Chapitre 50. Les étranges calculs de Flore
Le reste du voyage à Londres se passa calmement, le couple revu une seconde fois Flore Adams qui, après leur avoir demandé des détails chronologiques concernant Maddy et les jumeaux, leur donna un tableau un peu interloquant ;
— Voilà, d’après mes calculs, je pense que la naissance de Charlotte a du déclencher quelque chose chez Ambre ; Charlotte a quinze mois de plus que Maddy, c’est ce qu’il a fallu comme temps pour que vienne au monde Maddy, non ? Cinq mois pour la conception et neuf mois de gestation plus un mois de réflexion pour mettre cela en route… Quinze mois.
Songeuse, Rachel répondit,
— Ah oui, effectivement, cela pourrait poser question, oui …
Soucieux, Louis demanda,
— Vous pensez que c’est la naissance de votre enfant qui aurait déclenché son plan ?
— Je le pense, oui. En arrivant à mettre au monde un enfant sain et quasi à terme, j’ai déjoué ses plans et je lui ai prouvé que la vie réussissait malgré tout à vaincre sa méchanceté.
Flore se tut un moment puis reprit, avec une voix lasse,
— Ambre savait qu’avant Charlotte j’avais eu cinq fausses couches, dont deux à quatre mois et demi de grossesse. Elle était persuadée que le traitement qu’elle m’avait infligé m’empêcherait de donner la vie.
Rachel posa sa main sur la sienne et acta,
— Mais vous avez réussi, malgré tout.
Avec un sourire, Flore continua son récit,
— Oui, grossesse à risque, césarienne d’office, tout s’est bien passé. Cependant, Edward m’a expliqué, une fois sortie de la maternité, qu’une femme était venue lui poser des questions sur moi. Sa description m’a tout de suite fait penser à Ambre ; cette femme « s’inquiétait » de savoir comment j’allais, « psychiquement ».
Voyant le regard de Flore partir dans ses souvenirs, Rachel l’interpella,
— Ah oui ?
Revenant au présent, Flore continua,
— Oui elle voulait savoir si je ne faisais pas une dépression du post partum… J’ai bien eu un petit baby blues, mais j’ai été soutenue par mon mari, ma belle-famille et ma mère, qui était venue vivre à Londres entre-temps.
Louis intervint,
— Elle n’a pas dû être très heureuse de cela j’imagine.
— Non, effectivement, Edward me la décrite « en colère », il lui a même interdit d’entrer dans la chambre, à la maternité, tellement elle lui semblait virulente.
Elle conclut tristement,
— C’est pourquoi je pense qu’elle a dû chercher à se venger sur quelqu’un… Et c’est tombé sur vous.
Louis suivit sa déduction et proposa,
— Donc, avec Maddy elle a cherché à me mettre à mal, moi, n’ayant pas su vous atteindre, vous.
— Oui, je pense que cela a dû se passer ainsi. Mais ce n’est pas tout.
Intriguée, Rachel s’exclama,
— Oh, vous avez d’autres révélations de ce type ?
— Oui… Il y a maintenant bien un an et demi, mon père est mort.
Un silence s’installa, Flore hésita puis se lança,
— En prison, il a appris qu’il avait un cancer de la prostate. Dès l’annonce de la nouvelle, Ambre s’était empressée d’accourir pour le soutenir, mais il avait refusé toutes ses demandes de visite… Aux dires de ma mère qui l’avait croisée à cette période, elle était dévastée ; elle n’était plus capable de se contrôler, elle pleurait continuellement.
Flore fit une pause :
— Ensuite, mon père s’est donné la mort par pendaison en prison, lui laissant un message ;
Ma petite chérie, je pars, pour ne pas laisser à ce cancer la chance d’avoir le dessus sur moi. Et toi, mène ta vie comme je te l’ai appris, ne laisse personne t’empêcher d’obtenir ce que tu veux, tu sais que tu peux obtenir ce que tu veux. Tu as toujours été ma préférée.
Elle refit une pause :
— Cette période précède de peu le moment où elle vous a poussée dans les escaliers, Rachel.
— Ah…
Rachel ne put rien dire d’autre. Le regard de Louis se perdu dans ses souvenirs. Il glissa,
— Quelques jours avant elle avait tenté de me reconquérir… Je me souviens qu’elle m’avait dit ça, tu vas me le payer, quand elle a capté qu’elle ne me faisait plus aucun effet. Elle s’est vengée de ne pas avoir obtenu ce qu’elle voulait, moi.
Rachel conclut,
— Et c’est dans ce but qu’elle a désiré la mort des jumeaux quand elle m’a jeté des escaliers ; elle estimait qu’ils étaient ceux qui se mettaient en travers de son désir.
Flore rajouta,
— Je pense qu’elle vous a pris en grippe depuis ce moment-là, très clairement, vous êtes devenue la femme à abattre.
Elle regarda Louis et compléta,
— Et vous, l’homme, ou je dirais plutôt « la chose » à posséder.
Rachel s’enfonça dans le fauteuil, Louis lui déposa un baiser sur la tempe et passa ses bras autour de ses épaules. Après une courte réflexion, elle interpella Flore
— Flore, pourriez-vous parler de cela à l’inspecteur Lays quand vous le rencontrerez ? Je pense que cela serait utile de montrer les déclencheurs, mais aussi l’ampleur disproportionnée de ses réactions.
— Pas de souci, je comptais lui en parler, mais je préférais vous tenir au courant de ces « coïncidences », avant.
— Merci Flore, Merci pour tout, cela m’éclaire beaucoup sur le type de femme qu’est Ambre ; je pense que nous ne serons jamais en paix tant qu’elle me considèrera comme une cible et Louis comme son dû.
— J’en suis vraiment désolée, mais je vous rejoins, hélas, dans ce constat.
Ils se quittèrent tous les trois, songeurs. Avant que le couple ne s’en aille, Flore demanda,
— Ma demande vous semblera peut-être incongrue, mais, pourrais-je rencontrer vos enfants un jour ?
Le couple se regarda, Louis répondit,
— Aucun problème, demain, nous serons toute la journée au parc de Kew, vous connaissez ?
— Oui, je connais, j’y vais souvent avec les enfants. Nous pourrions nous faire rendez-vous et déguster un piquenique ensemble ? Il y a une délicieuse pâtisserie pas très loin, je ramènerais quelques gâteaux.
Les deux familles se rencontrèrent, tout se passa très bien, Flore Adams sympathisa avec les parents de Rachel lorsqu’elle les rencontra, les enfants jouèrent ensemble dans le parc, l’ambiance de cette rencontre fut joyeuse.
Flore désirait sincèrement aider le couple, elle voulait, dans la mesure de ses possibilités, les aider à confondre sa sœur. Rachel et Louis rencontrèrent Edward avant de revenir en Belgique et, de fil en aiguille, les deux couples commencèrent à tisser une belle amitié.
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