Vendredi 26 juillet 2013
 
Le coup de fil d'Elena avait replongé Richard dans la torpeur. La mort de Dorian, les dix ans de la petite fille, le décès de ses filles, la fuite de sa femme, tout se mélangeait. Une tempête ravageait son cerveau. Quelques mois auparavant, le jeune homme, aujourd'hui disparu, était venu le trouver. Celui-ci avait remonté la piste d'Elena et, ne sachant pas comment l'approcher, avait contacté son patron, homme d'affaires bien connu. Ce dernier s'en serait bien passé. L'homme perturbé que Dorian était devenu l'avait renvoyé à ses propres démons.
 
N'ayant de cesse d'être débarrassé du jeune homme, Richard avait seulement confié à Dorian que son employée empruntait régulièrement le train entre Sens et Paris. A lui de se débrouiller avec ce renseignement.

Aujourd'hui, en raison des événements, il pensait tout particulièrement à son ex-femme, Anne. C'était le jour de sa fête. Il l'aimait toujours, malgré les quinze années écoulées. Et elle ? Quand elle l'avait quitté, elle lui avait laissé une lettre expliquant les raisons de son départ. Elle avait écrit que son amour restait entier mais que le nouveau Richard lui faisait peur. Ce qu'il était devenu, un homme plein de colère et avide de vengeance, elle ne pouvait plus le supporter. Elle craignait qu'il ne l'entraîne dans une spirale infernale, dans des abysses dont elle ne pourrait sortir. Elle aussi souffrait du décès des jumelles, elle les pleurait chaque jour, mais jamais elle n'avait nourri de rancoeur contre qui que ce soit.

Et Elena, qu'allait-elle dire quand elle serait interrogée par la police ? Elle connaissait son secret ou, plutôt, ses secrets. Au début de leur collaboration, la voyant comme sa fille Kate, il lui avait tout raconté, vidant son âme de toutes les douleurs endurées. Elle ne l'avait pas jugé et, en retour, lui avait révélé ses propres secrets.

Depuis ce jour où ils s'étaient confiés l'un à l'autre, aucun des deux n'avait reparlé du passé.
Mais aujourd'hui, tout revenait à la surface. Les policiers finiraient sûrement par mettre leur nez dans ses affaires. Et même s'il n'avait rien fait d'illégal, il ne voulait pour rien au monde que sa réputation soit entachée par des faits sordides remontant à plus de quinze ans.

Avant de partir pour l'Angleterre, il discuterait avec Elena et lui conseillerait de se montrer très prudente quand elle serait convoquée au poste. Il allait prendre le taureau par les cornes et l'inviter à déjeuner demain. Pour une fois, elle serait dispensée de cuisiner. Il projetait de la convier au restaurant, dans un endroit sans chichis mais proposant une carte de qualité. Il tiendrait compte de la chaleur étouffante et dénicherait un établissement climatisé. La jeune femme accepterait-elle cette invitation de dernière minute ? Ne la trouverait-elle pas déplacée ?