Chapitre 25 : Régénération intoxicante

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Je n’étais plus qu’irrévérence. Affalé sur ma chaise dans une posture qui soulignait mon effronterie, j’étirais mes jambes pour poser directement mes pieds sur la table.

Le militaire et moi étions dans une grande salle aux atours luxueux. Une pièce que j’imaginais réservé à de fastes banquets, un lieu de fête qui devait recevoir la haute société du dôme, où manger ne correspondait plus à un besoin mais plutôt à un divertissement, une expérience.

Tout autour de moi n’était que luxe et ornement : Des tapisseries baroques aux motifs complexes et aux couleurs chatoyantes, des chandeliers majestueux qui défiaient la gravité, des statues d’hommes et de femmes si réaliste qu’on les surprendrait presque à s’animer du coin de l’œil. Il y avait une indécence dans cette profusion de richesse, comme si l’on souhaitait hurler aux visiteurs : « regarde tout ce que j’ai et admire-moi au travers de mes richesses. »

Loin d’être émerveillé, je trouvais ce décor en tout point pitoyable. Ce spectacle m’était en tout point ridicule, nous étions deux dans cette salle immense, chacun positionné aux extrémités d’une table dont les dimensions ne faisaient que nous séparer au lieu de nous réunir. Une corbeille de fruit y était disposée en son centre.

Sans que mon hôte ne m’y invite, je me levais pour y saisir une poire que je dévorais sans ménagement. Alors que je regagnais mon siège, je ne cachais plus mon dédain, je veillais à dévoiler la totalité de ma haine. En désignant le fruit à moitié croqué, je rompis le silence qui s’installait.

-C’est probablement la plus belle chose que j’ai vu aujourd’hui.

J’échangeais un regard bien trop long avec le militaire qui ne cilla pas, malgré la défiance dont je faisais preuve.

-Mon très cher hôte, vous n’allez pas donné raison au bas-peuple, vous n’allez pas confirmer nos stéréotypes sur les étrangers.

Tiens ? Il me vouvoie maintenant ?

Je ricanais de manière sarcastique.

-Si cela est plus au goût de monsieur, je peux camoufler mon mépris derrière un voile de déférence.

L’homme soupira d’exaspération. Il reprit d’un ton doucereux.

-Nous avons mal commencé. Peut-être serait-il temps de prendre un nouveau départ.

Le gradé se leva de sa chaise pour se rapprocher de moi. Je sentais dans sa démarche militaire le poids de ses années de services. Même si les traits de son visage affichaient une forme de suffisance, je pouvais toutefois lui reconnaître une certaine forme d’allure. Qu’il s’agisse des cicatrices qui ornaient sa peau parcheminée ou des rides profondes qui creusaient son visage, on devinait derrière son faciès une existence tumultueuse.

Immédiatement en le voyant s’approcher, par réflexe je me levais pour me mettre à son niveau.

Nous nous dévisagions l’un l’autre, comme si nous cherchions à percer à jour l’être qui nous faisait face.

Dans une lenteur calculée, il me tendit la main.

-Occamen. Sénéchal au service de la couronne. Je représente la plus haute autorité militaire du dôme.

Couronne, hein ? Intéressant…

Je mis ma condescendance de côté avant de lui serrer la main.

-Zachary Tempès, voyageur du dôme de la vue.

J’insistais plus particulièrement en prononçant mes origines pour observer sa réaction. A nouveau il mordit à l’hameçon et son visage se figea, sa communication non verbale trahissait son intérêt.

La dernière fois que j’ai été trop bavard, j’ai plus ou moins déclenché une guerre entre le dôme de la vue et celui de l’ouïe. Ici, je vais tacher de garder mon sang froid.

Je perçois votre intérêt à chaque fois que je parle d’un autre dôme que le vôtre. Votre méconnaissance sur le sujet représente mon pouvoir. Oui, j’ai des informations. Énormément même. Maintenant, qu’est-ce que je gagne à avoir la langue pendue ?

D’un air calculateur, Occamen joignit ses mains alors que dans son esprit murissait pléthore de réflexions quant à ses options.

Que va-t-il choisir ? Me menacer ou m’amadouer ? Me dompter ou me convaincre ? Essayer de sympathiser ou au contraire m’intimider ?

-Admettons que je vous crois. Que souhaiteriez-vous avoir ?

Un sourire se dessina sur mes lèvres alors qu’il me semblait regagner le pas sur la conversation.

-La même chose que vous. Des garanties. L’assurance que je ne gaspille pas ma salive pour rien.

Je sentais qu’il rentrait dans mon jeu pour le moment mais que sa patience atteindrait rapidement ses limites.

-Des garanties de quoi ?

J’employais à prononcer ma réponse d’un ton neutre. Diplomate, je choisis chacun de mes mots pour dévoiler prudemment une partie de mon jeu.

-Puisque l’on est dans le vif du sujet, trêve de mondanités, permets-moi de te tutoyer. J’espère que tu n’y verras nulle agression.

Occamen me fit signe de poursuivre d’un hochement de tête.

Tu as dit tout à l’heure que tu étais l’autorité militaire la plus haute du dôme. Ce que je cherche c’est de rencontrer la couronne. Je souhaite rencontrer ton chef ou plutôt ton roi, je présume qu’il s’agit de Radicor, n’est-ce pas ?

Décontenancé, le sénéchal écarquilla les yeux. D’un seul coup, je venais de lui prouver que j’avais les moyens de mes ambitions. A son regard, j’avais l’impression d’être une sorte d’oracle. Comme si mes informations provenaient d’art divinatoire obscures.

-Si je t’arrange ça, qu’est-ce que tu m’apporteras ?

Je soupesais mentalement les options qui s’offraient à moi, quelles informations étais-je prêt à lui donner ?

-Vois-tu, cher Occamen… Voilà quelques temps que je parcours ces terres. Comme tu es militaire, je présume qu’une carte de la région serait une ressource inestimable à tes yeux, non ?

Le militaire me répondit immédiatement.

-Tu as toute mon attention, poursuis.

Curieusement alors qu’il s’agit de ma survie, il m’est impossible de voir autre chose en cet échange qu’un jeu.

-Je te dresserais une carte en te marquant des lieux importants. Toutefois je ne te dévoilerais la nature de ces lieux que lorsque j’aurais rencontré ton roi.

Le militaire n’eut pas l’ombre d’une hésitation et enchaina.

-Marché conclu.

Occamen me fit apporter tout le nécessaire pour que je puisse lui dresser une carte précise. Loin d’être expérimenté dans le domaine, je parvins tout à fois à établir des points clés de mon voyage.

-C’est la première fois que je me livre à pareil exercice, tu m’excuseras si le rapport d’échelle n’est pas tout à fait fidèle à la réalité.

Le gradé croisa les bras autour de sa poitrine.

-Pour l’heure, je vais croire en ta sincérité Zachary. S’il s’avère que cette carte est un tissu de mensonge, sois bien conscient que tu en payeras le prix.

Je m’éclaircie la voix puis reprit d’un ton nonchalant.

-J’ai honoré ma part du marché. A ton tour.

Occamen se dirigea vers la porte de la salle de banquet pour l’ouvrir avec fracas. Il claqua des doigts et aussitôt, deux gardes firent irruption dans la pièce. Le militaire me pointa du doigt puis prononça d’un ton dur.

-Lui, au cachot.

Avant de tourner les talons et de disparaître de ma vue.

Je jetais alors un regard totalement blasé aux deux soldats.

-Faites votre office, je ne résisterais pas.

Un sourire carnassier aux lèvres, l’un des gardes enchaîna.

-Dommage que le prisonnier soit récalcitrant, il va falloir faire usage de la force.

Joignant le geste à la parole, je fus passé à tabac puis trainé dans des geôles d’un autre âge. Je sentais certaines parties de mon visage résonner de douleur. Mon front tuméfié devait me donner des airs de monstres, mon nez cassé devait parfaire ce portrait hideux. Je ne sentais plus mes jambes.

Ne te fait pas d’illusions. Inévitablement en ces lieux, ça allait finir comme ça d’une manière ou d’une autre.

J’observais le plafond de ma cellule d’un air absent.

Ils appellent ça une prison, une punition. Il n’y a qu’en ces lieux où je suis sain et sauf.

De toutes les cellules que j’avais pu visiter, celle-ci était de loin la pire. Si la salle était étonnamment large, le plafond n’était qu’à un mètre cinquante de hauteur. Impossible de rester debout, la meilleure position était sans doute de demeurer allongé. Des murs de pierre épaisses, une fenêtre avec de larges barreaux qui donnent sur les caniveaux de la ville basse. Naturellement pas un lit, pas même un seau pour faire mes besoins, rien. Au vue des toiles d’araignées et de la poussière, personne n’avait mis les pieds ici depuis des décennies.

Impossible de me faire accepter en ces lieux. Je devrais probablement précipiter mon départ, si c’est encore…

Je fus interrompu dans mes réflexions par des bruits curieux qui attirèrent mon attention. De la seule sortie de ma cellule, j’entendais des hommes parler. L’épaisse porte en fer étouffait la plupart des sons, pourtant j’en captais encore quelques bribes. J’entendis des militaires se mettre au garde à vous puis rassembler leurs affaires. Pendant un temps, il n’y eut plus un bruit. Environ quinze minutes plus tard, j’entendis quelqu’un bailler et de nouveaux bruits de pas. Puis plus rien. Détachant mon attention de la porte, je me rapprochais de la fenêtre pour admirer l’extérieur. J’eus la désagréable surprise de voir un jet d’urine couler jusqu’au sol.

Manquer plus que ç…

La porte s’ouvrit dans un grincement interminable, révélant un curieux personnage. De longs cheveux noirs tombaient en cascade sur ses épaules, une barbe et une moustache ornaient son visage comme le prolongement de sa crinière. Il était élégamment vêtu d’un pourpoint bleu et jaune et d’un pantalon bouffant. Il n’était pas bien grand, aussi le plafond bas ne représentait aucune gêne pour lui. Un léger embonpoint accentuait son ventre, ses joues de pèche lui donnait un air enfantin, pourtant ses yeux…

J’ai déjà vu ses yeux quelque part…

-Radicor ?

La surprise se lut sur son visage puis ses lèvres se fendirent d’un sourire enjôleur. Son faciès laissait penser que l’on admirait un bon vivant, un peu niais mais plutôt sympathique. Là où son visage brillait par un éclat de candeur, la lueur que reflétait ses yeux n’était que torpeur et désespoir. Immédiatement cette dissonance accapara mon attention.

-Intéressant. Ainsi Occamen disait vrai. C’est bien moi.

Il parlait lentement, d’une voix chevrotante qui exprimait malgré lui une confiance en soi évasive.

-Je vous prie de me pardonner si je demeure allongé, vos gardes n’y sont pas allés de main morte avec moi.

Sans dire un mot, il vint s’allonger à côté de moi. Légèrement embarrassé par cette proximité, je n’osais pas réellement le regarder.

-Répondez moi franchement… Comment ça se passe à l’extérieur ?

Je sentais dans le ton de sa question comme une envie tout plaquer et de fuir ses responsabilités.

-Les Terres Mortes portent bien leurs noms. Au-delà de tes terres, le peu de faune qui subsiste est irradié. En dehors des dômes, la vie est quasi impossible : Je n’ai croisé que deux peuplades humaines qui sont parvenues à survivre : L’une vie dans la misère, tapie dans des égouts avec la peur permanente d’une invasion de cafard, l’autre… vivait également sous terre, ils mangeaient de l’humain pour survivre.

Il considéra mes propos avec la plus grande attention, il m’écoutait comme si mes lèvres abritaient des diamants.

-Vivait ?

Mon visage se figea dans une expression douce amer. Je soupirais au souvenir de ce génocide que j’avais provoqué.

Devrais-je m’en vouloir plus ? Je n’y pense jamais et ne culpabilise pas plus que ça, pourtant j’ai provoqué des milliers de morts. Quelque part pourtant, j’ai parfois même l’impression d’avoir fait une bonne action…

-Tu as bien entendu.

Sa curiosité était rafraichissante. Exception faite du passeur et peut être d’Occamen, je n’avais jamais essuyé ici que des injures.

-Que s’est-il passé ?

Je tournais ma tête vers lui pour le fixer droit dans les yeux.

-Ils m’ont mis en prison alors je les ai tous tué.

Je savais que mes propos allaient provoquer un silence malaisant. C’était avant tout une menace déguisée, un avertissement comme quoi me laisser en prison entrainerait des conséquences.

Je brisais la glace en pouffant de rire et il se joignit à moi.

Là encore, j’étais persuadé que malgré son hilarité, cela sèmerait le doute dans son esprit, qu’il se demanderait quand même si j’étais sérieux ou non.

J’ai découvert bien des choses dans mon périple qui ne manqueront pas de t’intéresser. Je présume que tu serais ravi d’avoir des nouvelles de tes frères. J’ai moi-même beaucoup de questions, alors je vais te proposer de nous faire gagner du temps.

Je fouillais dans mes poches pour en sortir la gemme de télépathie.

C’est encore la meilleure idée pour en apprendre un maximum sur ce dôme. Même si je n’ai aucune envie de me révéler autant à un inconnu, c’est une opportunité que je ne peux pas gâcher.

Sais-tu à quoi sert cet objet ?

Il nia de la tête. Avec l’aide d’un bracelet, je m’affairai déjà à fixer la gemme sur la paume de ma main.

-Cette pierre permet de communiquer directement d’esprit à esprit. Tu pourras directement puiser dans mes pensées, mes souvenirs, ou mes ressentis. Il ne s’agit pas seulement de moments passés. Très concrètement, tu pourras également savoir ce que je pense au moment même où l’idée se forme. Evidemment la réciproque est vraie. Cela te convient-il ?

Alors qu’il envisageait sa réponse, son visage se déforma en une grimace amère. Si jusqu’alors ses traits présentaient des mimiques enfantines, désormais son expression étaient à l’image de ses yeux, désenchanté et méfiant.

-Si d’une manière ou d’une autre cette chose devait signer ma perte ou que tu tentais de me laver le cerveau, sache que j’ai pris mes dispositions. Tu aurais beaucoup à perdre à me tromper. Mon peuple est très imaginatif quand il s’agit de punir.

Je souris alors qu’enfin il se dévoilait à moi.

Si tu savais, mon ami, à quel point j’ai déjà tout perdu…

-Le message est passé. Es-tu prêt ?

Il hocha la tête.

-Commençons.

Alors que j’appliquais la gemme contre le front de Radicor, un pressentiment me fit hésiter.

Est-ce vraiment une bonne idée ?

Je balayais mes doutes en fermant les yeux, m’apprêtant à basculer dans le monde onirique que j’avais forgé, alors que la pierre entra en contact avec la peau du roi du dôme.

J’eus l’impression de rouvrir les yeux alors même que mon corps n’était plus. Immatériel et vide, je contemplais le néant primordial que j’avais façonné : Un monde vierge de toute influence, dont la vacuité ne souffrait d’aucune imperfection.

J’accueillais en moi une sensation de sérénité, de plénitude. Goutant à la joie d’investir l’œuvre que j’avais moi-même crée.

La pureté de cet espace insondable se fendit en quatre cercles d’où émergea quatre humains. Je ne parvenais pas à distinguer avec exactitude leur apparence pourtant il me semblait pouvoir observer des disparités.

Les quatre être étaient disposé en rond. L’un d’eux semblait extrêmement jeune, un enfant de moins d’une dizaine d’année. Un autre le dépassant de bien deux têtes avait des airs d’adolescent. A ses côtés, un homme dans la fleur de l’âge et enfin un être légèrement vouté qui devait être un vieillard.

Le bambin se mit à chanter d’une voix fluette une note qui fut bientôt reprise par les trois autres, chacun montant d’un octave la note précédente. De ce chœur naquit une mélodie envoûtante, une musique si puissante qu’elle habillait le vide de ces terres immaculées.

Au centre de leur ronde se matérialisa l’essence de leur chant : une onde qui vibrait au gré de leurs voix. Ce qui m’apparaissait au départ comme un chant à l’unisson se dévoilait finalement comme une lutte de pouvoir : Plus une voix se distinguait des autres par sa beauté ou son intensité, plus elle forgeait et emplissait cette essence de l’empreinte de son auteur.

Alors que j’observais la scène d’un regard extérieur, je me sentis happé par cette substance primordiale. Ma conscience s’incarna dans l’onde m’offrant des sensations dépassant l’esprit humain.

Je ne pouvais me mouvoir que l’amplitude de leur chant pourtant loin de me sentir emprisonné, je brulais d’envie de vivre. Mon cœur n’était plus qu’exaltation. Je me sentis épris de leur passion et me mis à danser au diapason de leur fougue.

Quand l’un des choristes prenait le pas sur les autres, mon incarnation était attirée par lui. Lorsque ma danse m’intimait de traverser l’un de mes créateurs, je me jetais en lui pour y puiser de nouvelles sensations. Chacun de ces passages puisait dans leur âme pour gorger mon être de vie. D’une onde informe je devins une silhouette fantomatique. Ma danse se fit plus endiablée, extatique. Je voyageais de corps en corps au gré de leur passion, chacune de mes incursions dans leur être continuait de parfaire mon incarnation jusqu’à totalement façonner mon être.

Lorsque je fus formé de chair et d’os, les artisans de ma création n’étaient plus que des mannequins blancs, parfaitement lisse et vide. Ils tombèrent en poussière au moment où leur voix se tut. Ils n’étaient pas morts puisque j’étais chacun d’eux, je n’étais rien d’autre que l’assemblage de leurs esprits.

Quand j’embrassais du regard le monde qui m’entourait, je ne le voyais plus de la même manière. Mon incarnation me permettait de voir le son. En baissant la tête, j’eus la surprise de constater que la pulsation de mon cœur, mon souffle et mes pas diffusaient des petites vagues sonores qui allaient se perdre dans l’immensité de ces terres vierges. Si les ombres et le vide pouvaient paraître anxiogène en premier lieu, désormais elle fourmillait de vie au travers de ces ondes acoustiques.

Au lieu de ne voir en ces terres solitaires que les ténèbres, je captais désormais la propagation de sons provenant de lointains horizons.

Calmement, je me mis en quête de leur origine. Je marchais, fasciné et émerveillé par la puissance de l’imaginaire : Tout ceci était de mon fait, le pouvoir de l’esprit n’était rien d’autre qu’un pouvoir de création. Au travers de la télépathie, nous disposions à la fois de la possibilité d’explorer ces mondes d’esprit mais également de le partager.

Alors que je marchais, je perçus également que cette réflexion créait également une impulsion similaire aux stimulus physiques. Le bruit devenait à la fois une excroissance de mon être et un compagnon de voyage.

Je progressais toujours vers la source du son dont je commençais à capter l’écho. Plus je m’en rapprochais, plus l’évidence s’imposait à moi. Quelqu’un hurlait. On hurlait de manière ininterrompu, d’un cri qui exprimait les tourments de l’âme.

Compatissant, je pressais le pas jusqu’à arriver à Radicor. Il était à genoux et s’époumonait de manière continue. L’onde qui émanait de sa voix n’était qu’une parmi d’autres. La plus forte, celle que j’avais captée, venait de sa tête. Je compris alors que ce n’était pas de la peur qu’il exprimait mais plutôt quelque chose de bien pire. Il peinait à domestiquer son esprit, ses souffrances le dépassaient totalement. S’il hurlait, c’était bien qu’il cherchait à s’en libérer pourtant malgré ses efforts, le mal était trop fort.

Il ne remarqua même pas ma présence, trop concentré qu’il était à domestiquer son mal.

L’espace d’un instant je faillis être submergé par la puissance de cette vague. Je la sentais s’infiltrer en moi par tous les pores de ma peau. Je ressentais cette abominable souffrance se répandre en moi. Toute cette culpabilité, cette solitude, cette haine, cette frustration gagnait mon esprit comme un parasite, à des fins de se diffuser et d’exister au travers de moi. Malgré tout, je restais maître de mon esprit. Je voyais bien le supplice qu’endurait Radicor, pourtant sa souffrance n’était qu’un mal de plus qui s’ajoutait à mon esprit. La douleur m’avait façonné ces dernières années, j’étais parfaitement capable d’endurer une souffrance extérieure. Les maux qui me rendaient le plus vulnérable ne saurait être extérieur à mon être.

Je posais une main sur son épaule pour lui exprimer mon empathie devant son malheur et l’espace d’un instant, ses hurlements se turent. Les ondes émanant de son front cessèrent de se répandre avant de reprendre de plus belle.

Pourtant cette fois-ci, c’est avec des mots qu’il exprima son mal. Son esprit n’était pas formé à la télépathie. Je sentais qu’avant d’établir un vrai dialogue, il faudrait d’abord dépasser ses déchirements intérieurs.

-Qu’est-ce que j’ai fait. Je ne suis pas digne de diriger ces gens. Qu’est-ce que j’attends pour mourir.

La crise d’angoisse avait muté pour devenir une crise existentielle.

Il se sentait manifestement désarmé et je me sentis investi du devoir de l’apaiser.

-Tu veux que tout cela s’arrête ?

Il tourna la tête vers moi, me jetant un regard de désespéré.

Je remarquais subitement qu’il ne pleurait pas, il ne sanglotait pas non plus. Sa tristesse dépassait les larmes. L’angoisse qui lui étreignait le cœur savait tirer les bonnes ficelles pour ne jamais lui accorder cette libération.

Peut-être pourrais-je t’aider. Tu m’autorises à regarder ?

Il regarda ses mains, puis replongea ses yeux dans les miens.

-Vas… fais. Peu importe. Tant que ça s’arrête.

Immédiatement, je me lançais dans une série de mouvement circulaires à l’aide de mes bras. Emergeant du fond de ma gorge, une puissante vibration traversa mon larynx et enveloppa mon être d’une vague sonore que je catalysais au travers de mes gestes. Peu à peu, je sentis cette vibration diluer mon enveloppe charnelle jusqu’à ce que je redevienne une onde. Immédiatement, je mobilisais mes efforts pour fondre sur Radicor, me rattachant à la vague d’où ses souffrances émergeaient.

Avant de m’intéresser à ses déchirements intérieurs, je focalisais mon attention sur le dôme, son histoire et son fonctionnement. Je découvris un système politique curieux formé d’une chambre de sénateurs, élus par le peuple, ainsi que d’une chambre plus figée représentée par Radicor et une poignée de conseillers. Une forme de monarchie constitutionnelle où chacune des deux chambres dispose du pouvoir législatifs mais où Radicor dispose systématiquement du dernier mot.

En fouillant de plus belle, je découvrais dans le dôme des deux sens une société de caste assez stricte, chacune représentée par une guilde. Parmi eux, on pouvait y trouver la caste des artisans, des religieux, des nobles, des marchands, des militaires, des scientifiques, etc. Chacune souhaitant représentant ses intérêts auprès du sénat et faire élire ses représentants.

L’une des grosses spécificités du dôme résidait dans la technologie et la manière dont elle avait modelé la société. Dans les miracles qu’ils avaient réalisés, ils avaient notamment éliminé le besoin de manger. Pour faire honneur aux sens que célébraient le dôme, manger était devenu une pratique religieuse, un rituel sacré qui s’effectue à de très rares occasions. Si les décennies passées s’étaient déroulées sans encombre, un mouvement dissident auprès de la caste des scientifiques a conduit l’un d’entre eux a synthétisé une substance nommée la triglymérine. Similaire à une drogue, il était dit que son goût ne souffrait d’aucune comparaison et qu’elle soignait tous les maux. Dès lors qu’on l’injectait dans le sang, il suffisait de penser au goût que l’on souhaitait savourer et immédiatement la saveur se diffusait en soi. Si l’usage était publiquement condamné, notamment par la caste religieuse, elle était tacitement acceptée tant l’utilisation par toute la société fut massive.

Le dôme des deux sens avait prospéré de longues années sans anicroche. La caste des scientifiques, souhaitant redorer son blason auprès de l’opinion politique, décida de mettre à profusion ses talents au bénéfice de la sécurité publique. Ainsi, fut inventé un système de sécurité indéfectible, un système de surveillance directement implanté dans le lobe occipital du cerveau des citoyens. Au moyen de cette puce, on pouvait surveiller des pics d’activités, des pics de stress, des moments où le corps était sollicité à l’excès. Si l’on rapportait des données à, par exemple, l’heure estimée d’un crime, cela permettait par exemple d’identifier très rapidement des suspects.

Toutefois ce dispositif ne s’arrêtait pas à des fins de surveillances.

Il était également possible de littéralement prendre le contrôle de la personne pourvue d’une puce. Cette fonctionnalité fut justifiée en précisant que cela ne serait utilisé qu’à des fins préventives. Plutôt que d’enquêter sur un meurtre, si l’on pouvait l’empêcher avant les quelques instants qui précédaient son exécution, alors pareille mesure sauverait des vies. Très rapidement, toute la population du dôme subit l’opération rendue obligatoire par un décret du sénat. Seul Radicor avait été épargné.

La puce n’avait pas révolutionné la pratique de la justice au sein du dôme, puisque la criminalité était déjà basse. Non, il s’agissait plutôt d’une révolution sociale, un changement profond de mœurs et de pratiques.

Alors que le dôme connaissait une période florissante de prospérité, il fut un jour décidé d’entamer l’exploration des Terres Mortes. Radicor missionna alors une équipe forte d’une centaine de membre, comportant des soldats, des artisans, des scientifiques pour établir une colonie, une excroissance du dôme à l’extérieur. L’entreprise promettait un avenir radieux à qui voulait l’entendre, l’objectif n’était pas simplement de s’étendre mais progressivement de purifier les Terres Mortes des radiations.

Malgré ces intentions louables, les évènements prirent une tournure tragique. La première tentative de colonie s’était soldée par un échec. Les premiers colons s’enfoncèrent trop loin dans le continent, trop peu préparé qu’ils étaient face à des menaces dont la simple existence défiait la logique. Du jour au lendemain, on eut plus de nouvelles des premiers colons.

Revoyant les objectifs à la baisse, le sénat et Radicor prirent la décision de coloniser les abords du dôme et, pendant un temps, le succès fut total. La colonie prospéra et fit avancer la connaissance des Terres Mortes de bonds phénoménaux. Toutefois le spectre de la première tentative de colonisation hantait les pionniers de l’extérieur. Parmi les plus téméraires figurait ceux qui avaient perdu dans la première expédition un frère, une mère, un ami. Ceux-là ne trouvaient jamais le repos, leur sommeil était empoisonné par des questions sans réponse quant à leur défunt proche. Lorsque la colonie fut considérée comme pérenne, ils demandèrent à former une nouvelle mission d’exploration, sur les traces de la précédente.

La colonie reçut l’aval de sa hiérarchie et réunit ses membres les plus téméraires, les plus curieux ou les plus désespérés pour se lancer dans l’enquête. Seul une personne en revint saine et sauve. Le massacre qu’il raconta horrifia tellement ses frères que, pendant un temps, il fut question de rapatrier la totalité des pionniers.

Au travers de ce témoignage, le dôme découvrait pour la première fois la menace des cafards.

Si le récit du survivant terrifia une bonne partie des colons, il ne manqua pas d’intéresser les biologistes de l’expédition. Ainsi, sur la base de ce témoignage, le dôme mobilisa une équipe d’intervention dédiée à l’étude des blattes géantes. Composé exclusivement des militaires les plus aguerris et de scientifiques téméraires, l’équipe fut missionnée pour trouver une solution au problème des cafards.

L’escadron fut équipé des armes les plus sophistiquées, pourvus de techniques de camouflages les plus pointues. Si le récit du survivant avait suspendu une terrible épée de Damoclès au-dessus de la colonie, avec la création de cette unité d’élite l’enthousiasme revint dans la colonie.

Je connaissais déjà une partie de la suite des évènements, tel qu’Abiotos me l’avait confié dans son récit.

L’ambition excessive du sénat et de Radicor avait conduit à la ruine de la colonie. Les cafards avaient tout éradiqué et pendant un temps, on pensa qu’il n’y eut aucun rescapé. Tout effort pour coloniser les Terres Mortes fut abandonné et le dôme ne s’intéressa plus à l’extérieur pendant un temps.

Pourtant, un jour les autorités furent terrifiées d’apprendre l’épouvantable nouvelle.

Le dôme avait toujours respecté la mer, elle constituait un sujet d’étude inépuisable que l’on surveillait avec attention. Un jour, alors qu’un océanologue effectuait des prélèvements sous- marins, il surprit aux abords du dôme le vol de cafards qui semblaient comme patrouiller dans les airs. Pendant un temps, la nouvelle resta confidentielle puisque presque personne n’était autorisé à arpenter l’extérieur. Les organes dirigeants du dôme demeurèrent dans une angoisse effarante. Tous ressentirent dans les tréfonds de leur âme la peur de connaître le même destin que la colonie.

Un cafard se posa sur l’embarcadère extérieur, avec accroché sur sa carapace, un message qui commandait au dôme de livrer un humain par semaine aux cafards, sans quoi, le dôme subirait le courroux des blattes.

La suite, m’avait été relatée par le passeur. Le dôme fut laissé pour mort. Des lignées furent anéanties. Comme Khàrôn me l’avait narré, chaque membre du dôme était un rescapé, un survivant.

Le dôme n’était plus que l’ombre de lui-même cependant le naufrage n’était qu’à ses balbutiements.

Quand une semaine après, un nouveau cafard se posa sur les quais du dôme. L’insecte attendit un certain temps, il agita ses ailes pour faire tomber le message accroché à sa carapace et s’envola. Cette fois ci, la menace fut prise très au sérieux.

Un homme qui avait perdu femme, enfant et espoir se désigna comme volontaire pour se sacrifier. Khàrôn l’accompagna dans ses derniers instants et l’amena à la rive où un groupe de cafard attendait, parfaitement immobile.

L’homme rejoignit alors les cafards qui l’escortèrent en un lieu inconnu.

Les instances dirigeantes du dôme gardaient une surveillance constante du malheureux sacrifié. La surprise fut totale quand, à leur insu, ils constatèrent l’activation de sa puce.

L’information fut gardée confidentielle pourtant, elle était lourde de sens. Seul un humain pouvait être derrière cette sombre machination. Seul un membre du dôme avait pu commander aux cafards d’attendre aux abords du dôme. Seul un scientifique avait le talent nécessaire pour reproduire la technologie de contrôle à distance.

La nouvelle mit un temps à être assimilée par les organes dirigeantes. Les années et le recul aidant, l’analyse des données pointaient tous vers une seule et même direction. Dans la deuxième mission d’exploration des terres mortes, on avait observé à distance l’affaiblissement des signes vitaux des différents disparus. La mort de chacun d’eux ne faisait aucun doute. Cependant le dernier survivant de la colonie connut un destin différent. La puce d’Abiotos n’avait pas permis d’établir sa mort, sa puce avait simplement cessé de fonctionner.

De ces maigres soupçons naquit la conviction que derrière les cafards se cachaient l’œuvre d’un esprit dément. Malgré tout, les ressources pour étayer ce propos manquèrent et bientôt au lieu d’agir dans la précipitation, le dôme dût se construire autour de l’abominable.

Chaque semaine un cafard revenait et chaque semaine devait être désigné un tribut. Radicor lui-même venait dans la ville basse où tout le dôme se réunissait. Il était alors organisé une loterie macabre où serait désigné chaque semaine une famille. Avec une âpreté solennelle il répétait le message inscrit que les cafards lui avaient livré : « La ruche exige son tribut ». Radicor faisait ensuite tourner une énorme roue où figurait le nom de toutes les familles du dôme. Quand la roue en désignait une, elle devait décider lequel de ses membres se sacrifierait au nom de la survie de tous.

Naquit alors une nouvelle caste, celle des élus.

Une famille pouvait décider quand elle enfante de faire rentrer son enfant dans la caste des élus. Cela impliquait que lors de la cérémonie de désignation, l’enfant serait immédiatement choisi. En contrepartie, l’élu vivrait dans le dôme comme un dieu parmi les hommes, vivant une vie faste, à l’abris du besoin, jusqu’à ce qu’il soit choisi.

Au fil des années, Radicor sombrait dans la culpabilité de l’impuissance. Il se maudissait continuellement d’envoyer son peuple à la mort. De l’illustre dirigeant qu’il incarnait, il n’était désormais plus que l’ombre de lui-même. Le malheur avait façonné l’homme qu’il était devenu. La souffrance que je percevais n’était que l’écho de ce qu’il percevait comme sa faute.

J’en avais assez vu pour comprendre les origines de son mal, aussi décidais-je de regagner une forme physique. A nouveau résonna l’écho de ses lamentations.

Qu’est-ce qui me pousse à continuer ? Pourquoi est-ce aussi dur ?

Il ne me suffit que d’un mot pour interrompre ses plaintes.

-Intéressant.

Radicor se tourna vers moi.

-Est-ce là tout ce que mes tourments t’inspirent ? intéressant ? J’aurais pensé … pitoyable, révoltant, indécent. De tous les mots que tu aurais pu trouver, tu choisis celui-ci ?

Je ne pus réprimer un sourire facétieux.

-Tu me rappelles un de tes frères. Au dôme de la vue, nous avions le même genre de problématique. Notre Radicor y répondait de la même manière que toi. La seule nuance c’est que nous n’avions pas les cafards.

Pendant un temps, l’esprit du roi du dôme connut une vague d’accalmie.

-Laisse-moi voir cela. Dis-moi comment faire. Quel est la marche à suivre pour fouiller ton esprit ?

Simultanément à ce propos, je sentais en moi se former un pressentiment négatif, comme une voix qui voulait me hurler : « Ne fais pas, c’est une très mauvaise idée, ne lui donne pas les clés »

-C’est difficile à exprimer, pour ne pas dire inexplicable. Laisse-toi guider par ton instinct, focus toi sur ta volonté de communier et ton corps trouveras par lui-même comment faire.

Après quelques instants d’hésitation, Radicor répliqua les mêmes gestes pour amorcer la dilution de son être en onde et gagna sans détour mon esprit. Quelques instants plus tard, il se matérialisa à nouveau devant moi.

Les yeux écarquillés, il me dévisageait comme s’il était en présence d’un démon. Il lui fallut quelques minutes avant de regagner un semblant de sang-froid.

-Je saisis mieux à quel genre de personne j’ai affaire.

Peu importe l’opinion qu’il avait de moi, cette expérience avait porté ses fruits. Le poids de ses maux intérieurs semblait s’être atténué.

Je captais l’écho de certaines de ses réflexions sans même avoir à me désincarner.

N’importe pas nécessairement ce qui est moral ou sain mais ce qui doit être fait. J’agis pour la survie du plus grand nombre, même si cela implique le sacrifice de certains. Envoyer mes fils à la mort me désole, c’est cette culpabilité qui fait de moi quelqu’un de bien.

Comme si l’on cautérisait une plaie, je sentais sa lucidité revenir et recoller des morceaux de son esprit que des années de tourments avaient disloqué. C’était comme faire face à un nouvel homme.

Je ne savais plus exactement comment m’y prendre avec lui.

-Tout … va bien ? ça va ?

Peut-être que mes appréhensions m’induisaient en erreur, peut-être qu’il ne méritait pas ma méfiance, pourtant je ne pouvais m’empêcher de redoubler de vigilance.

-Mieux que jamais.

Hésitant, je repris.

-Souhaites tu que nous cessions notre échange ?

Il avait complètement repris le pas sur notre échange, d’une personnalité effacée il se faisait plus avenant, entrepreneur.

-Oui, mais avant cela… Je pense pouvoir te montrer quelque chose qui ne manquera pas de t’intéresser.

Je reproduis la même série de geste qui mua mon enveloppe charnelle en signal sonore afin de contempler ce qu’il avait en tête. Je sentais que son esprit se concentrait sur une succession de pensées que je ne manquais pas d’intercepter.

Le lieu qu’il souhaitait me montrer ressemblait à un édifice religieux gargantuesque. En son sein, une salle manifestement vouée à la messe, dotée de rangée de bancs pouvant accueillir des centaines de personnes. Les pierres froides du bâtiment donnaient une lueur bleutée à l’intérieur, renforçant une aura de mysticisme. L’esprit de Radicor se focalisa sur le fond de la pièce, attirant immédiatement mon attention sur divers éléments : un autel sur lequel était disposé comme une couronne de cierge ainsi qu’un siège digne d’un trône.

Le roi du dôme me plongea dans un souvenir racontant que cette chaise avait vocation à rester vide, qu’il s’agissait du trône de celui qui parviendrait à domestiquer la mer.

Le roi du dôme passa ensuite sur un souvenir du même endroit, pour un moment manifestement plus récent.

Le fauteuil avait été agrémenté de modifications, on y avait installé des fers, de longues menottes qui gardait prisonnier celui qui était désigné comme l’élu des mers. Enchainé au siège, comme une bête de foire sacralisée trônait un Cyclope désemparé. Son désarroi était palpable alors même que les adeptes de l’église lui rendaient hommage avec une révérence ordinairement réservée au divin.

La nouvelle de la survie de mon ami me fit l’effet d’un électrochoc qui me sortit immédiatement de l’esprit du roi du dôme, rompant immédiatement le contact télépathique. Je basculais de ce monde onirique à la réalité comme si rien ne s’était passé et me jeta sur Radicor. Le prenant par ses épaules comme un forcené, je m’exprimais d’un ton trahissant mon émotion.

-IL EST ENCORE EN VIE ? OU EST IL ?

Le roi du dôme ne montrait pas le moindre signe de peur. J’avais beau le tenir dans mes mains, son attitude laissait penser qu’il savourait cet instant. L’influence, le pouvoir qu’il détenait sur moi renforçait un sentiment de domination, comme s’il ne s’agissait que d’un jeu dont il tirait les rennes.

Il rit et me fixa du regard comme s’il savourait son emprise. Il ne répondit cependant pas à ma question, m’intimant silencieusement à me calmer pour obtenir une explication.

Je lâchais Radicor pour rattraper mon sang froid.

Le roi du dôme se leva.

-Prends ton mal en patience. Ce soir vous serez réunis. J’aurais à vous parler à tous les deux. Pour l’heure, j’ai besoin d’un temps de recueillement. N’ait craintes, je ne te laisserais pas pourrir ici.

Si je sentais la sincérité dans son propos, j’y lus également une perfidie qui me glaça le sang.

Par le passé, son malheur l’enchâssait dans l’inaction, au fond, ce n’était peut-être que pour le mieux. J’avais cette sensation curieuse d’avoir sorti de sa torpeur une menace antédiluvienne.

Je ne connaissais pas l’étendue de ma faute, pourtant le spectre du dôme de l’ouïe planait encore sur ma conscience.

Partout où mes pas me menaient, je semais derrière moi les graines de la discorde.

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