Passion en gare
Lorsque j'entre dans la pièce, l'atmosphère est émoustillante de curiosité. Plusieurs hommes d'âges très divers se pressent devant une table où se trouve Philippe. Des murmures émerveillés me parviennent. Ces hommes sont médusés par la passion de Philippe, et chacun pour des raisons différentes. Je m'approche pour connaître la raison de cet émoi. Je marche sans bruit et je n'ose pas prononcer le moindre mot, de peur de rompre le charme. Au bout de cette table, j'aperçois le début d'une explication. Un morceau de chemin de fer est disposé sur la table. Je m'approche encore discrètement et j'entre alors dans la bulle. Soudain, ma vision des choses se métamorphose.
Le chef de gare en la personne de Philippe fait la démonstration de sa locomotive favorite devant un public captivé. La belle machine est assez imposante. Sa couleur crème lui donne une certaine élégance. Nous embarquons. L'intérieur est éclairé pour permettre à tous de l'admirer. Philippe invite tout le monde à apprécier l'agencement de la console de contrôle. Après de brillantes explications sur le fonctionnement de son engin, le chef de gare endosse la casquette du conducteur de train. Les moteurs se mettent en route dans un murmure discret comme si la dame était timide. Après quelques encouragements, le ronronnement du moteur se fait plus assuré. Actionnant les manettes adéquates, il emmène ses compagnons dans un court voyage. Les roues se mettent en action, les phares s'allument, et de la vapeur s'échappent des cheminées. L'allure s'accélère, et chacun des voyageurs peut admirer les performances de cette mécanique. Cette énergie en mouvement suscite différentes réactions. L'un des voyageurs se remémore des instants de son enfance, à monter un chemin de fer avec son père en plein milieu du salon. Le temps s'était arrêté l'instant d'une après midi. Un autre homme admire les finitions esthétiques. Elles lui donnent l'envie de reprendre la peinture si délicate d'une maquette, qu'il a délaissé par manque de temps. Un troisième écoute attentivement le moteur et observe le mouvement précis de chaque pièce mécanique, essayant de deviner le montage savant caché par la structure de la cabine, et quel cerveau humain génial a pu créer cette œuvre.
L'émerveillement s'accentue pour tous le temps du voyage, mais décroît lorsque les freins entrent en action. Ils annoncent le retour en gare. A l'arrivée en station, chacun des passagers descend et essaye de prolonger l'instant en partageant son expérience, son commentaire. L'instant n'était pas tout à fait passé lorsque : "Atchoum!". Moi, pauvre sotte, je fais éclater la bulle. Le charme est rompu. Malgré tout, chacun emporte avec lui la tranche de rêve qui lui est due.
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