Milo, la petite souris
Milo est une petite souris grise, à la longue moustache brune et aux yeux noisette. Mina, sa jeune sœur, a un regard fripon et des poils presque blonds. Milo adore apprendre de nouvelles choses. Il est toujours heureux d’aller à l’école. Mina préfère jouer à cache-cache avec ses amis les chiens.
Ce soir de mai, alors que le soleil se couche derrière les collines, Milo sautille d’impatience. Dans quelques heures aura lieu le grand moment ! Celui que toutes les souris attendent ! Milo, pour la première fois, aura le droit de glisser sous l’oreiller d’un enfant, une pièce de monnaie en échange d’une dent de lait.
L’institutrice (car c’est l’école qui les prépare à cet évènement) lui a donné un plan pour aller jusqu’à la maison où il doit se rendre, ainsi que le prénom du petit garçon : Tom.
Pour l’occasion, Mina accompagne son frère. Ce dernier est un peu anxieux et la présence de sa sœur le rassure. Celle-ci est ravie de faire partie de l’aventure.
Milo porte autour de la taille une besace contenant un sou en argent, qu’il a très peur de perdre. Courant sur ses courtes pattes, le jeune rongeur se remémore ce que lui a enseigné la maîtresse.
Le principal est de ne pas faire de bruit, car il ne faut surtout pas réveiller l’enfant. Les hommes pensent que la petite souris n’est qu’une légende et cela doit rester ainsi.
Milo et sa sœur arrivent devant une maison à étage, que bordent des cerisiers en fleurs. Sur la façade, Mina remarque une fenêtre entrouverte. Elle fait signe à son aîné, et tous les deux commencent l’ascension du lierre qui grimpe au mur. Les souris atteignent le rebord de la vitre et s’engouffrent dans la pièce. Il s’agit d’une salle de bains. Les deux rongeurs en passent la porte et avancent précautionneusement le long du couloir.
Milo, qui se rappelle ce que lui a dit la maîtresse, explique à sa sœur :
— La chambre du petit garçon est tout au bout.
Alors qu’ils n’en sont qu’à quelques pattes, Mina étouffe un cri. Étendu sur le dallage froid, un chat aux longues oreilles et aux poils courts ronfle bruyamment. L’animal ne semble pas s’être aperçu de la présence des souris.
— Évitons qu’il nous entende, murmure Milo.
L’ennui, c’est que le félin est avachi devant l’entrée de la chambre.
— Il va falloir l’escalader !
À cette idée, Milo ne peut retenir un léger frémissement de peur, contrairement à sa sœur qui paraît tout excitée à la pensée de devoir gravir cet étrange obstacle. Les deux souris grimpent assez facilement. Leur seule frayeur a lieu lorsque le chat, sans doute en proie à un mauvais rêve, commence à miauler en agitant ses pattes. Mais heureusement, l’animal ne se réveille pas et les rongeurs sont enfin au pied du lit de Tom.
Mina décide de rester là afin de monter la garde, au cas où la bête ouvrirait les yeux. Pour se défendre, elle sort de la besace que porte son frère, une longue carotte qu’elle a prise dans l’éventualité où elle aurait un petit creux. Courageuse, elle n’hésitera pas, si besoin, à frapper le museau du félin avec le légume.
Milo, lui, s’approche d’une commode en bois, à gauche du lit, et entreprend de l’escalader grâce aux tiroirs qui ne sont pas fermés. Arrivé en haut du meuble, il est face au garçon qui dort profondément, sa tête posée sur l’oreiller.
La souris respire un grand coup. L’instant est décisif. Elle se penche vers le visage de Tom, et tout en faisant attention à ne pas l’effleurer, soulève doucement le coussin. Une fois cela réussi, Milo tâtonne prudemment jusqu’à découvrir la dent de lait qu’il range rapidement dans la besace. Les pattes encore tremblantes d’émotions, il remplace sa trouvaille par une pièce d’argent qu’il glisse sous l’oreiller. L’enfant, toujours endormi, ne s’est aperçu de rien.
Mina, son petit nez rose frétillant, levé vers son aîné, esquisse quelques pas de danse en signe de victoire. Milo descend la rejoindre, un sourire joyeux sur le museau.
Les souris font le chemin en sens inverse jusqu’à se retrouver sur le trottoir bordant le muret de la maison. Un croissant de lune inonde la chaussée de sa lumière jaunâtre.
Mina, sautille sur place.
— Montre-la-moi !
Un peu fièrement, Milo accède au désir de sa sœur, et sortant la dent de la musette, la tend à sa cadette.
— Donne-la-moi.
— Fais attention, c’est fragile, lui recommande son frère.
Mina tapote l’ivoire de la quenotte qui émet un son cristallin. La rendant à son aîné, elle lui demande :
— Et maintenant, tu vas en faire quoi ?
Milo prend un air mystérieux.
— Ça, je ne peux pas te le dire. C’est un secret !
— Mais je veux savoir ! s’agace sa petite sœur.
— Tu apprendras tout lorsque viendra ton tour d’échanger une dent contre une pièce.
Mina n’est pas vraiment satisfaite par la réponse, mais devine que son frère ne lui confiera rien de plus. Ce dernier la raccompagne chez leur parent où elle s’empresse de rejoindre sa chambre. Elle se blottit sous son minuscule édredon et s’endort rapidement.
Milo, quant à lui, n’a pas terminé son travail de petite souris. La maîtresse lui a donné une autre mission. L’élève trottine donc jusqu’à la forêt, allant au pied du plus haut des chênes. Là, Milo retrouve tous ses camarades ayant collecté des dents de lait durant la soirée. Face à eux, un homme sans âge au visage jovial et au chapeau à large bord, bariolé de rouge, vert et jaune, leur tend un grand sac où chacun laisse tomber sa récolte.
— Merci, mes amis. Grâce à vous, ses précieuses quenottes vont être écrasées tout doucement, afin de devenir de la poussière magique contenant des rêves enchantés.
Subjuguée, la souris intervient :
— Et ensuite, vous vous en servirez pour endormir les enfants !
Le marchand de sable confirme :
— Oui, c’est ça.
Le rongeur, fatigué, a les yeux qui se ferment. La nuit a été longue et il est temps pour lui d’aller se coucher.
Dans son lit, Milo n’a pas besoin de la poussière magique. Quand il pense à tout ce qu’il a accompli en quelques heures, il sent le sommeil alourdir ses paupières et il rêve bientôt de chat et de dents de lait.
Fin
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