Mardi 30 juillet 2013, en fin de matinée
 
Erwan était parti depuis quelques heures, et Elena ressentait un grand vide. Finalement, elle ne regrettait pas de s'être ouverte à lui. Dans les heures ayant suivi sa confession, son compagnon s'était montré particulièrement attentionné et tendre. Il ne lui avait pas posé de questions, la remerciant de s'être ainsi livrée. Elle lui était reconnaissante de ne pas chercher à en savoir plus. Elle aurait vraiment mal pris qu'il cherche à lui tirer les vers du nez.

La sonnerie de son téléphone la ramena brutalement au présent. Elena soupira, certaine que les policiers revenaient à la charge. Ils n'allaient sûrement pas la lâcher comme ça. Numéro masqué, ce qui semblait confirmer l'hypothèse de la jeune femme. Cette dernière prit la communication, lançant un "Allô !" plutôt sec. Elle fut surprise quand un homme lui répondit en Anglais, expliquant brièvement qu'il était le frère de Dorian. Bon sang ! Comment avait-il obtenu le numéro de portable d'Elena ? Elle n'eut pas le temps de lui poser la question que Junior lui demandait si elle avait des nouvelles de son frère. Ils étaient régulièrement en contact, depuis des années et, surtout, depuis quelques mois. Cela faisait une semaine qu'ils ne s'étaient pas parlé et il était inquiet.

La jeune femme ne savait pas comment lui annoncer la nouvelle. Elle pensait que la famille de Dorian avait été avertie par une équipe de police, en Irlande. Tel n'était visiblement pas le cas.

Profitant d'un silence de John, elle lui expliqua qu'elle n'avait revu Dorian que vendredi. Junior souffla, songeant probablement que tout allait bien. Elena lui dit alors qu'elle avait une mauvaise nouvelle à lui annoncer. Comme le jeune homme ne répondait pas, elle se décida à lui avouer, avec le plus de ménagement possible, que son frère était décédé. Elle entendit un "non" étouffé et la question qu'elle attendait : "Comment est-il mort ?" Elena ne s'embarrassa pas de détours car il n'y avait aucune bonne façon de révéler que Dorian avait été assassiné. Au bout du fil, des pleurs se firent entendre.

La jeune femme précisa à Junior que, ne sachant comment joindre les O'Maley et n'ayant aucune précision quant à la prise en charge des funérailles, elle s'était occupée de tout. L'enterrement aurait lieu le jeudi à quinze heures. Elena demanda au jeune John de la recontacter le lendemain pour lui dire quels membres de la famille seraient présents. Elle les recevrait chez elle sauf s'ils étaient nombreux. Dans ce cas, elle ferait en sorte qu'ils soient hébergés à l'hôtel.


Jeudi 1er août 2013

Elena se rendit à la gare peu avant dix heures du matin pour accueillir Catherine et John senior ainsi que Junior. Ils n'étaient que tous les trois, ce qui surprit la jeune femme. Dans son souvenir, Dorian était si plein de vie, joyeux et généreux. Elle se demandait bien ce qui avait pu arriver au garçonnet qu'elle connaissait pour que si peu de personnes viennent à ses obsèques.

La mère de Dorian avait les yeux rougis, elle ne cessait de les essuyer avec un mouchoir. Quant au père, il avait les traits tirés et Elena voyait bien que lui aussi avait pleuré. Junior, lui, paraissait ailleurs. Il était pâle et la jeune femme se fit la réflexion qu'il n'avait pas dû dormir depuis leur première conversation téléphonique. Madame O' Maley serra Elena dans ses bras. Elles étaient toutes deux émues par ces retrouvailles, malgré leurs douloureuses circonstances.

Quand le petit groupe arriva à l'appartement de la jeune femme, celle-ci proposa un thé aux O' Maley, boisson qu'ils s'empressèrent d'accepter. Ils évoquèrent ensuite les jeunes années de Dorian et d'Elena, lorsqu'ils se retrouvaient régulièrement à La Trinité-sur-Mer. C'étaient les années du bonheur. Elena aurait donné cher pour revenir à cette époque. Junior n'avait aucun souvenir de cette période, il était alors trop petit.

La jeune femme avait préparé quelques canapés, partant du principe que la famille endeuillée n'aurait pas d'appétit. Pour le thé, une bouteille thermos était à disposition.

L'heure de se rendre aux obsèques approchait : les O' Maley et Elena se mirent en route. Ils n'étaient que sept en prenant en compte les deux policiers chargés de l'enquête et le prêtre qui officiait. Kleen et Riveira se tenaient poliment à l 'écart, respectant le recueillement d'Elena et de la famille du jeune Dorian. Ils auraient bien le temps, après la courte cérémonie, de leur poser des questions. En attendant, ils observaient les attitudes et réactions des différents membres présents. Les funérailles furent brèves mais très émouvantes. Chacun évoqua les meilleurs souvenirs qu'il avait concernant la jeune victime et déposa une rose sur le cercueil de Dorian avant que celui-ci fut recouvert de terre.

Nul n'avait remarqué les policiers, hormis la jeune femme. Celle-ci se dit qu'ils ne manquaient pas de culot d'être venus au cimetière. Ils auraient pu attendre qu'Elena et ses hôtes furent rentrés à l'appartement de la jeune femme. Elle les avait prévenus que la famille de Dorian resterait chez elle quelques jours car elle se doutait qu'ils voudraient interroger ses parents et, aussi, son frère. Mais, finalement, elle se demandait si l'enquête était de leur ressort. Après tout, Dorian était irlandais. En tous les cas, elle avait décidé de faire sa propre enquête car elle était la dernière personne à qui le jeune homme s'était adressé, même si c'était de façon indirecte. Pourquoi ce mot destiné à Elena ? Comment Dorian pouvait-il avoir seulement pensé qu'il était coupable du décès des parents de la fillette ? Et y avait-il un rapport avec cet affreux crime ? Tant de questions sans réponses virevoltaient dans son esprit.