Je suis Mario Bros
Une journée de plus bloqué dans cette linéarité qui m’entrave l’existence. Courir, sauter, grandir, marcher. Quatre actions, entremêlées de boules de feu à l’occasion, et me voilà résumé. Quel ennui. Mon quotidien est aussi fade que le bleu délavé de ma salopette. Le temps passe, encore et toujours, sans que jamais personne ne pense à lâcher ces quelques boutons qui rythment mes mouvements. Un écran en deux dimensions, voici ma prison. Je suis Mario Bros. Pitié, libérez-moi !
Mais rien n’y fait. J’ai beau hurler, personne ne m’entend. Une fois de plus, je m’engouffre dans ce tuyau vert. J’ai peur du noir. Des espaces clos. Ces quelques secondes se muent en heures et mon cœur se comprime. Les larmes me viennent, elles perlent sous mes paupières mais ne couleront jamais. Je ne peux pas pleurer. La lumière, enfin.
Devant moi, une armée de champignons en colère. Une colère que je partage. Entre eux et moi, rien ne diffère. Mais je dois les écraser. Ils sont mes ennemis, ils sont tous mes ennemis. Je suis seul derrière cette vitre de verre. Nintendo m’a volé mon libre arbitre. Je suis Mario Bros, et je ne sais plus ce que cela veut dire.
Les niveaux se suivent et s’entre-mêlent.
Je risque ma vie, la perd parfois, puis la retrouve. La mort ne dure jamais longtemps. Même elle ne saurait me soulager.
Puis le soir tombe, l’écran s’éteint et je patiente. Je ne suis qu’une distraction. Un amusement passager. Aujourd’hui je suis Mario Bros, demain un autre viendra me remplacer.
Annotations
Versions