L'armoire à secrets - 3ème partie : Dorian
Dorian, à l'âge de six ans, était l'archétype de l'enfant débordant de vitalité et de joie de vivre. Son énergie, sa bonne humeur et, surtout, ses sempiternelles bêtises, épuisaient tout son entourage.
En classe, il essuyait les remontrances de la maîtresse avec le plus bel aplomb. Il s'assagissait quelques minutes puis récidivait quasi immédiatement, faisant rire à coup sûr ses petits camarades... Tout cela avait beau exaspérer l'institutrice, cette dernière ne pouvait s'empêcher d'avoir une préférence pour ce petit garçon. Dorian, sous ses dehors de clown un peu idiot, cachait des trésors de curiosité, d'imagination et d'intelligence.
Catherine et John O' Maley, les parents de Dorian, avaient un autre fils.
John A. O' Maley, surnommé Junior, avait trois ans de moins que Dorian. Il était, au contraire de son frère, le calme et la sagesse incarnés. Le couple O' Maley n'en revenait pas d'avoir deux enfants si différents. L'un comme l'autre les comblaient mais, à certains moments, Catherine aurait bien aimé souffler un peu et son aîné ne lui en laissait guère le loisir.
Comment Dorian, gentil, généreux et rieur, allait-il devenir cet adolescent perturbé qui se trouverait dans l'impossibilité de nouer le moindre lien affectif avec autrui ? Qui aurait pu penser que le trop plein d'énergie du petit Dorian engendrerait une kyrielle de drames ? Personne, et pourtant...
Le deuxième week-end de novembre de cette année 1996 signerait la fin de l'insouciance et des éclats de rire. La fin de l'innocence était pour bientôt.
A cette époque, au début des années quatre-vingt dix, Catherine et John quittaient régulièrement Dublin. Ils se réfugiaient alors dans leur petit coin de paradis, dans le Morbihan, aux abords de La Trinité-Sur-Mer. Leur maison au toit de chaume, bien cachée par une forêt de pins, leur assurait une retraite paisible, loin des troubles que l'Irlande connaissait de façon sporadique.
Lors d'un de leurs séjours en France, ils avaient sympathisé avec un couple de Bretons, parents d'une petite fille de quatre ans. Catherine était alors enceinte de leur premier enfant. Les Kerloc'h étaient fort accueillants et les O' Maley se sentaient presque de la région grâce à cette charmante famille.
Lorsque Dorian était né, Elena s'était improvisée "petite maman" dès la première rencontre avec ce nourrisson au sourire désarmant et à la bonne humeur contagieuse.
D'année en année, ils allaient partager leurs jeux et tisser des liens tels qu'on les surnommerait très vite "Les Inséparables".
Inséparables, ce mot convenait à merveille ! En effet, lorsqu'ils étaient en présence l'un de l'autre, nul ne pouvait les séparer sans s'attirer leurs foudres.
La foudre, quant à elle, en ce samedi 9 novembre 1996, se préparait à tomber sur les deux familles. Dorian avait six ans et Elena venait d'atteindre ses dix ans. Elle n'oublierait ni cette journée ni le petit garçon.
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