Arrivé près de chez lui, François-Xavier ralentit sa course puis se met à marcher en observant un inconnu sonner à la porte de l’immeuble haussmannien. Une fois à sa hauteur, il le salue et lui demande s’il peut l’aider.

– Savez-vous si Monsieur François-Xavier Maillard est à son domicile ?

– C’est moi !

– Ha… Bonjour ! Pierre Brassard, Officier de police judiciaire. Est-ce qu’on peut entrer chez vous pour discuter ?

Les jambes de François-Xavier fléchissent le temps d’un battement de cœur.

– Oui, bien sûr. J’imagine que c’est important. Je ne vous serre pas la main, je saigne. Une mauvaise chute.

Les deux hommes montent dans l’ascenseur.

– Vous courez ?

François-Xavier sourit.

– Tous les jours, oui. Pouvez-vous me dire ce qui vous amène ? Cela fait des années que je n’ai…

Au moment où la porte se ferme, une main couleur ébène la bloque puis la rouvre. Une voix profonde lance :

– Bonjour FX, tu me laisses un peu de place ? Bonjour monsieur !

L’homme, d’une corpulence qui impose le respect, se glisse dans la cabine. François-Xavier recule.

– Salut Mathieu !

L’ascenseur se met lentement en mouvement.

« Combien de personnes as-tu sauvées cette nuit ?

– Pas autant que j’aurais voulu. De toute façon, sait-on vraiment si on les sauve ? Ça va mieux ? Tu peux passer vendredi ? J’ai fini ma garde de nuit et Nabila sera contente de te voir.

Sans attendre de réponse, Mathieu demande à l’officier :

– Cinquième, s’il vous plaît !

Le policier se contorsionne pour observer le panneau de commande et presser le bouton d’acier, puis se recolle à la paroi.

Un silence s’installe.

Arrivé à l’avant-dernier étage, l’homme descend en boitant.

– Curieux voisin, murmure l’officier comme à lui-même.

– Que voulez-vous dire ?

– Non, rien…

FX sourit, d’un air las cette fois.

La porte de l’appartement franchie, François-Xavier enlève ses chaussures de courses, et les dépose à côté de deux autres paires quasi identiques. Sans se tourner vers l’officier, il lui dit :

– Vous pouvez garder vos souliers. La femme de ménage passe aujourd’hui.

Les immenses vitres de la pièce principale laissent entrer la lumière à grands coups de rouleaux de peinture. Le parquet très clair et les murs quasi nus donnent à l’aire ouverte une impression de vide. Des journaux et une pile de magazines recouvrent une partie de l’imposante table de salon.

Le policier essaie de saisir l’atmosphère, de faire une corrélation entre le logement et son propriétaire. François-Xavier se retourne enfin vers son interlocuteur.

– Bon, que se passe-t-il ?

– C’est en lien avec les Abeilles.

La plaie qui suintait depuis plusieurs semaines se rouvre dans le cœur de François-Xavier ; il blêmit. Les secondes s’allongent comme des ombres.

– Si vous venez me voir, c’est que vous connaissez mon dossier, non ? L’avez-vous retrouvé ?

– J’ai besoin d’un prélèvement pour un test ADN, si vous le permettez, et j’ai quelques questions.

– Il est vivant ! Je veux le voir !

Sa voix détonne, des gouttes de sueurs froides roulent sur ses flancs.

– Écoutez, je vais aller droit au but : depuis presque deux ans, comme vous l’avez sûrement lu dans la presse, certains enfants enlevés, parmi ceux devenus majeurs, réapparaissent. Là où ça se complique, c’est qu’ils ne connaissent que leur prénom. Sans compter que des petits malins se font passer pour ces enfants disparus afin de toucher l’aide financière de l’État.

– Je peux voir une photo, au moins ?

– Je vous l’ai dit, ce n’est peut-être pas votre fils. Votre cas ressemble à une anomalie par rapport aux autres enlèvements : vous avez beaucoup d’argent, cela peut attirer des profiteurs. La situation est complexe pour lui comme pour vous. Pour nous aussi en passant.

– Alors, pourquoi vous êtes-vous déplacé ? Pourquoi croyez-vous que c’est mon enfant ?

– Ce groupe, que l’on appelle les Abeilles, n’a kidnappé qu’un seul Clovis en 18 ans !