Novembre de l'An 18 - Acte 1
Antonine est son nom
Elle est jeune et belle
Elle a les cheveux longs
L'aînée d'une ribambelle
Mille huit cent ans
Et quatre vingt dix
Sa naissance étant
Après Jésus Christ
Au village elle habite
Entourée de villageois
Aux travaux elle participe
Chaque saison son emploi
À la fin de l'été aux champs
Tous ensemble sont aux moissons
Puis viendront les olives
Les châtaignes et les agrumes
Quelques jours avant que finisse août
De l'année mille neuf cent onze
Le jeudi vingt trois presque au bout
D'une journée de vent couleur de bronze
Quand enfin libérée Antonine du labeur
Du battage sur l'aghja circulaire
Femme qui court sur la colline elle fuit
Et au sommet monte, s'assoit et lit
Les montagnes la contemplent
Au loin l'horizon ondule de chaleur
Dans son dos la mer lisse et ample
Se sent délaissée par la fille en fleur
Elle plonge dans son livre
Vogue sur les pages écrites
Survolent les pays décrits
Et son esprit se délivre
5/11/18
Le départ de la route du Rhum
Une histoire de femmes et d'hommes
Sur les eaux noires de l'Atlantique
Pour rejoindre les lointains tropiques
Ils ont largué leurs amarres
Et sont partis toutes voiles dehors
Naviguer et voler sur la haute mer
Pour traverser un bout de la Terre
Pendant des jours et des nuits
Ils sont seuls à bord et solitaires
Par les courants et les vents conduits
Jusqu'à la victoire éphémère
Tous les jours
Quand vient la moustiqu'heure
Je me faufile sous la moustiquaire
D'être piquée j'ai bien peur
Et me gratter quelle affaire !
6/11/18
La collapsologie c'est un mot nouveau
Pour raconter l'effondrement du monde
Cela arrivera-t-il un jour bientôt ?
Vais-je à ce moment devenir blonde ?
Ou bien ne serait-ce qu'une chimère
Sortie de plusieurs notions imaginaires ?
J'y pense et je n'y crois pas vraiment
Ne lisant pas l'avenir mais vivant
Aujourd'hui et connaissant hier
Demain tout peut changer en pire
Il suffirait d'un tout petit geste
D'un humain qui se croit the Best
Conclusion de ma modeste réflexion
Tout peut arriver de toute façon
Je crois ne pouvoir agir en rien
Ou bien sortir de l'idée de plein
Et se mettre à remplir la vacuité
Mentale de notre mesquine humanité
Je suis le touriste qui revient
Chez lui par un clair matin
En navigant sur les vagues
Pour retrouver son île rurale
J'ai beaucoup voyagé et vu
La nature partout m'a plue
Les hommes m'ont déçus
Et parfois il a beaucoup plu
Je suis le touriste qui revient
Chez lui d'être parti au loin
Content de retrouver sa maison
Et rien n'est plus comme avant
J'ai beaucoup voyagé sur l'eau
J'adore prendre de gros bateaux
Des ferries ou bien des cargos
La mer en bas et le ciel en haut
Je suis le touriste qui revient
Chez lui bonifié comme le bon vin
Il a visité toutes les terres
En traversant toutes les mers
J'ai beaucoup voyagé et appris
Tout ce qu'on m'a donné j'ai pris
Avec ça je me suis construit
Et à présent jamais ne l'oublie
Je suis le touriste qui revient
Chez lui continuer sa vie
Il pleut encore
Ce matin derrière les volets
La petite pluie j'entendais
Ruissellement de sérénade
Annonçant un jour bien fade
J'arrive pas à sortir du lit
Alors que dehors l'eau luit
Et il pleut toujours
Incessamment depuis des jours
Alors à l'abri de la maison
Chacun trouve occupation
On dois rester dedans
Pluie tombant regarder
Et ainsi passe le temps
Demain sera meilleur qu'avant
Ce midi dans la cuisine
Par la fenêtre la bruine
Pose ses petites gouttes
Sauterelles broutent
Je vois défiler les cumulus
Dans le ciel montagnes russes
Et il pleut toujours
Incessamment depuis des jours
Les champignons sont contents
Font la ronde dans les champs
On attend de pouvoir sortir
Pour aller les plus charnus cueillir
Autour de nous l'horizon invisible
Et tout devient impossible
Pour le goûter pas d'éclaircie
Toujours l'averse en coulis
Alors on se régale au chaud
Avec des tartes et des gâteaux
Long après midi d'ondée
Tout le temps de déguster
Et il pleut toujours
Incessamment depuis des jours
C'est novembre commencé
Tout fleuri comme en été
Le monde ne tourne pas rond
Sous les nuages en rebonds
Qui s'empilent en temps pourri
À la fin de cette triste décennie
Quand vient le moment
De partager le dîner imminent
Par les larges baies vitrées
Regarder encore les giboulées
Du jour passé avec l'espoir
D'un lendemain moins noir
Et il pleut toujours
Incessamment depuis des jours
Le ciel a séché ses larmes
Le vent a soufflé les nuages
Ce matin la vue porte loin
Ce matin le bleu du soleil revient
Et il ne pleut plus
Pour un longtemps encore inconnu
10/11/18
Ce matin un randonneur
A tué un chasseur
À coups de parapluies
Pour un sanglier l'avait pris
Et l'a tapé et tapé
Quand la police a consulté le fichier
Le chasseur avait déjà trois tués,
D'innocents randonneurs
Justice bien faite
Hasard de tête !
Le sanglier du val
C'est une grosse bête gentille
Son pelage soyeux et brun
Reflète les rayons du matin
Et la rosée fraîche scintille
J'allais paisible me promener
Je l'ai rencontré au bout du champ
Le mammifère repose sur le flanc
Son ventre arrondi est animé
Il baigne dans la boue immobile
Le sang qui coule colore l'eau sale
Un homme s'est approché hostile
Armé d'un couteau, geste agile
Ouvre la laie qu'il a tuée sans mal
Six bébés sortent du ventre maternel
11 novembre
Faire la guerre c'est la certitude
De ne fêter que des perdants
Et dans le cœur l'amertume
Des combattants souffrants
La fille brune de Bretagne
Cheveux et jupons au vent
Solitaire bat la campagne
À travers genêts et bruyères
Vite vite elle court
Larme après larme elle pleure
Tôt le facteur est passé
Il a apporté le courrier
Métal redouté dans l'enveloppe
Elle s'effondre, jolie Pénélope
Vite vite elle court
Larme après larme elle pleure
Avec une immense espérance
Elle attendait la finale délivrance
La fin de la guerre n'arrive jamais
Son homme adoré y est resté
Vite vite elle court
Larme après larme elle pleure
La guerre ne sert à rien
Qu'à inventer des orphelins
Et les veuves esseulées
N'ont plus qu'à pleurer
Vite vite elle court
Larme après larme elle pleure
Elle pleure son avenir perdu
Et la vie qu'elle aurait eu
Avec son amoureux, son chéri
Et sans toute cette cruelle folie
Vite vite elle court
Larme après larme elle pleure
La jolie brune de Bretagne
Cheveux et jupons au vent
Solitaire bat la campagne
À travers bruyères et genêts
14/11/18
Crise
Ce n'est jamais de ta faute
Tu n'es pas responsable
Ce sont tes employés qui ont fauté
Eux seuls peuvent se tromper
Toi, tu es toujours parfait
Tu ne te trompes jamais
Ce sont les gens qui ne comprennent pas
Tu veux leur bonheur
C'est ce qu'il faut croire
Mais le tiens passe avant le leur
C'est la faute à la transition énergétique
Tout augmenter pour la justifier
Et toi toujours tu nous expliques
Que seuls les pauvres sont accusés
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