Reconversation en France

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En cette fin de journée de l'été 1989, Tintin était à sa table, en train d'écrire un énième article. Jeune reporter il avait été, jeune reporter il restait, à 60 ans passés. Lui revenaient parfois en mémoire les innombrables aventures et épopées qu'il avaient vécues. Il savait qu'il avait plus de passé, que d'avenir ; il en avait vu du pays, il avait eu de ces colères qui avaient modelé et forgé son caractère de justicier, il avait pris des coups dans tous ces moments où il avait foncé, courage et humanisme chevillés au corps. Dernièrement il avait mené de longues et intenses investigations aux côtés de ses collègues de « l'Oie déchaînée » ce qui avait permis d'arrêter le fugitif Paul Touvier, grand criminel aux mains tachées de sang. On lui avait également demandé de se rendre en Islande, pour couvrir un événement de taille. Lui, le non-amateur de bière, qu'elle fût belge ou cervoise, avait été appelé à prendre un vol pour aller vivre au cœur de l'événement. Et quel événement ! Après 74 années d'interdiction, les bars étaient de nouveau autorisés à servir de la bière. Ce 1er mars, Tintin s'était donc retrouvé noyé dans un flot de fêtards et il avait failli y laisser des plumes. Mais il s'en était sorti avec quelques bleus et un bon papier. Engagé, toujours déterminé à faire face, il avait ainsi bâti sa vie et sa carrière. Tandis qu'il mettait le mot final à son éditorial en hommage au journaliste Hubert Beuve-Méry, fondateur et ancien directeur du quotidien Le Monde, il pensait à ce qu'il avait laissé de côté, à ces rêves qu'il avait rêvés en grand et qu'il n'avait pas eu le temps de réaliser. Des regrêts ? Non, Tintin n'était pas homme à en avoir. Il savait que chacune de ses aventures avaient été des choix consentis, assumés et tout cela lui avait apporté soit des leçons, soit des expériences mais nul regret. Il avait depuis longtemps acquis la certitude que rien ne servait de regretter les choix faits par le passé, il vivait avec la présence d'esprit de penser à continuer à avancer et à faire de nouveaux choix, de nouvelles expériences. Ah si, il avait au fond de lui un petit bout de désir qu'il n'avait pas réalisé et il se disait que c'était le moment.


Juin 1990 : Tintin venait de décapuchoner son stylo plume. Il avait jeté un œil sur le sujet d'analyse de texte, mais cela ne l'avait pas emballé. Aussi avait-il décidé de choisir le sujet de la dissertation :

« L’étude de l’Histoire nous conduit-elle à désespérer de l’homme ? » Déjà les idées bouillonnaient dans sa tête, mais calme comme il était, il prit quelques profondes respirations et se concentra sur le plan qu'il allait développer. Du docteur Müller, au légendaire Rastapopoulos en passant par l'inca vengeur ou l'irascible Mitsuhirato. Les exemples étaient légions, il avait été témoin de nombreux événements forts et il avait matière à disséquer ceux-ci pour en tirer des postulats qui devraient l'aider à s'en sortir. Et pourtant, on avait osé lui dire qu'il n'y connaissait rien et que ses références étaient erronées. Erronées ? Mon oeil...

Flashback

C'était au mois de janvier. Tintin avait pu intégrer une classe de Terminale littéraire, après avoir fait valider ses compétences et son niveau. Il aurait pu être également accepté en section scientifique, mais il opta pour un autre choix. Il avait trop de respect pour le professeur Tournesol et ne voulait pas aller marcher sur ses plate-bandes. Il avait fait son trou dans la classe, parmi des jeunes majeurs, les gars l'avaient plutôt bien accepté, surtout à partir du moment où ils avaient pu sonder la profondeur de ce puit de connaissance qui lui tenait lieu de cerveau. Quelques mois plus tard, il s'opposait à un « prof », un non-titulaire, qui devait assurer une quinzaine dans la classe de terminale. Ce gars, déstabilisé par les questions des étudiants, dont Tintin, finit par lui dire « Monsieur, vu votre âge, excusez-moi, je pense que vous êtes peu à même de nous parler du conflit au Moyen-Orient ». Et Tintin ne se laissa pas démonter et lui démonta tout simplement son argumentation. Vexé d'être remis en question, le pseudo-prof lui assena alors : « Rappelez-nous, vous vous êtes arrêté au Certificat d'Etudes, c'est ça ? Et en plus, c'était en Belgique ? ».
Tintin prit sur lui pour laisser de côté ces propos méprisants et continua son développement. Il avait été reporter lors des événements, de cette guerre autour de l'Or Noir, il avait été témoin de la bassesse humaine et il s'évertua à corriger, ou tout du moins, à nuancer les propos de l'homme assis en face de lui. Sans succès. Mais cela ne mit pas son année en péril, car l'incompétent ne resta pas et Tintin put terminer sa scolarité.


Retour au bac. Tintin fut reçu avec une mention assez bien. Il fut un des premiers à poser son postérieur sur les bancs tout frais de l'IUFM de Bretagne, à Rennes, ayant gardé un amour certain pour le bord de mer et la ville de St Nazaire. Il était déterminé à préparer le CAPES d'histoire-géographie, pour devenir professeur. Il savait qu'il avait beaucoup à transmettre aux jeunes générations. Son parcours de vie était un héritage qu'il voulait passer comme un flambeau.

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