Une bien lugubre demeure

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Là dans l’obscurité d’un orage quasi permanent se dresse une vieille bâtisse à l’aspect effrayant. Lorsque le tonnerre gronde, le vétuste portail rouillé semble presque lui répondre. Le manoir, sans doute d’une grande beauté fut un temps, est aujourd’hui laissé complètement à l’abandon. Et pour cause, c’est sur cette propriété qu’ont choisi d’élire domicile moult goules, spectres et revenants.

Revenons au vieux portail par exemple, ce massif ouvrage de fer forgé qui a la désagréable habitude de se dégonder pour tomber sur le crâne des intrus s’approchant un peu trop près de la propriété. Personne n’a jamais vu qui que ce soit le réparer et pourtant il finit toujours par se redresser, grinçant et crissant au gré du vent.

Mais même si quelqu’un parvient à le passer, ce ne n’est que le début de ses tourments. Choisirait-il de se diriger vers les anciennes écuries, qu’il se mettrait à entendre l’écho des sabots d’un cheval au galop. Loin tout d’abord, puis de plus en plus proche, sans pour autant jamais distinguer quelque cavalier. Du moins, avant de se faire faucher.

En parlant de faux d’ailleurs, notre visiteur n’aurait pas eu plus de chance en choisissant plutôt d’aller du côté de la serre. Car au milieu des morceaux de verre brisés se livre une guerre sans merci entre végétaux monstrueux aux racines disproportionnés et outils volant aux lames acérées. Chaque camp tente de mettre l’autre en échec, mais s’il y a bien une chose sur laquelle ils s’accordent, c’est que peu importe qui viendrait à se retrouver en dommage collatéral.

Cherchant un havre de paix après avoir échappé à ce champ de bataille, notre malheureux pourrait être tenté de se diriger vers les berges brumeuses de l’étang. Il y ferait alors la connaissance d’un jeune homme tout à fait charmant, assis sur un banc. Une allure distinguée, un visage presque familier et doté d’un sourire d’une beauté si envoutante qu’on ne réaliserait presque pas qu’il possède trop de dents.

Restons dans le domaine aquatique et envisageons que notre hypothétique individu ait plutôt pressé le pas pour se rendre vers la fontaine. Un ouvrage, somme toute, magnifique. Le talent du sculpteur est indéniable bien que son art soit quelque peu chaotique. On est en droit de se questionner quant au choix de ne représenter que des sujets pris d’une peur panique. Notre visiteur voudrait voir cela de plus près… Mais pourquoi ses pieds refusent-ils de bouger ?

Je manque malheureusement de temps pour vous citer tous les revenants de ce lieu si palpitant, mais laissez-moi vous mentionner en passant les loups squelettiques du bosquet, le kioske aux araignées, les yeux du muret et les mains itinérantes de la haie.

Vous vous en doutez bien, face à tous ces dangers, personne n’est plus assez idiot pour tenter de s’approcher du manoir lui-même et encore moins y entrer. Enfin… Il y a bien eu une exception, il y a un an de cela. Une petite fille qui dort aujourd’hui à poings fermés dans un des lits de la demeure, ses souliers pointus bien alignés au pied du sommier. Accusée d’être une sorcière par les habitants de la région, sans doute pas tout à fait à tort. Chassée de chez elle, absolument pas par raison. Ce n’est qu’ici qu’elle a trouvé refuge. Et c’est sans y réfléchir à deux fois que goules, spectres et revenants ont choisi de faire de la demeure un sanctuaire pour la jeune fille. Après tout, le terrain offre déjà tant de possibilité de se divertir qu’ils peuvent bien laisser de côté cet empilement de bois et de briques.

Quant à quiconque voudrait s’en prendre à leur petite sorcière (et il en fut qui essayèrent) ? Ils devraient faire face à toute une armée des enfers.

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