Maternelle : Évènements
La maternelle est probablement l'une des classes qui m'a le plus marquée. J'ai tellement aimé y être ! À croire qu'à l'époque, être au milieu des autres ne me gênait en rien. Aujourd'hui, tout a bien changé et je repense avec tendresse et mélancolie à l'enfant que j'étais, émerveillée de tout. Ces trois années de maternelle étaient vraiment... magiques !
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Noël, une période enchanteresse pour des tas d'enfants. Parents et enseignants profitent de cette naïve croyance pour que les petits lutins surexcités continuent leurs efforts à ne pas faire de bêtises et rester calmes. Certaines classes ont de la chance car le Père Noël vient en personne les visiter. Parfois, ne pouvant être partout, il envoie la Mère Noël le suppléer mais cet évènement n'en reste pas moins magique pour les dizaines de yeux émerveillés qui attendent cette rencontre avec impatience. Ce fut le cas de ma classe, il y a vingt-cinq ans maintenant.
Quelques jours avant les vacances de Noël, notre chère maîtresse et ses ATSEM nous installèrent au sol et sur les bancs qui faisaient face au grand tableau. Les trois classes étaient réunies, de la petite à la grande section. Nous intimant le silence, les adultes nous avouèrent à voix basse, un peu en surjouant la discrétion, que quelqu'un de spécial était venu nous rendre visite, que cette personne ne se montrerait qu'à la condition que chacun d'entre nous reste bien sage. Il allait falloir attendre quelques minutes avant son arrivée. Soudain, je me rendis compte qu'une envie pressante me tenaillait. Je ne voulais prendre aucun risque de rater l'évènement en allant aux toilettes au moment où ce fameux "invité" arriverait ou, pire encore, de le gâcher en me faisant pipi dessus. Je levais donc le doigt et obtint l'autorisation de me rendre aux communs.
Mes petites affaire faites, je sortis des toilettes dans le grand couloir qui donnait sur toutes les pièces de l'école. Au bout, à l'angle qui donnait sur la cantine, alors que je revenais en classe d'un pas pressé, j'aperçus une chose tout à fait intrigante. Derrière l'arête du mur, un bout de ventre vêtu d'une fourrure rouge et blanche se laissait entrevoir. Mon cœur bondit dans ma poitrine et je m'empressais de retourner en classe, surexcitée. Mes camarades virent ma tête ravie et j'expliquais à la maîtresse en chuchotant que j'avais vu un bout du ventre de la Mère Noël. Elle déclara alors que nous avions été suffisamment sages et qu'il était temps de l'appeler pour l'encourager car elle était très timide. Nous criâmes tous à l'unisson et la personne tant attendue arriva. Je me souviens peu de la suite mais je sais que nous avons obtenu quelques cadeaux pour la classe et un livre chacun. Cette journée avait été vraiment magique !
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La cantine, salle bruyante où les adultes s'évertuent à obtenir un minimum de calme. Ce petit lieu de restauration se trouvait dans le bâtiment de l'école, à quelques pas des salles de classe et de celle de motricité. Chaque midi, une douce odeur se dégageait et les enfants qui mangeaient-là avaient droit à de bons petits plats préparés par les cantinières. De mémoire, nous étions une vingtaine à s'y restaurer, la salle était vraiment petite. Les adultes mangeaient chacun à une table, s'occupant des enfants qui avaient encore des difficultés pour porter la fourchette à la bouche ou tout simplement pour calmer les cris que certains pouvaient pousser.
J'ai encore honte aujourd'hui d'en parler mais la chose étant si énorme et faisant partie de mes souvenirs les plus clairs, je me dois de tout décrire ici. Le calme était relatif dans la cantine et je fus soudainement prise d'un hoquet qui me fit sortir un rot incroyablement fort. Plus aucun son ne sortait de la bouche de tous les demi-pensionnaires qui étaient présents. Je ne pourrais pas dire que j'étais honteuse à l'époque car je crois que je ne connaissais pas encore ce sentiment mais je savais que j'avais fait quelque chose d'interdit par les adultes. Tous ceux de ma tablée me regardaient - en grande section, les adultes, ne se mettaient pas forcément à nos tables - les autres cherchaient l'origine de cet énorme son. L'ATSEM que les élèves craignaient le plus dans l'école avait une tête effrayante et tentait de trouver le coupable du regard.
— Qui c'est ? demanda-t-elle l'air mauvais.
Je me décomposais sur ma chaise et, sachant pertinemment que des témoins savaient que c'était moi, je ne pouvais me défiler au risque d'être sanctionnée sévèrement. Je répondis d'une voix erraillée :
— C'est moi...
Un blanc fit surface dans la salle alors que tous les regards étaient désormais rivés sur ma personne. J'attendais la sentence, ne sachant ce qui allait me tomber sur le coin du nez. Livide, l'ATSEM reprit :
— Qu'est-ce qu'on dit ?
— Pardon...
Ce mot sauveur agit comme la formule magique du magicien qui calme la tempête. L'adulte reprit son repas comme si rien ne s'était passé et chacun en fit de même bien que quelques éclats de rire se firent entendre. Je n'en crus pas ma chance.
Le soir, je rentrais chez mes parents et demandais à ma mère si elle m'avait entendue roter le midi. Elle travaillait à la mairie, bâtiment situé à quelques mètres de mon école. Pour moi, le son que j'avais émis était aussi fort que celui d'un avion ayant passé le mur du son. Elle l'avait forcément entendu ! Mais rien à faire, maman nia en bloc et je me demandais si elle n'avait pas quelques problèmes d'audition...
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Ces trois années de maternelle passèrent extrêmement vite et peu de temps avant les grandes vacances de mon année de grande section, notre classe fut menée dans le village d'à côté afin de visiter la classe de CP dans laquelle nous serions à la rentrée de septembre. Les maîtresses nous présentèrent aux autres élèves. L'école était petite, il n'y avait qu'une classe unique. Nous fûmes bientôt installés au sol sur un coin regroupement où chaque classe devait répondre à des questions. Quelle ne fut pas ma fierté lorsque, pour un exercice de comptage de syllabes, un élève de CP se trompa sur le mot "école". Je levais alors aussitôt le doigt pour dire qu'il n'y avait pas trois mais bien deux syllabes dans ce mot car la dernière était muette.
Je me rends compte que ce genre de fierté et de souvenirs ancrés pourraient faire de moi une espèce de première de la classe qui se la pète. Ce n'était et ce n'est absolument pas le cas. J'adorais juste vraiment l'école. À tel point que lorsque je rentrais à la maison, j'installais mon chien sur mon vieux bureau en plastique devant un petit tableau et je jouais à la maîtresse, écrivant l'alphabet à la craie sur le panneau noir puis le recopiant avec mon chien - de bonne constitution, nous pouvons le dire - tout en lui tenant la patte. Soupy était vraiment une élève modèle !
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