Vendredi 23 août 2013, en début de soirée :

Tina était revenue au chevet de sa sœur et pleurait silencieusement. Ce qu'elle s'apprêtait à faire la bouleversait mais elle ne voyait pas d'autre issue. Nelly ne reviendrait jamais à la vie.
La jeune femme, plus âgée que sa sœur de deux ans seulement, semblait simplement se reposer mais ce sommeil ne prendrait fin que lorsqu'on débrancherait tous les appareils auxquels elle était reliée. Tina posa sa tête contre la poitrine de Nelly et sentit son cœur battre. Elle resta ainsi un long moment et repensa à la famille heureuse qu'ils formaient du vivant de sa mère. Après le décès de cette dernière, tout avait volé en éclats : Monsieur Soledad, muré dans son chagrin, ne se rendait même plus compte de la présence de ses filles. Quand Nelly avait sombré dans la drogue, alerté par Tina, tout ce qu'il avait trouvé à faire était de renier son aînée. La plus jeune des deux sœurs (à peine majeure à l'époque), anéantie par cette cruauté, était partie. Tina, ayant hérité de sa grand-mère paternelle, tout comme sa frangine, avait acquis un magnifique duplex aux abords de la Porte d'Auteuil.

En cette fin d'après-midi, Tina prit l'oreiller qui soutenait la tête de sa sœur et le plaqua sur le visage de celle-ci. Elle savait qu'elle devait faire vite car des infirmières se précipiteraient lorsque les sonneries de la machine maintenant artificiellement Nelly en vie se déclencheraient. Tout en pleurant, elle continuait d'ôter le dernier souffle à sa sœur.
Puis, avant de fuir, elle arracha les différents tuyaux reliés au corps inanimé de Nelly. Une alarme retentissait depuis quelques secondes déjà mais elle pensait avoir une petite minute devant elle.
La chambre était située au rez-de-chaussée et la baie vitrée lui permettrait de s'échapper.

Lorsqu'elle eut précipitamment quitté la chambre de sa sœur, elle se mit à courir et ne s'arrêta qu'une fois qu'elle eut atteint, essoufflée, les jardins de la clinique. Se cachant derrière un bosquet d'arbres, elle regarda autour d'elle mais tout était encore calme. Ayant récupéré une respiration régulière, elle reprit sa course et sortit de l'enceinte de l'établissement.

Dès qu'elle atteignit la rue, elle sortit un chapeau de son sac et, ayant attaché ses cheveux en queue de cheval, elle releva cette dernière et mit son couvre-chef. Elle marcha ensuite jusqu'à l'arrêt de bus et, celui-ci arrivant, elle y monta en essayant de paraître sereine alors que son cœur battait la chamade.

Tina s'assit au fond du bus et se mit à réfléchir. Elle voulait rejoindre sa sœur plus que tout et elle avait choisi le même moyen que sa sœur pour mettre fin à ses jours. Elle, personne ne viendrait la “sauver” in extremis. La vie la quitterait inexorablement dès ses veines tailladées.

Arrivée chez elle, elle prit place dans la baignoire après s'être mise nue et avoir pris la lame de rasoir destinée à son sombre dessein. Elle fit couler un bain bien chaud. Le temps que l'eau recouvre son corps, ses idées dérivèrent. Aurait-elle le courage d'accomplir la tâche qu'elle s'était fixée ?

Un quart d'heure plus tard, les yeux clos, Tina revoyait défiler le film de sa courte vie. Les moments heureux et les périodes de souffrance alternaient.

L'eau se refroidissait et la jeune femme ne bougeait toujours pas. Ses doigts, refermés sur l'outil de mort, ne tremblaient pas.
Tina n'avait pas pu mettre fin à ses jours. Elle se sentait lâche et se haïssait : elle avait tué sa sœur, la seule personne qu'elle aimait. Après tout, même si les médecins avaient affirmé à maintes reprises que Nelly ne reviendrait jamais à la vie, qui pouvait en avoir la certitude absolue ? Des miracles se produisaient ... parfois.

Qu'allait-elle faire maintenant ?