un peu trop solennel. Je n’avais pas fait attention. Désolé.
— Il ne faut pas, répondit-elle après s’être remise de ses émotions. Et j’accepte ! Sortons ensemble ! C’est officiel !
Asher fit, lui aussi, exploser sa joie. Il jeta un bref coup d’œil à Téo. Il s’était déjà rendormi. Il prit donc sa copine dans ses bras, la porta et l’amena jusqu’au lit.
— Fêtons ça de ce pas !
***
À son réveil d'un sommeil particulièrement sacadé et pas du tout restaurateur, Asher n’avait personne à côté de lui. Il entendit néanmoins une voix dans le salon. En tenue d’Adam, il s’habilla au plus vite et regarda dans l’ouverture de la porte. Le jeune homme ne put s’empêcher d’avoir un large sourire en voyant la scène qui se déroulait sous ses yeux. Vénus tenait Téo dans ses bras tout en lui chantant une berceuse.
— Asher, commença-t-elle, elle qui avait remarqué sa présence.
Le papa sortit alors de sa cachette.
— Les sages-femmes ont beau m’avoir donné quelques conseils, j’ai peur de ne pas bien prendre soin de notre fils.
— Je sais m’y faire, moi.
— Oui, mais tu n’arrives jamais à être sérieux plus de deux minutes. Je ne doute pas que tu feras l’idiot. Tu vois, je ressens le besoin d’être correctement formée. Avec du professionnalisme.
— C’est la meilleure, pesta-t-il. C’est mon boulot et tu ne me fais pas confiance ? Et je sais être sérieux quand il le faut.
— Asher ? À qui es-tu en train de mentir ? dit-elle en faisant des papouilles au bébé.
Celui-ci resta muet, à la recherche d’une réponse qui en jette.
— Bon, je ne sais pas quoi dire pour contrer ça, mais… mais… Allez, à quoi pensais-tu ?
— À tes parents.
— Qu… Je… M… Hmm… Euh… Hein ?
— Ils ont élevé quatre enfants, ils s’y connaissent, justifia Vénus.
— Je ne dis pas le contraire, mais je dois te prévenir qu’ils ne plaisantent pas avec ça. Surtout ma mère.
— Justement. Avec toutes leurs connaissances, je me sentirai dans de bonnes conditions pour m'occuper de Téo. Et de toute manière, je sens que j’ai besoin de prendre du recul avec ma carrière.
Asher doutait si c’était une réelle bonne idée, cependant, il céda aux désirs de sa copine.
— On passera un séjour à l’improviste à la maison familiale, expliqua-t-il. Ce sera une surprise.
— Très bonne idée ! Et puis je verrai où tu as grandi !
Toute contente, elle sourit à Téo.
— On va voir papi et mamie !
Asher, de son côté, murmura :
— Ma pauvre, tu ne sais ce qui t’attend. Quoique, ça risque d’être très drôle.
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