Épilogue
Je traverse d'un pas rapide la Place Gambetta. Je respire à pleins poumons l'air froid et limpide de ce matin de printemps. J'écoute le silence de la ville, émaillé çà et là par les trilles erratiques des passereaux.
Mes doigts nerveux serrent cette page arrachée d'un carnet que j'ai retrouvée dans la poche de ma veste. Ce papier froissé, taché de sang, ces mots délavés que je connais par cœur. Ce dernier message qu'il a écrit avant la fin, comme un aveu.
« Je n'ai pas de camp à choisir, je suis Humain. Notre espèce doit survivre et c'est envers les miens que j'ai ma première dette. L'amour est peu de chose, confronté au devoir. Il n'est qu'une brume éphémère, un simulacre impalpable destiné à s'effacer devant des exigences supérieures.
Elle est différente. Je le savais, je pense que je l'ai toujours su. Dès la première seconde, à l'instant même où mon regard a croisé le sien, je l'ai compris. Pourtant, elle était toute ma vie. Je voudrais qu'elle le soit encore... J'aimais cette femme. Je l'ai aimée à la folie, à me damner.
Et malgré tout, aujourd'hui, je crois que je l'aime toujours. »
J'entends cette supplique, ancrée dans ma mémoire.
« La prochaine fois, dis-moi la vérité. »
Ma bouteille à la mer.
Tout à l'heure, en me changeant dans le vestiaire des infirmières, j'ai vu cette deuxième étoile, tatouée à la naissance de mon sein gauche.
Je remonte la rue des Pyrénées...
Il me reste dix ans.
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