Une amère victoire

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Le brasero échappa à ses mains ; ses bras étaient douloureux et privés de toute force. La jeune femme dut faire un effort pour ne pas s'effondrer comme une poupée de chiffon sous les yeux d'Ashley. Mais elle parvint à rester debout, peut-être en raison des lignes que la souffrance imprimait sur le visage du normaliste, de la moiteur qui brillait sur sa manche droite...

Elle se sentit trembler de frayeur en repensant aux paroles qu'il avait lui-même prononcées, peu de temps auparavant.

... un poison si virulent qu'il n'a aucun antidote...

Hadria retrouva assez de force pour le saisir par les épaules, tandis que son cœur, emballé par la panique, battait à coups violents dans sa poitrine.

« Il faudra probablement brûler cet endroit pour éliminer toute trace... » déclara-t-il d'un ton étrangement calme, même si l'épuisement se faisait entendre dans ses intonations. Comment pouvait-il rester si indifférent à sa propre situation ? Elle fit mine de remonter sa manche, le sentant frémir de douleur à ce léger contact. De sa main valide, il attrapa son poignet :

« Non. »

Elle le dévisagea, stupéfaite.

« Vous n'aviez pas à vous inquiéter, reprit-il avec douceur et fermeté. Je ne risque pas de mourir, si c'est ce que vous craignez. Je vais devoir faire face à quelques moments désagréables, quand le poison aura envahi mon organisme, mais il ne me sera pas fatal. Vous pouvez me croire. »

Elle le sentit vaciller sur ses jambes, mais il parvint à résister à cet accès de faiblesse et posa les yeux sur la sorcière, encore inconsciente.

« Vérifiez dans quel état elle se trouve et tâchez de la ligoter... Puis rendez-vous au point de contact le plus proche pour solliciter un appui discret. Il devrait se trouver à un quart d'heure d'ici, si je me souviens bien. »

Le normaliste la contempla de la tête aux pieds, le regard traversé par une inquiétude subite. Hadria réalisa que sans la protection de ses verres fumés, ses yeux ouvraient une fenêtre sur ses émotions, même si elles lui semblèrent complexes et furtives. Peut-être son état de faiblesse l'empêchait-il de les dissimuler autant qu'à l'accoutumée.

« Vous n'êtes pas blessée ? »

Quelle étrange question...

Elle était épuisée, traumatisée, terrorisée, écœurée... mais pas blessée. Il lui faudrait tenir, un moment encore... Oublier l'appréhension qui lui nouait les entrailles, oublier les interrogations qui tournaient dans sa tête et se cognaient sur les parois de son esprit comme un oiseau décapité, oublier qu'Ashley venait de se laisser tomber assis sur le sol, le dos appuyé contre le mur, serrant son bras contre sa poitrine. À présent qu'il lui avait transmis les consignes indispensables, son regard s'était enfui dans le vague, comme s'il contemplait des images lointaines qu'il était le seul à voir.

Hadria se mit à l'œuvre, se penchant vers la sorcière qui respirait régulièrement. Même si c'était un révoltant cliché, la mauvaise herbe avait la vie dure. Elle ne voulait pas éprouver de compassion pour cette femme, en dépit de son passé. Certaines choses étaient juste... impardonnables. Trop d'innocents avaient pâti de l'horrible influence de la larve dorée et de son poison immonde.

Il pouvait être employé pour tuer, mais aussi pour manipuler les esprits ou susciter une attirance...

Elle utilisa des lacs qui retenaient les tentures pour lui lier les mains et les chevilles, sans être certaine que ses nœuds approximatifs tiendraient assez longtemps. Elle veilla à ne pas poser son regard sur le corps du Chinois, après avoir entraperçu son visage déformé par un mélange de terreur et d'atroce souffrance. Ni les fragments animaux dont se dégageait déjà la puanteur de la corruption...

La seule façon de survivre à son venin est d'avoir été en contact avec lui... d'une manière ou d'une autre.

La jeune femme arracha la voilette de son chapeau, qui n'avait plus d'utilité. Elle aurait besoin d'y voir clair dans les rues noyées d'ombre. Elle avait mémorisé tous les points de contact de Gladius Irae dans la ville de Londres ; elle n'aurait pas trop de peine à retrouver l'adresse. Elle espérait juste ne pas faire de mauvaises rencontres en chemin.

Vous n'avez sauvé que Hong Li Ming, vous n'avez eu aucun regard, aucune attention pour ce qu'elle laissait derrière elle...

Hadria humecta ses lèvres trop sèches et lança un dernier coup d'œil en direction de son partenaire, qui semblait avoir perdu toute conscience du monde réel ; puis elle s'enfuit vers les ruelles, étrangement rassurantes sous le ciel chargé de fumée et de brume de la métropole londonienne.

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